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D’ici et d’ailleurs
Les élections de mi-mandat aux États-Unis auront lieu le 6 novembre prochain. Tous les sièges de la Chambre des représentants, c.-à-d. du Congrès, sont en jeu alors que seulement 35 des 100 sièges du Sénat seront contestés, assurant ainsi une certaine dose de continuité dans le pouvoir législatif du pays.
Cette élection est décisive en ce que l’électorat aura ainsi la chance soit de soutenir les candidats républicains et de les maintenir en majorité dans les deux chambres, affirmant par là même être heureux que le président Trump continue dans ses initiatives en bénéficiant de l’appui presque automatique des deux chambres ou alors l’électorat se révoltera et assurera une vague démocrate qui peut alors contraindre et contrôler le président Trump. Généralement, les élections de mi-mandat représentent des défaites pour le parti du président en selle : sur les 21 dernières élections du genre, le parti du président perdait, en moyenne, 30 sièges au Congrès et quatre sièges au Sénat. Cette année-ci s’annonce pire que la moyenne pour Trump, sauf pour un impondérable de dernière minute : la nomination de Brett Kavanaugh à la Cour suprême qui pourrait également mobiliser le vote démocrate ou républicain. Ça dépend des théories.
Trump choisissait finalement, cette semaine, le camp des hommes, comme lui, qui feraient face à des accusations qu’il dit toutes «mensongères». Il prend un sérieux risque, car il est estimé qu’environ 40 % des Américaines ont été harcelées contre leur gré ou violentées sexuellement ! Dixneuf femmes l’ont, d’ailleurs, personnellement accusé de violence ou d’attouchements sexuels ou, comme Stormy Daniels, de tentative d’imposer une muselière. Ce faisant, il mobilise ceux qui l’auront fait gagner en 2016, puisqu’il alignait alors 12 % de plus que Clinton chez les hommes (et 67 % des blancs sans diplôme !) alors que celle-ci avait 12 % d’avance chez les femmes, tout en perdant le vote des femmes blanches 52 à 48 % et celui des blanches sans diplôme par 61 à 39 %. Ce clivage ethno-sexuel semble s’être accentué depuis 2014 et l’avènement du mouvement #MeToo, le dernier sondage WP-ABC indiquant que les femmes blanches faisant confiance à Trump avait chuté de 52 % à 37 %. Il n’y avait plus que 27 % de soutien chez celles détenant un diplôme, alors que 44 % avaient, crucialement, voté pour lui en 2016. En parallèle, le vote mâle pourrait être plus favorable à Trump qu’en 2016, mais on ne sait si le taux de mobilisation de ceux-ci pour aller voter sera suffisant pour lui. L’affaire Kavanaugh est droite dans le fil de #MeToo, Trump ayant maintenant choisi de ridiculiser publiquement la dénonciatrice de Kavanaugh, Melle Blasey Ford et de plaindre «tous les hommes» qui pourraient, comme lui, se retrouver face à de «fausses accusations» de harcèlement sexuel ou pire. Toute la question est compliquée car il n’y a presque jamais de témoin dans les relations entre hommes et femmes, ce qui en fait une question de crédibilité des protagonistes. Ce qui est désormais clair, cependant, c’est que Kavanaugh a la prétention d’être à la Cour suprême alors qu’il a menti plusieurs fois devant la commission du Sénat (notamment à propos de ses beuveries) et que son comportement rempli de suffisance partisane face aux sénateurs ne va pas l’aider dans son postulat d’être un juge impartial.
Dans un pays qui a longtemps réussi de grandes avancées nationales parce qu’il y a toujours eu suffisamment de mise en commun entre modérés républicains et démocrates qui, en hommes et femmes libres, ne se soumettaient pas nécessairement à la ligne du parti, mais plutôt aux besoins du pays, on peut aussi souligner la coupure moderne sans précédent entre républicains et démocrates, ce qui mène à des vacheriescyniques mutuelles. On peut ainsi remonter au cas de Merrick Garland, le candidat à la Cour suprême présenté par le président Obama en mars 2016 et que le Congrès à majorité républicaine d’alors, fait sans précédent aucun, refusait même d’entendre au motif que c’est «la dernière année d’Obama» ! On peut dès lors comprendre les efforts des démocrates de retourner l’ascenseur sur Kavanaugh et compatir avec une grande démocratie qui vient de perdre l’un de ces derniers sénateurs-ponts avec McCain et qui saigne de plus en plus lourdement, éventrée en deux… Gageons, si le Sénat bascule, qu’il y a des chances que les démocrates refusent alors d’entendre les candidats présentés par Trump au motif que ce sont «les deux dernières années de Trump»… ce qui deviendrait dramatique !
Pendant très longtemps, au pays, on pouvait agréablement se référer à ce qui se faisait à l’étranger et espérer que ces modèles et ces normes soient ceux qui nous inspirent, ne serait-ce qu’en filigrane, et nous empêchent de déraper. C’est un exercice qui devient de plus en plus difficile.
De qui, de quoi s’inspirer ces jours-ci ? Du cynisme meurtrier de Duterte, aux Philippines, qui pourrait être rejoint, sur ce point, bientôt par Bolsonaro, au Brésil ? Du populisme autoritaire, cynique et étroit de Viktor Orban ou de Matteo Salvini ? De ceux qui vendent le rêve que l’on peut bénéficier, à la fois, d’être un Européen (mercantilisme oblige !), tout en ne se soumettant qu’à des règles nationales qui «conviennent mieux», comme les Brexiteers ? De ceux qui ayant semé les mensonges et la pagaille, ont fui, comme Johnson ou Davis, pour pouvoir continuer ce qui est finalement plus facile, c.-à-d. blâmer les autres ? Du «génie stable» autoproclamé, narcissique, léger, raciste, antiscience (qui en profite pourtant), menteur invétéré (qui accuse donc les autres de «fake news»), truand fiscal qui affiche d’étranges sympathies pour des despotes ?
Il n’y a aucun doute que l’émergence de cette nouvelle vague de «normes» à l’étranger, surtout dans nos pays de référence, est désespérante et aide, malheureusement, à relativiser ce qui se passe ici. Franchement, on était preneur d’Obama, mais sommes-nous partants pour Trump ? Ce qui est tout particulièrement inquiétant, c’est comment on peut délibérément cacher une attaque directe contre la démocratie et les institutions qui protègent les citoyens, en faisant le contrepoids au totalitaire, derrière des slogans creux et des promesses démagogiques qui sont effectivement… gobés !
Build the Wall, America First ! et Lock her up ont ainsi été parmi les miroirs aux alouettes qui ont permis aux riches de devenir plus riches, 83 % des récentes réductions fiscales retournant aux 1 % les plus riches des États-Unis et à un président de déclarer que le département de la justice ou le FBI devaient travailler pour… lui, plutôt que pour le pays !
Ici, on connaissait déjà !
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