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Quand l’économie va… tout va… mais qui donc s’en occupe ?
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Quand l’économie va… tout va… mais qui donc s’en occupe ?
Depuis le dernier Budget, on ne parle presque plus de l’économie et c’est inquiétant. Car contrairement à l’adage consacré, qui veut que «quand le bâtiment va, tout va», c’est véritablement quand l’économie dans son ensemble va bien que tous les autres problèmes se font petits ou alors pâlissent d’insignifiance.
L’industrie du bâtiment et le secteur du génie civil sont effectivement importants dans l’économie d’un pays. Leurs effets d’entraînement sont conséquents. Leur capacité à générer, sans reconversion majeure, des emplois accessibles à nos concitoyens, n’est pas négligeable. Ils aident à booster, pour un temps, la croissance. Cependant, il ne faut surtout pas tomber dans le piège, voire l’illusion, qu’un pays transformé en grand chantier est un pays en bonne forme, dont l’avenir est nécessairement assuré ! Les travaux actuellement engagés ou envisagés dans le pays, comprenant le métro, les réparations aux réseaux CWA, les divers «bypass» type St.-Julien, la route Terre-Rouge–Verdun que l’on plâtre toujours, le pont éventuel reliant Coromandel à Sorèze, le développement portuaire les flyovers à Phœnix et ailleurs, sont certes nécessaires, parfois même attendus de très longue date, comme le métro. Cependant, ces chantiers – dont on se plaint au premier degré pour les inconvénients immédiats, tout en intériorisant le fait que leur existence promet du «mieux» – ne sauraient en aucun cas être un substitut au développement balancé requis par notre économie qui montre, par ailleurs, depuis quelque temps déjà, des signes inquiétants de dérèglement.
Emprunter de plus en plus et financer des travaux publics de toutes sortes, cela est peut-être nécessaire pour mieux ancrer la base sur laquelle construire une économie productive, mais elle ne peut, à elle seule, être une solution durable d’avenir… Faut-il encore pouvoir intéresser le secteur productif à, effectivement, s’ancrer sur cette base d’infrastructure améliorée ! Or, ça ne semble pas se passer, hormis pour l’immobilier, qui paraît pourtant bien saturé, selon certains indicateurs.
Quand on y pense, les sujets d’inquiétude sur l’économie sont nombreux, d’autant plus que le premier responsable de nos finances a aussi endossé la charge de Premier ministre, ainsi que celle de ministre de l’Intérieur, des Communications extérieures et de la National Development Unit ! La plus grosse contradiction potentielle est peut-être même d’avoir un ministre des Finances qui est, en plus, chef de parti ! Comment alors agir «en bon père de famille» et refuser de distribuer trop de bonbons ? Et comment fait-il puisqu’il est aussi époux et père ? Je ne saurais certainement jamais personnellement ce qu’est, de fait, le poids d’un seul ministère, mais j’estime qu’une seule de ces charges nationales, si bien assumée, est proche d’être écrasante et il est alors quand même légitime de demander à quel point Pravind Jugnauth peut nous être tous supérieur, n’est-ce pas ?
Le soupçon est inévitable : ce sont les finances du pays qui finissent par payer et qui souffrent de ce trop-plein de responsabilités sur les épaules d’un seul homme. Car malgré un endettement qui grimpe raide et qui atteint déjà, selon certaines estimations, 70 % du PIB, nous ne semblons pas avoir eu beaucoup de succès à stimuler nos industries d’exportations jusqu’ici. Le textile piétine, le sucre saigne fort, le poisson est menacé. Réduire la taxe sur les profits de ceux qui exportent, ça fouette sûrement le sang. Encore faut-il pouvoir faire des profits d’abord. Selon la Chambre de commerce et d’industrie, les exportations domestiques du pays ne progressaient que de 16 % entre 2010 et 2015. Les importations progressaient, quant à elles, de… 24,5 % sur cette même période. Le différentiel est troublant. Mais il y a pire puisque dans l’absolu, sur cette période, nos exportations progressaient de Rs 8,4 milliards, alors que nos importations augmentaient par… Rs 33,1 milliards. Le résultat en est, évidemment, un déficit de la balance commerciale qui se creuse et qui est, aujourd’hui, déficitaire de plus de 100 milliards l’an, puisque les tendances sont maintenues. Qui peut croire que c’est soutenable à un moment où les commodités et le pétrole flambent face aux prix du sucre et du textile voguant vers le Sud et un marché du thon menacé à terme par la surpêche et l’empoisonnement graduel des mers avec des déchets de toutes sortes, dont des métaux dits «lourds» ?
Depuis 2015, qu’a-t-on vu de majeur comme nouvelle activité d’exportation ou qu’a-t-on réussi avec les opérations existantes pour générer des devises additionnelles à la cadence requise par notre appétit pour les importations, largement stimulées par la roupie «forte» de l’époque ? Et maintenant «soutiré» grâce aux devises générées de manière franchement épidermique par l’offshore ?
La balance commerciale est un ingrédient clé de la balance des comptes courants qui, ayant pourtant bénéficié de l’apport des «invisibles» comme le tourisme, reste aussi déficitaire à des taux inquiétants – plus de 6 % vs PIB. En fait, et c’est bon de le répéter à nouveau, nous sommes de plus en plus dépendants des étrangers et de l’offshore en particulier pour notre balance des paiements positive qui nous permet d’accumuler des réserves dites «nationales» et ainsi de vivre au-dessus de nos moyens…
De plus, notre productivité nationale est lamentable en comparaison avec ce qui se passe ailleurs et en particulier chez nos concurrents. Ce sont les buzz-words de la fintech, de AI et du blockchain (ancrés sur quelles ressources humaines ?), les dons et les prêts de l’Inde, de la Chine et de l’Arabie, les rentes de l’offshore qui vont continuer à nous nourrir dans les prochaines années, vous croyez ? Ou alors serait-ce une formule plus rationnelle et équilibrée, constituée d’efforts à la production, de formation accélérée, de plus d’exportations, d’un État plus mûr, plus serein, plus compètent et, enfin, plus respectueux de la séparation des pouvoirs et de la méritocratie qui est requise pour mieux rassurer l’investisseur ?
Prenez le problème par un autre bout. Pendant que les grands, comme les États-Unis, veulent et peuvent asseoir leur dominance sur le commerce et dénoncent à tour de bras les instances et traités internationaux qui régissent le commerce et le droit international, nous, on est obligés de se plier. Comme face à l’OCDE de M. de Saint-Amans, qui nous dicte aussi ce qui nous est permis dans l’offshore, peu importe (surtout si ?), cela refroidit la clientèle. Eux, ont les moyens de protéger leurs intérêts. Pas nous ! Qu’on se le répète ad nauseaum, mais que l’on ne s’en contente surtout pas et que l’on fasse ce qu’il faut pour devenir plus productifs, éliminer les gaspillages, respecter les principes, favoriser la méritocratie et ainsi donner un «la» de plus d’indépendance et de dignité à la population qui soit franchement contrasté avec celui de la dernière décade !
Car, en plus, on n’entend plus parler de soigner les fièvres coûteuses des corps parapublics (Budget 2016, section 364) et il reste à résoudre la faillite annoncée de notre plan de pension national, d’autant plus si l’on ne fait rien d’autre qu’augmenter les pensions, comme on l’aura encore promis ces jours-ci, pour tenter de gagner des élections ! Alors que le taux de dépendance des retraités sur ceux qui travaillent va encore se détériorer, siouplaît !
J’entends souvent, en milieu gouvernemental, la réflexion que nous sommes des débrouillards et que face aux difficultés passées, nous avons TOUJOURS trouvé des solutions et que, DONC, on en trouvera d’autres. Dans les contes de fée, il suffit parfois d’une baguette magique. Dans l’île Maurice d’aujourd’hui, il nous faudra aussi un ministre des Finances à plein-temps qui soit, en plus, un grand malin !
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