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Démocratie fantoche
Laissez-moi vous expliquer ce que c’est qu’une démocratie de fantoches.
M. Ken Arian, tentant de disculper son bon prince, s’interrogeait dans l’express de vendredi quant à savoir si c’était vraiment le gouvernement qui boycottait l’express, ou plutôt l’express qui boycottait Pravind Jugnauth. Sa définition du mot «boycott» est, à ma grande consternation, au moins à géométrie variable ! Sans doute a-t-il appris, de près, certaines petites choses lors de sa récente virée aux États-Unis, qui aura coûté près d’un million de roupies aux contribuables ? Comme comment utiliser le langage de «la vérité», comme et selon Trump et ses acolytes, par exemple ?
L’express n’a jamais boycotté Pravind Jugnauth ! Boycotter implique, selon mon Larousse, une «cessation volontaire de toutes relations, en particulier commerciales, avec un groupe, un pays, afin d’exercer une pression ou des représailles». Nous publions des informations. Si ces informations étaient fausses, nous aurions été dénoncés ou poursuivis ou nous aurions publié des rectificatifs, et/ou nos lecteurs auraient été déçus d’avoir été mal informés. Ce que le PM n’aime pas, en fait, c’est de voir le reflet de sa propre image et celle de son gouvernement, dans l’express, en vrai, grandeur nature. Il préfère évidemment, comme son prédécesseur, une chambre d’écho à sa gloire, ou, au pire, des médias lisses, accommodants, borgnes.
L’express n’a pourtant pas inventé Soodhun, Sumputh, Choomka, Yerrigadoo, Nilamber, Tarolah, Boygah, Maunthrooa, Trilochun, Gulbul, Gurib Fakim, Sohun, Dayal, Henry, Ragavoodoo,… comme il n’avait pas inventé et s’était senti le devoir de parler du pandit Sungkur, de Soornack, de Woochit , de Gooljaury, de…, en leur temps. Ce Premier ministre, comme son prédécesseur d’ailleurs, emporté par son déplaisir sur ce que nous publions de vrai, confond ses rôles et utilise sa position d’homme d’État pour punir. C’est mesquin, c’est petit, mais chacun doit s’assumer, n’est-ce pas ?
Ne plus du tout voir le nom de Pravind Jugnauth et de son gouvernement dans les colonnes de l’express, à partir de demain, ÇA, ça pourrait s’apparenter à du boycott, mais ce n’est pas ce que nous ferons, cette fois, puisque nous sommes après tout des démocrates et des adultes et que nous devons à nos lecteurs des informations, pour décevantes qu’elles puissent être pour certains.
Dans le manifeste électoral de Lepep de 2014, on parlait d’approfondissement de la démocratie. On lançait ainsi, (page 43) des trémolos de sincérité dans la voix, que la MBC serait «réorganisée», que la télé privée arrive, que la liberté d’opinion sera «respectée», qu’une loi anti-transfuge sera introduite, qu’une nouvelle Declaration of Assets Act touchera désormais les biens achetés sous prête-noms (à Péreybère aussi ?) et que les informations ainsi collectées «seront rendues publiques» ! On aurait dû se méfier, malgré la caution apportée par Ivan Collendavelloo. Provenant de ceux qui nous avaient pondu la Newspaper & Periodicals Act de sinistre mémoire, on a depuis reçu, en offrande, le Prosecution Commission Bill qui choquait le PMSD jusqu’à la démission, le kidnapping du CSR, puis la nomination partisane à l’Electoral Supervisory Commission, suivi de modifications de l’ICT Act afin que quoi que ce soit d’écrit qui est «likely to cause or causes annoyance, humiliation, inconvenience, distress or anxiety to that person» soit désormais passible de poursuites avec, à la clé, 10 ans de prison ! Je suppose qu’il n’est pas étonnant que l’approfondissement de la démocratie à ce rythme et de cette manière soit tel qu’il inclut aussi le boycott de journaux contrariants, des réponses parlementaires qui se font attendre ou qui ne sont pas satisfaisantes, la pagaille parlementaire, de nouvelles licences de radio à des caniches du pouvoir, le renvoi des élections villageoises, que la Freedom of Information Act ou une réelle réforme électorale se fassent attendre, que la déclaration des actifs de nos dirigeants restera définitivement secrète et que les comptes des partis politiques demeurent non audités et totalement opaques, tant que l’effet d’annonce tactique d’hier ne soit effectivement remplacé par une loi votée !
Approfondir la démocratie de cette manière est en train de creuser un sacré trou, à mon humble avis. Faudra-t-il toucher le fond dudit trou avant que le bon peuple ne sorte de sa torpeur matérialiste et ne réagisse enfin ? Vertement, à défaut d’être en jaune ?
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Il y a des mots comme ça, qui débutent leur vie comme des mots propres ou même privés, souvent des marques de produit et qui se transforment, en fin de compte, en des mots communs. Ceci peut arriver pour des raisons négatives, mais plus généralement cela dénote du positif. Dans le même mouvement, la majuscule se déculotte au profit d’une minuscule. On achète ainsi un «frigidaire» de la marque Samsung ou Philips, alors que Frigidaire était, au départ une marque d’appareil frigorifique. De la même manière l’on peut emprunter le bic de quelqu’un , entrer dans un jacuzzi, cuire un plat dans un pyrex ou un tefal, aspirer, un jour, à acheter une jeep, garder son thé, sucré, au lait dans un thermos et laver son porche avec un karcher.
Et le nom «Lepep» deviendra (est-il déjà devenu ?), lui, un mot générique et commun rappelant ou décrivant quoi exactement ? Le Metro Express ou Heritage City ? Le Prosecution Commission Bill ou la Good Governance & Integrity Reporting Act ? Le salaire minimum ou la non-réforme (et la faillite annoncée) du plan national de pension ? Les cas Choomka, Dayal, Tarolah, Megh Pillay, Yerrigadoo, Hanoomanjee, Sohun, Sumputh, Soodhun, ou le dossier Chagos ? La fin de la BAI ou celle de Dufry ? L’«annoyance» causé par la modification de l’ICT Act qui menace désormais les opinions libres de 10 ans de prison ? Les «compensations» payées par le contribuable à ceux qui engagent des poursuites contre l’État et qui sont… bien placés ou peu ou pas contredits ? La fin de la «nasion zougader» ou la contre-révolution du «gambling-en-veux-tu-en-voilà» qui devrait encore vraisemblablement financer les caisses de partis divers ? L’augmentation promise de la pension de vieillesse ou les per diem de certains privilégiés ? La promesse non tenue d’une véritable réforme électorale, de la Freedom of Information Act, du financement plausible des partis ? En effet, si une ébauche de loi sur ce dernier sujet a pris 4 ans, quelles sont les chances de conclure avant les prochaines élections ?
Quand on relit le manifeste électoral de lepep, on ne peut que constater qu’ils nous avaient promis un lavage au karcher, qu’ils ont rangé bien des promesses au frigidaire, qu’ils occupent le jacuzzi de leurs prédécesseurs avec bonheur et avec les leurs seulement, que lakwizinn est loin d’être «non stick», style tefal et que nous serons, une fois encore, les dindons de leur farce, bien rangés dans un tupperware que l’on ouvre une fois tous les 5 ans !
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