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La crise du branding

La révolte des gilets jaunes n’est peut-être pas terminée. Et l’acte V se prépare déjà. Dans la rue, c’est le système qui brûle.
Macron incarne le système. Macron n’existe politiquement que parce que les gourous de la finance ont vu en lui un produit vendable. Et que les gourous du marketing lui ont construit une marque. Si bien que la crise du leadership de Macron est ce que le professeur de communication Arnaud Benedetti,Professeur associé en histoire de la communication à l’université Paris IV La Sorbonne, récemment en visite à Maurice, appelle la crise de la «fabrication du consentement». «La marque Emmanuel Macron est», dit-il, «en crise».
La marque est un outil puissant. Notamment parce qu’elle s’appuie sur les processus inconscients qui, en court-circuitant la réflexion consciente de ses cibles, fait croire aux gens qu’ils sont libres de leurs choix. Par les métaphores, les images d’énergie, de puissance, de jeunesse et du «tout est possible», la marque Macron s’est forgé une part de marché. Elle a ainsi scoré 23 % d’achat spontané au premier tour de la présidentielle. Puis, au second tour, le rayon s’étant rétréci, les Français ont acheté la moins mauvaise marque.
La marque s’inscrit dans un système où l’objectif est simple : l’adhésion. Or, en politique, ce que le publiciste appelle l’adhésion, l’intellectuel de gauche l’appelle la soumission librement consentie. La marque cherche des parts de marché. Des followers qui ne réfléchissent pas très longtemps et achètent rapidement. Pour gagner une élection, c’est brillant. Pour gouverner pendant cinq ans, c’est plus compliqué.
Le deuxième principe de la marque est que cette adhésion/soumission se construit sur un processus très conscient de rigueur, d’exécution cohérente et appliquée. Une fois créée, la marque s’exécute avec discipline quasimilitaire. Autant dire que la qualité d’écoute, c’est le dernier attribut d’une marque. Quand la marque se réinvente, c’est par un processus lourd, ponctué d’interminables réunions où personne n’a tort et l’agence de publicité finit par avoir raison.
Aussi puissant soit-il, il y a des questions auxquelles le branding ne répond pas. Comment exercer son leadership quand 77 % des acheteurs ne s’identifient pas à la marque ? Comment faire vivre la marque quand celle-ci invite à l’adhésion à un programme qui n’apporte que peu de bien-être à celui qui l’achète ?
De plus, la marque, merveilleuse dans le sens qu’elle attire l’adhésion par une aspiration, se révèle vraiment faiblarde comme réponse aux besoins essentiels. Or, la mondialisation a transformé les modes de production. Dans ce processus, les classes populaires ont vu leurs perspectives réduites. Dans le contexte du changement climatique, transformation de la société implique de modifier les habitudes essentielles. Par exemple, la voiture n’est plus une aspiration mais un bien essentiel. Le système grignote inexorablement dans l’essentiel. Dès lors que la réponse à cette crise de conscience est un branding de la start-up nation et de la French Tech, on comprend que, dans l’opinion publique, 75 % soutiennent
les gilets jaunes. Les Français ont compris qu’il faut réinventer l’essentiel.
Si le système doit se réformer, ce n’est plus en vendant une aspiration à être, mais par des réponses basiques, pratiques et solides à l’organisation de vie. Par une réflexion consciente sur le sens de la marche, et non une adhésion aveugle à une marche absurde.
Comment procèdera cette réforme du système ? On ne le sait pas. Les réponses sont confuses, paradoxales. Si Macron maintient un peu de capital de sympathie c’est que, pas plus que les gilets jaunes, il ne sait par quel bout réinventer l’essentiel. Pas plus que les représentants des États réunis à la COP24 en Pologne, dont le seul point commun est de traîner les pieds, bien embêtés de voir leur champion ainsi empêtré dans son marasme. Pas plus que les Anglais qui, du Brexit raté, craignent de voir se disloquer leur peuple.
Malgré la confusion et le chaos, la révolte des gilets jaunes porte en elle les débuts des réponses de la réforme du système. Une réforme qui va transformer l’outil de production mondiale en profondeur. Une crise du système, c’est aussi une crise de la conscience. Elle mènera à un changement aussi brutal que celui qui a conduit, par exemple, à la décolonisation. Il faut s’attendre à des remous pour plusieurs années encore.
En même temps, à Maurice, on semble penser que cela ne concerne que l’Europe. Alors que les changements climatiques nous prédisent des étés trop pluvieux pour les touristes, que la crise du sucre, de l’offshore et de l’industrie entraîne brutalement une grande partie de la population dans un processus anxiogène de questionnement des perspectives d’avenir et du sens de leur travail.
Nous serons, nous aussi, confrontés à une crise du système. Il faut s’y préparer.
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