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L’Afrique e(s)t nous
Nous sommes bel et bien des Africains, même si nous regardons davan- tage vers l’Asie ou l’Europe. En termes de gouvernance, les similitudes avec le reste du continent sont assez parlantes. Ainsi la conservation du pouvoir à tout prix – (comme s’y attelle, ces temps-ci, la dynastie Jugnauth) – impacte sérieusement les économies et empêche le progrès du continent – pourtant promis à un bel avenir en raison de son réservoir de jeunes : 43 % des Subsahariens ont actuellement moins de 15 ans. Mais pour que l’Afrique ne rime plus avec pauvreté, famine et conflits armés, il importe que la courbe du développement économique d’un pays ait préséance sur le graphique, problématique, de son élite dirigeante.
À côté de nous, après une longue et coûteuse campagne, la Grande île aura vu la consécration du revenant Andry Rajoelina, porté précédemment au pouvoir après un coup d’État militaire, qui avait déboulonné Marc Ravalomanana, le candidat battu. Mais le calme n’est pas encore revenu, alors que le peuple s’enlise, de plus en plus, dans la pauvreté. Ce sera ainsi tant que les investisseurs guetteront les signaux du nouveau régime qui fera table rase du passé, sur fond de revanche politicienne.
Autre pays riche en ressources naturelles, dont minières, la République démocratique du Congo. Si le scrutin s’est bien tenu le 30 décembre dernier, la communauté internationale surveille la situation de près afin que les résultats, prévus pour le 6 janvier prochain, «soient conformes à la volonté des électeurs». Pour l’heure, dans les rues de Kinshasa, l’opposition et le gouvernement crient tous les deux victoire. Comme à Madagascar, le concept dit d’élections libres est mis à l’index. Ce qui provoque des remous au sein de la population, jamais apaisée. Chez nous aussi, la question se pose, en termes de système électoral et du profil des circonscriptions qui peuvent «fausser», à défaut de «truquer», les données. Mais, encore heureux, qu’ici les «bullets» n’aient pas remplacé les «ballots».
Un peu plus vers le Nord, d’autres soubresauts. La presse internationale dénonce les «manœuvres sibyllines» de fin de règne en Mauritanie et en Algérie (où un président cloué sur un fauteuil roulant depuis son AVC se représente pour un...5e mandat), de même que les «tensions politiques sous fond de soupçons de troisième mandat» en Guinée. On évoque aussi, sous l’œil quasi impuissant de l’Union africaine, le renvoi «antidémocratique» des législatives (prévues cette fois-ci pour mars 2019) en Guinée-Bissau. Ajoutons au tableau, les émeutes de la faim au Soudan, et la guerre incessante depuis plus de quatre ans du dernier-né des pays, le Soudan du Sud... Au Gabon, le président Ali Bongo, en convalescence à Rabat, tente de calmer les esprits et les appétits à Libreville. Mais les incertitudes font craindre le pire.
Si l’alternance démocratique demeure problématique, force est de constater que l’on ne peut plus vraiment compter sur la communauté internationale, qui est ellemême soumise à une foultitude de pressions diverses (laborieuses réformes de l’ONU, un Donald Trump qui veut dé- truire le multilatéralisme, le Brexit, l’affrontement entre les US et la Chine, les institutions de Bretton Woods versus les BRICS, la montée de l’extrême droite au Brésil, en Europe et ailleurs).
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2019 verra aussi trois tests de démocratie grandeur nature : au Nigeria, au Sénégal et en Afrique du Sud. Deux des trois tenants du pouvoir, en l’occurrence le Sénégalais Macky Sall et le Nigérian Muhammadu Buhari, 76 ans, (qui a dû prouver qu’il n’était pas un clone !) cherchent à rempiler, car ils affirment avoir «tellement de projets à réaliser encore pour l’intérêt supérieur du pays.» Fait intéressant: avant 2050, les Nigérians seront plus nombreux que les Américains...
À environ cinq heures d’avion de Plaisance, le successeur de Jacob Zuma, qui a dépénalisé la culture de la marijuana l’an dernier, veut convaincre que, sous lui, il y a bien moins de scandales. Mais Cyril Ramaphosa peut-il faire oublier les frasques de Zuma et remettre l’ANC sur les rails ?
Aujourd’hui, l’Afrique du Sud, à l’image de l’Afrique, se trouve à un carrefour de son histoire. Si l’on arrive à intérioriser le fait qu’un quart de la population mondiale sera africaine d’ici 2050, il devient alors impératif de solutionner ses problèmes de gouvernance, afin que le continent puisse tirer parti des avantages économiques que d’autres régions du monde ont connus grâce, précisément, à ces importants changements démographiques, voire stratégiques...
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