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MedPoint: chronique d’une saga familiale
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MedPoint: chronique d’une saga familiale
MedPoint, au-delà des alliages politiques, est une clinique maudite pour les Jugnauth. En 1998, le gendre y perd la vue à la suite d’une agression sauvage. Le Dr Malhotra perdra alors goût pour ce projet familial. Depuis, MedPoint est devenue un chapelet d’événements les uns plus rocambolesques que les autres pour sir Anerood et sa famille. Comme patriarche, il a tout fait pour tirer ses proches d’affaire.
L’évitement – coïncidence ou pas – de la Capital Gains Tax sur la vente in extremis de la clinique, fin 2010, n’est qu’une première manoeuvre. Puis, en 2011, quand l’ICAC démarre l’enquête, Pravind Jugnauth est un Senior Minister sous Navin Ramgoolam (alliance PTr-MSM) alors que Papa Jugnauth est, lui, président de la République, à la retraite, mais pas tout à fait en retrait, avec son épouse Sarojini, au Réduit.
En juillet 2011, la tante de Pravind Jugnauth, aujourd’hui speaker, Maya Hanoomanjee (alors ministre de la Santé), est arrêtée par l’ICAC. Le MSM est dans tous ses états et menace de démissionner si Ramgoolam n’intervient pas pour stopper l’ICAC. Celui-ci refuse au nom de l’indépendance des institutions (ce qui l’arrange !). Le 26 juillet 2011, le MSM quitte le gouvernement de Ramgoolam.
Face à la presse, Ramgoolam révèle que SAJ lui a demandé, avant la démission du MSM, d’intervenir auprès de l’ICAC pour sauver Pravind Jugnauth. À la suite du refus du leader du PTr, le fils Jugnauth est arrêté en septembre 2011, sous une charge de corruption.
En mars 2012, SAJ démissionne du Réduit pour se jeter à nouveau dans l’arène politique, histoire de venger son fils et ayant reçu l’appui, temporaire certes, de Paul Bérenger (celui qui reste coincé entre les dynasties Ramgoolam et Jugnauth). SAJ se positionne comme le challenger de Ramgoolam, sauf que Bérenger le délaisse. Effectivement, en 2014, les Jugnauth prennent le pouvoir. Ramgoolam est «dan karo kan» avec Bérenger.
Le pouvoir politique en main, les Jugnauth pensent pouvoir freiner l’ICAC, afin de protéger le fils du roi soleil. Pravind Jugnauth est nommé par son papa ministre alors que Hanoomanjee, battue au n°14, devient... speaker. Les fonctionnaires, interdits depuis l’enquête de l’ICAC, sont réintégrés et certains sont même promus…
En février 2015, le Conseil des ministres décide de placer le bureau du DPP sous la tutelle de l’Attorney General – un nominé politique qui n’est pas élu – Ravi Yerrigadoo (qui sera au centre du Yerrigadoogate deux ans plus tard). Les Cabinet Papers, selon nos sources, sont portés par Pravind Jugnauth lui-même. Mais le DPP ne se laisse pas faire et saisit la Cour suprême.
En mars 2015, SAJ affirme, au Parlement, qu’il y a No Case to Answer pour son fils, alors que les magistrats de la cour intermédiaire vont incessamment livrer leur verdict. Le Contempt of Court est presque flagrant mais personne ne pipe mot car le GM évoque l’immunité parlementaire.
Le nouveau directeur général de l’ICAC, choisi par les Jugnauth, sans consultation avec le leader de l’opposition, tente aussi de convaincre le DPP de laisser tomber l’affaire Pravind Jugnauth.
30 juin 2015, Pravind Jugnauth est reconnu coupable par la cour intermédiaire. Il est contraint de démissionner comme ministre. Ses collègues ministres viennent le soutenir en cour. L’exécutif fait ainsi pression sur le judiciaire. Sir Anerood crie son mécontentement et critique sévèrement les magistrats Niroshini Ramsoondur et Azam Neeroah pour leur verdict, pourtant courageux et bien motivé. Le père de Pravind Jugnauth affiche sa confiance que le jugement sera cassé en appel par la Cour suprême… Pravind Jugnauth fait appel.
Le 6 juillet 2015, l’ICAC démarre une enquête, out of the blue, contre le DPP (l’affaire Sun Tan). Le DPP se retrouve sous le coup d’une arrestation. La police est déployée aux petites heures. Me Satyajit Boolell doit son salut à la Cour suprême et un Habeas Corpus. Dans son affidavit, le DPP soutient que l’ICAC et la police agissent sous les ordres du gouvernement. Aucun démenti de la police, encore moins de l’ICAC !
En mai 2016, dans leur jugement, le chef juge Kheshoe Parsad Matadeen et le juge Asraf Caunhye renversent le verdict de la cour intermédiaire condamnant Pravind Jugnauth. Sans tarder, le DPP veut, lui, aller devant le Judicial Committee du Privy Council pour contester cette décision. Pravind Jugnauth essaie de résister. Pour gagner du temps.
En décembre 2016, le gouvernement des Jugnauth essaie de mettre sur pied une Prosecution Commission qui serait peuplée de nominés politiques et qui aurait pour prérogatives de revoir, entre autres, les décisions (avec effet rétroactif svp !), comme celle du DPP de recourir au Privy Council. Mais le PMSD a, heureusement, compris le danger et le parti de Xavier-Luc Duval démissionne comme un seul homme (hormis Alain Wong et Marie-Claire Monty, devenus ministre et PPS MSM respectivement), privant ainsi les Jugnauth d’une majorité de trois quarts (qui aurait pu mettre le DPP sous le bol de l’exécutif).
Et puis, comme un ultime sursaut pour sauver son fils, SAJ lui cède le fauteuil suprême, en janvier 2017. Ce deal, qui choque l’opinion, est aujourd’hui contesté devant la Cour suprême. En juin 2017, après plus d’un an, le DPP obtient l’autorisation d’aller au Privy Council.
Mais le signal est clair vis-à-vis de Londres : attention, vous avez affaire à un PM d’un pays démocratique, souverain. C’est la première fois qu’un sitting Prime minister d’un pays du Commonwealth fait face à la justice britannique pour une histoire de corruption (et de famille). Mais la justice se doit d’être aveugle. Qu’il soit le fils de SAJ ou pas, PM ou pas, avec le soutien de l’ICAC ou pas, c’est comme simple citoyen mauricien qu’il aura à faire face à l’instance suprême de notre système judiciaire. Il sera face à lui-même, comme devant le miroir chaque matin.
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