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Croissance ou utopie: Comment (vraiment) inclure ?
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Croissance ou utopie: Comment (vraiment) inclure ?
Les discours, dit-on, sont mille fois plus faciles que les actes, surtout lorsqu’il s’agit de rompre avec des traditions lourdes ou l’ordre déjà bien établi. Si de plus en plus de discours, au niveau stratégique, abusent de ce terme (devenu galvaudé ?) qu’est l’«économie inclusive», aux niveaux tactique et opérationnel d’un pays ou d’une sous-région, c’est-à-dire en termes concrets, ou si vous le voulez dans l’économie réelle, la feuille de route pour un maillage véritable demeure floue, voire incertaine. Et manifestement, on navigue à vue, et le gros du local reste exclu du global. Le «glocal» (contraction du global et du local) n’étant pas encore né… de la dernière pluie de bonnes intentions. Le vernis conceptuel n’a pas encore pris.
On demande, ainsi, à la population dans son ensemble de comprendre le concept de croissance inclusive. On avance que c’est au gouvernement de s’assurer que les conditions et les infrastructures soient réunies, alors que le privé se chargera des initiatives. La belle affaire ?
Ce n’est pas uniquement parce que des ministres ont boudé la fonction de la MCB (Lokal is Beautiful), alors qu’ils priaient en Inde ou étaient en chômage technique (Cabinet et Parlement s.v.p. !), qu’il faudrait conclure que la société civile, le privé (et ses banques «mal-aimées») et le gouvernement se regardent avec méfiance et circonspection. Ceux qui ne portent pas de visières le savent.
Dans une éclairante interview accordée, cette semaine, à Business Magazine, on sent que Raoul Gufflet, Deputy Chief Executive de la MCB, prend le soin de dire les choses sans vouloir hérisser le gouvernement du jour pour le déficit de communication entre les pouvoirs public et privé. Il a raison de ne pas antagoniser qui que ce soit. Mais entre les lignes, on retient qu’il y a le risque que «chacun pense qu’il incombe à l’autre de changer d’abord». Toi avant, non toi, ou toi là-bas. Ce jeu puéril retardera le changement paradigmatique nécessaire pour que le «lokal» embellisse le paysage socio-économique de Maurice.
On est d’accord : il n’y a pas lieu d’attendre un éventuel printemps mauricien, des gilets jaunes, ou un autre février noir, pour qu’ensemble nous, Mauriciens, puissions nous asseoir autour d’une même table, le même jour, à la même heure, afin de débattre de l’élaboration des politiques sociales, malgré toutes nos différences conceptuelles des termes développement, inclusion, exclusion, inégalité, équité ou népotisme...
Pourtant, nous avons la chance de vivre à un moment où tout est interelié. Les leçons d’ailleurs sont au bout de nos pouces, sur nos écrans tactiles. Pas lieu d’aller au Venezuela ou à Paris ou à Kinshasa ou Tana pour réaliser que les modèles de croissance non inclusifs sont tôt ou tard voués à l’échec. Ces modèles sont incapables de faire durer une croissance forte pouvant réduire la pauvreté et répondre aux aspirations légitimes de l’être humain quant à sa santé, sa sécurité, et, partant, la possibilité pour lui de contribuer avec productivité et créativité à la société.
En raison d’un manque de synergie entre ses partenaires sociaux (État, privé et société civile véritable – et non pas ces ONG factices, créées pour piller les fonds ou se soulager la conscience), Maurice fait un usage insuffisant et malavisé de ses ressources humaines, pourtant précieuses. Comme ailleurs, nous courons alors le risque de gérer une révolte politique ou sociale, de par la polarisation idéologique ou ethnique encouragée par ceux qui bénéficient du présent système (et qui s’enrichissent sous nos yeux en colère ou frustrés)…
Conclusion : sans une vraie stratégie cohérente et adaptable à notre situation, fondée sur des valeurs partagées, et non pas imposées, et un certain degré de consensus entre nous, il faudrait peut-être dire salam à une croissance au-delà de 5 %. Et comme d’autres pays, qui n’ont pas su promouvoir le dialogue social, nous allons nous enliser dans des périodes prolongées de croissance lente, molle, voire nulle. À moins que nos dirigeants, qui nous semblent perdus, ne se réveillent ! Bien que les savantes analyses soient utiles, tout changement se fera uniquement s’il y a convergences sociale, économique et politique. Car, hélas, la formulation du bon diagnostic peut rester une pure utopie. Si tant qu’on n’arrive pas à résoudre l’équation humaine – et à rassembler, au lieu de diviser, des Mauriciens comme Gufflet, Subron, Callichurn, les frères Li Wan Po, les musiciens de Mo’Zar, nos travailleurs bangladais… autre utopie ?
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