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Les théories du remplacement
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Les théories du remplacement
Non à la mondialisation ! Non à l’interculturel ! Non à la diversité ! Protégeons notre identité ! Fermons nos frontières ! Protégeons notre race ! Ces extrémistes qui s’autoproclament «counterjihadistes», à l’instar du Norvégien Breivik et de l’Australien Brenton Tarrant, qui pensent devoir résister au «grand remplacement» de «leur» peuple par des vagues d’immigration des «tier-mondistes» vers le monde «occidental», ne sont pas forcément des fanatiques religieux, mais sont plutôt victimes des discours xénophobes de l’extrême droite, à l’instar des politiciens radicaux du Front national en France, de ceux ayant poussé pour le Brexit en Grande-Bretagne, ou ceux ayant fait campagne pour faire élire Donald Trump aux États-Unis, bref tous ces regroupements identitaires qui font appel à l’émotion pure, et non pas à la raison, et à la marche du temps.
En Europe, la «théorie du remplacement» est devenue le thème central qui rassemble ces partis d’extrême droite qui germent sur la peur des autochtones. Renaud Camus est l’un des écrivains qui a conceptualisé, dans son livre Le Changement du peuple (2013), ce remplacement des Blancs de souche européenne par des non-Blancs (ou des Blancs) venus d’ailleurs, principalement du Maghreb, de l’Afrique, et de Maurice, en raison des conditions économiques. «Les maîtres du commerce international et les chevaliers de l’industrie globalisée ont transformé chaque Français en un pion désoriginé échangeable à merci, sans aspérités d’appartenance, délocalisable (...) Ce faisant, ils ont façonné un homme remplaçable, débarrassé de toute spécificité nationale, ethnique et culturelle...»
Au-delà des idéologies religieuses, il est ici question de l’«économisme pur» qui s’exporte à cause des patrons et des politiciens «inconscients», qui auraient, selon Renaud Camus et ses compères, perdu le sens de la patrie, et qui ont, ainsi, dissous la mémoire de l’Europe, diluant ses habitants dans une «grande déculturation». Camus (Renaud, pas Albert !) est catégorique : «C’est cette hébétude généralisée qui a permis aux élites corrompues d’orchestrer sans résistance une véritable colonisation du peuplement du continent par l’immigration maghrébo-africaine.» Il estime que c’est impossible de faire cohabiter le peuple d’Europe avec des peuples «allogènes» et pourfend les États-Unis pour avoir favorisé, avant Trump, une situation où «les descendants des bâtisseurs de cette nation se retrouvent aujourd’hui minoritaires».
Abonder dans le sens de ceux qui s’élèvent contre le changement de peuple équivaut à une méconnaissance de l’histoire mondiale, du Moyen Âge à nos jours, avec la chute des empires sur tous les continents. C’est aussi nier, par extension, l’esclavage, le massacre des peuples indigènes comme les Amérindiens, le colonialisme, le vol des terres (comme les Anglais ont excisé les Chagos avant de nous accorder l’Indépendance)...
Méconnaître l’histoire mondiale produit, alors, des extrémistes avec des visions étriquées – ceux qui font le jihad comme ceux qui combattent les jihadistes en massacrant des innocents, dont peut-être notre compatriote Moosid Mohamedhosen, à la mosquée Al-Noor en Nouvelle-Zélande, victimes du danger grandissant des discours radicaux. Comme le relève Le Monde, «on désigne les immigrants comme des envahisseurs».Pourtant la responsabilité première de ceux qui aspirent à gérer la cité, c’est d’intégrer toutes les forces citoyennes, indépendamment de leurs origines...
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Une actualité chasse l’autre. La tuerie en Nouvelle-Zélande a relégué au second plan le crash du Boeing 737 de l’Ethiopian Airways. Après la Chine, le Canada, les États-Unis, comme plusieurs pays européens et asiatiques, ont décidé de clouer au sol lesBoeing 737 MAX 8 et MAX 9. Selon l’agence américaine de l’aviation, l’interdiction de vol «sera maintenue le temps de plus amples investigations» alors que Boeing assure avoir une «confiance totale» en la fiabilité et la sécurité de ses avions, tout en soutenant la décision américaine, qui serait à son initiative, au nom de la «précaution».
Les experts notent des similitudes entre le crash de dimanche dernier (qui a fait 157 morts) et un précédent en octobre, où des défaillances techniques avaient été relevées sur le même type de Boeing, qui est en fait l’avion le plus vendu au monde... Même si la loi des séries ne dérive d’aucun fondement scientifique, elle revient sans cesse depuis le crash de dimanche dernier. Peut-être parce que nous sommes des êtres en quête de rationalité pour affronter l’irrationnel : nous faisons ainsi des liens de cause à effet et construisons des théories pour catastrophes. C’est, sans doute, pour nous rassurer par rapport à des événements sur lesquels nous n’avons, en fait, aucune prise réelle. Quand on est, en effet, assis dans un avion, qu’on a bouclé notre ceinture, notre sort n’est plus entre nos mains...
Et si survoler les zones de conflit, comme Donetsk, Gaza, le Mali ou la Syrie, peut s’avérer dangereux, entre autres, à cause de la présence de missiles sol-air et autres armes sophistiquées, l’on ne devrait pas pour autant verser dans la peur relative aux conditions de sécurité qui se dégraderaient, d’où le fait que des avions explosent de temps en temps. La vérité la plus probable c’est que nous raisonnons selon des moyennes, tandis que le hasard frappe selon son propre calcul, c’est-à-dire sans répartir les événements de manière uniforme dans un prisme spatio-temporel... Raison pour laquelle les études sur la probabilité des crashes sont considérées comme obsolètes depuis des décennies. Aujourd’hui, les jihadistes et les anti-jihadistes, et tous les autres fous de la planète viennent compliquer l’équation...
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À Maurice, nous sommes de plain-pied dans une phase d’affrontement systématique entre factions politiques rivales. Au-delà des regroupements qui se font et qui se défont, nous sommes en vérité engagés, malgré nous, dans une guerre de pouvoir entre deux dynasties : d’un côté, celle qui a arraché le pouvoir en 2014 et qui fera tout pour ne pas le perdre, (d’autant que le père a profité de ce mandat pour introniser son fiston sans consulter le peuple), et de l’autre, celle qui a perdu le pouvoir malgré ou à cause d’une alliance avec le MMM, une dynastie rouge qui a été humiliée, malmenée, et qui a aujourd’hui soif de vengeance, et dont la côte de popularité est remontée grâce au népotisme du pouvoir actuel.
«State Capture». C’est le terme qu’on pourrait utiliser pour décrire le règne des Jugnauth. D’ailleurs toutes les sorties du Premier ministre bénéficient d’une couverture abusive de la MBC. Pourtant, tout le monde le sait, rouges comme oranges : l’utilisation des fonds publics pour faire des meetings politiques est un délit punissable sous le MBC Act. Comme les dés sont pipés, il ne faut pas compter sur le Directeur de l’Audit, le Public Accounts Committee ou l’ICAC pour enquêter sur le détournement de la station ou des fonds publics à des fins partisanes... C’est presque devenu normal à nos yeux blasés. Même les manifs devant la MBC sont devenues de la poudre aux yeux.
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