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Le timing et l’astrologie

6 avril 2019, 08:11

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La vie est belle pour nos députés et ministres. Pas de Declaration of Assets Act (leur patrimoine peut s’amplifier dans le secret avant la tenue des prochaines législatives), pas de Freedom of Information Act (ils peuvent continuer à se réfugier derrière le secret administratif, comme le font du reste les ministres, au Parlement, avec leurs non-réponses), pas de télévision privée (pour les filmer lors des débats contradictoires), pas de réforme électorale (c’est-à-dire qu’on peut prendre les mêmes pié banann une fois de plus), toujours pas de loi sur le financement politique. Mais ils peuvent compter sur la MBC-paillasson, et en plus, sous nos cocotiers, il suffit de deux mandats pour qu’ils aient droit à une pension à vie – et la somme qu’ils touchent, tous partis confondus, depuis des décennies, est bien supérieure au salaire minimum.

À la tête de nos équipes de parlementaires (actuels ou à la retraite) sont des dynasties politiques et des leaders inamovibles qui ne sont pas près de lâcher du lest. Un lecteur perspicace nous a alertés, cette semaine, sur le jeu totalitaire de Pravind Jugnauth ces temps-ci. Ayant choisi de son propre chef de bouder la partielle du numéro 18 en décembre 2017, le leader du MSM annonce celle du numéro 7 qui, selon lui, serait tenue en amont des élections législatives : «C’est moi qui décide. Je sais quand je tiendrai des élections générales. J’ai ma stratégie électorale.» Moi-je-j’ai !

Donc, celui qui joue tant son avenir politique que celui de sa dynastie nous fait bien comprendre qu’il a, comme Navin Ramgoolam avant lui, toutes les cartes du jeu démocratique en main. Imaginons donc le scénario : il enfile son maillot pour une course, c’est lui qui donne le signal du départ, pistolet en main, et c’est encore lui qui détermine la distance à parcourir avant de franchir la ligne d’arrivée. Les autres participants n’ont qu’à suivre ses moindres faits et gestes, en essayant de ne pas se laisser prendre de vitesse.

Nous sommes conscients que selon le système de Westminster, le Premier ministre (qui est aussi le Leader of the House) détient le joker de la dissolution du Parlement et de la tenue des élections générales. Pravind Jugnauth n’est pas le premier à se bomber le torse et à rappeler ses prérogatives, dignes d’un monarque du temps jadis. En attendant, nous sommes tous suspendus à son calendrier. Comment peut-on accepter qu’un individu soit, en 2019 ou 2020, à la fois juge du départ et participant à la course ? Même le Canadien Ben Johnson aurait tiqué.

En Grande-Bretagne, cette pratique d’un autre temps a été abolie en 2011 avec la Fixed-Term Parliaments Act afin d’assurer une égalité des chances à tous les candidats, et aussi afin de permettre aux institutions – qui sont censées être indépendantes et non pas peuplées d’activistes ou des proches d’un parti politique – de fonctionner en toute indépendance, loin des intérêts des clans politiciens.

Le but de ce changement législatif en 2011: garantir la stabilité parlementaire en empêchant à un parti ou un leader de dissoudre le Parlement et de provoquer ainsi les élections générales. Il y avait une autre raison : «The act was also enacted in order to stop opportunist Prime Ministers ever again calling snap elections to capitalise on hefty poll leads.»

Chez nous, ce serait bien que la date d’une partielle soit annoncée par la commission électorale ainsi que la date des législatives – afin de dépolitiser l’organisation du scrutin. C’est pour cela que dans certaines démocraties, comme les States, la date des élections est fixée et connue de tous. Pour sa part, le PM mauricien pourrait continuer à décider de dissoudre, à ses risques et périls, le Parlement, ou de partir avant si une motion de no-confidence est votée contre lui, mais on ne devrait plus lui permettre d’aller consulter ses astrologues avant d’annoncer la date des élections !