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Mercenaires sans frontières

20 avril 2019, 07:30

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Encore heureux qu’il existe des rapports indépendants, comme celui de Reporters Sans Frontières (RSF), qui permettent, à la fois, de relativiser la liberté décroissante de la presse mauricienne et de fournir un diagnostic de notre démocratie elle-même. Un pays ne se juge pas seulement par la façon dont il (mal)traite ses animaux. La maturité d’une démocratie se jauge par les relations du régime au pouvoir avec une presse libre, indépendante et critique. Chez nous, dans les deux cas, nous sommes mal partis : animaux et journalistes (indépendants) sont logés à la même enseigne. D’ailleurs, un ministre de l’ancien régime s’était cru inspirer de nous traiter de «zanimo» !

Le dernier classement international de l’ONG parisienne indique que nous avons perdu deux places dans le sillage de l’affaire Yerrigadoo (lors de laquelle nous avons été tantôt «arrested» tantôt «unarrested» par la police qui reçoit ses ordres de l’Hôtel du gouvernement) et de l’amendement liberticide de l’ICTA (qui vise à décourager les critiques formulées sur les réseaux sociaux contre le pouvoir). L’analyse de RSF ne devrait pas être minimisée comme les autorités ont tendance à le faire, chaque année, avec le rapport de l’Audit. Notre pays est aujourd’hui solidement installé à la 58e place derrière le Ghana (27e ), le Botswana (44e ), Madagascar (54e ) et les Comores (56e ). Et ce n’est certainement pas ces dizaines de millions de roupies investies, à fonds perdus, dans de nouvelles radios privées ou des sites Web (qui fonctionnent sans journalistes, ni codes de déontologie) qui viendront inverser la tendance.

 

S’il fallait compter sur les aboyeurs du régime local, (comme Ivan Collendavelloo, Étienne Sinatambou, Ravi Rutnah, Bobby Hurreeram, Zouberr Joomaye, Joe Lesjongard, etc.), et autres conseillers payés pour faire croire que la MBC dit vrai – alors que la presse indépendante aurait tout faux – on pataugerait dans l’eau putride de la propagande du régime… du genre «cette année, le rapport de l’Audit est moins pire que les années précédentes !»

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On voit un régime qui manifestement sent le terrain glisser sous ses pieds. Les problèmes de pénurie d’eau à cité Atlee, d’eau putride à Phœnix et d’inondations à Fond-du-Sac et Cottage révèlent la panique qui s’installe alors que cette législature tire laborieusement à sa fin. Sinon, pourquoi avoir remplacé le patron des services de renseignement par le neveu d’un ministre ? Sinon, pourquoi avoir fait arrêter, cette semaine, un ancien ministre et le président du Parti travailliste sous la Public Gathering Act ?

Pourquoi tenter d’intimider certains citoyens qui exercent leur liberté d’expression, à l’instar de Raj Ramlugun et de Deven Anacootee, ou encore certains syndicalistes ou opposants, comme les militants de Rezistans ek Alternativ (alors qu’on tente, parallèlement, sur l’épineux dossier foncier, un coup de com avec Jack Bizlall, celui-là même qui avait jadis dénoncé la caisse noire d’Air Mauritius, mais qui semble être devenu assez silencieux sur le milliard de pertes de la compagnie…)

Outre dans les médias, on voit aussi émerger un groupe d’hommes et de femmes de loi qui tètent goulûment les mamelles du pouvoir et des compagnies de l’État. Hier on avait Yatin Varma, aujourd’hui nous avons Ravi Yerrigadoo (compensé pour le maroquin qu’il a perdu). Mais pas que.

Dans le cas de la réclamation indécente de Rs 50 millions à Raj Ramlugun, qui a osé critiquer le management d’Air Mauritius, alors que le CEO lui-même évoque la nécessité de revoir tout le business model, un compatriote, habitant au Canada, qualifie la Notice rédigée par Me Jaykur Gujadhur de SLAPP, soit une Strategic Litigation Against Public Participation.

«Dans certains pays, le SLAPP est une tactique utilisée par des politiciens ou des entreprises pour poursuivre ceux qui critiquent leur action ou leur méthode de gouvernance afin de les réduire au silence.» Pourtant, Air Mauritius est un sujet d’intérêt national et les contribuables, qu’il s’appelle Ramlugun, Bizlall ou Gujadhur, vous et moi, à travers l’État, en sommes les actionnaires majoritaires.