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Réalité brute

8 mai 2019, 03:27

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Le prix du pétrole brut a encore fait des caprices ces dernières semaines. On l’a vu toucher 66 dollars le baril avant de revenir dans la zone des 60 dollars.

L’Iran, la bande de Gaza, Trump et la Chine. Tous ces incidents influencent les prix et alimentent les fils de nouvelles sur les écrans mondiaux. Pour autant, ces incidents de court terme demeurent des distractions. Des écrans de fumée qui cachent une réalité beaucoup plus vaste : la rareté du pétrole ! Un sujet brièvement évoqué dans ma dernière chronique et qui mérite qu’on s’y attarde.

L’idée d’un pétrole rare n’amuse personne. À commencer par les compagnies pétrolières qui se sont construit de beaux discours sur l’idée d’une «rareté perçue» cachant une «abondance», dixit BP ! Après avoir nié pendant des années le réchauffement climatique, les compagnies pétrolières se sont découvert un optimisme béat dans le succès des énergies renouvelables. Elles parient désormais que les consommateurs choisiront en priorité les énergies renouvelables, créant un manque de débouchés pour le pétrole.

Ce tableau est une pure création de l’esprit. Car les faits et les chiffres sont têtus, notamment ceux de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Celleci confirme que l’essor très médiatisé des énergies renouvelables n’a pas modifié profondément les mix énergétiques. Au mieux, les énergies renouvelables ont soutenu une partie de l’augmentation des besoins. Quant à la baisse annoncée de la consommation pétrolière, elle n’est jamais intervenue. Sauf une fois : lors de la récession de 2009. Donc, pour consommer moins de pétrole, il faudrait fabriquer une récession ! Entre-temps, en mode croissance, on en brûle chaque année un peu plus.

Revenons à la théorie économique. Portée par la croissance mondiale, la demande ne cesse d’augmenter. Pour que les prix restent stables, il faudrait aussi que l’offre augmente... Or, la production des puits dits traditionnels, tels que ceux d’Arabie saoudite, est déjà en déclin. Le pic a été atteint en 2006. Et les investissements dans ce secteur se font plus rares. Si bien que la production devrait, selon l’AIE, baisser en raison de l’épuisement des puits en cours d’exploitation.

Entre-temps, si le pétrole continue de couler en abondance dans le monde, c’est que les Américains ont investi massivement dans le pétrole dit «de schiste». Par la technique de la fracturation hydraulique, au coût financier et écologique plus élevé, ce pétrole de moins bonne qualité alimente les besoins américains. Pour être transformé en essence pour les voitures, il doit être mélangé au pétrole plus lourd du Venezuela. Tant que les Vénézuéliens se sont tenus tranquilles, les marchés ont été contents. Les prix sont restés en moyenne bas depuis 2009.

Mais il y a un hic. Pour l’heure, ce pétrole de schiste n’est pas encore rentable. Il tourne grâce aux injections massives de capitaux. Entre 2010 et 2014, les marchés financiers avaient, selon l’AIE, injecté 1,8 dollar d’investissement pour chaque dollar de pétrole facturé. Depuis, le ratio aurait baissé et le secteur a enfin généré un free cash-flow positif en 2018. Le seuil de rentabilité serait selon JP Morgan (cité dans Forbes) à 54 dollars le baril.

Si ce secteur est si peu rentable, pourquoi donc l’oracle d’Omaha, l’investisseur star Warren Buffet, s’y intéresse-t-il? Au point d’aligner 10 milliards de dollars pour mettre la main sur des actifs de pétrole de schiste... Dans une déclaration à CNBC, Warren Buffet dit faire un «pari sur la hausse à long terme du prix du pétrole».

Et nous ? Sur quoi parions-nous ? À quoi ressemblerait la compétitivité de nos piliers économiques si le pétrole se transigeait durablementà la hausse ? Pour l’heure, nous n’avons pas de plan B. Quand est-ce qu’on s’y met ?

 

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