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Silicon Valley: aux frontières du réel
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Silicon Valley: aux frontières du réel
Nous avons eu la chance, la semaine dernière, d’explorer une partie de la Silicon Valley, haut lieu de l’inventivité humaine, et de discuter avec ceux-là mêmes qui sont en train de réinventer notre monde et de repousser les limites de notre existence.
Dans cet univers pétri de technologies de pointe, une seule chose nous a paru sûre : personne ne veut prédire le futur. L’on est incapable de nous dire comment sera le monde en 2050, tellement tout va vite, dans tous les sens. C’est une vraie fourmilière d’esprits scientifiques et créatifs qui dégage une énergie impressionnante.
Ce n’est plus un secret que les têtes pensantes des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) misent de plus en plus sur l’intelligence artificielle (IA) — un terme à la mode, qui veut tout ou rien dire. Ils sont, en fait, des milliers d’entrepreneurs dans la baie de San Francisco et ses alentours, en Californie, à miser sur cette technologie pluridimensionnelle pour développer et tester toute une gamme de produits et de services.
Quelque chose qui nous a intrigués: on dépense des milliards de dollars pour atteindre un objectif derrière lequel toutes les générations ont couru : comment tromper ou devancer la mort ? L’espérance de vie, qui se trouve à la croisée de la technologie de pointe et de la biologie traditionnelle, n’est que l’une des nouvelles frontières que se sont fixées la Silicon Valley. En fait : le marché de la médecine régénérative qui devrait atteindre 130 milliards de dollars d’ici 2025.
Selon notre guide, Sebastian Chen, originaire de Taïwan, les progrès scientifiques sont si rapides que l’espérance de vie devrait augmenter plus vite que vous et moi, nous ne vieillissons ! La régénération des organes et des cellules nous aiderait à vivre plus longtemps et en meilleure santé, et ce, grâce à des puces en silicone, des logiciels, des algorithmes et le fameux Big Data. En d’autres mots, des «patterns» vont «augmenter» les capacités du corps humain. Dans des laboratoires, on procède ainsi au décryptage des secrets des organismes dont l’espérance de vie est plus élevée. On se penche aussi sur la reprogrammation de l’ADN dans l’espoir de pouvoir garder en vie notre esprit après que le corps, lui, ne s’éteigne.
Le co-fondateur de Paypal, un des gros investisseurs au sein de Facebook, mise, lui, sur l’impression 3D d’organes et la génomique humaine.
À la California Life Company, véritable centre de recherche contre le vieillissement, les scientifiques ont reçu 750 millions de dollars d’Alphabet (sous la houlette de Larry Page) pour trouver un traitement contre la thyroïdite d’Hashimoto et aussi pour «guérir la mort». Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, co-sponsorise, lui, à hauteur de 50 millions de dollars le Breakthru’ Prize for Life Sciences, pour guérir les maladies liées à l’âge. Il souhaite, avec une start-up, modestement contribuer à soigner toutes les maladies de son vivant.
Il y a aussi un impressionnant virage vers un solutionnisme technologique pour la santé et la médecine. Quand le projet du génome humain avait été achevé en 2003, le programme avait coûté un milliard de dollars et avait pris une douzaine d’années. Au départ, le séquençage d’un génome prenait toute une journée et coûtait quelque 1 000 $. D’ici la fin de la décennie, on prédit qu’il coûtera environ 50 $ et qu’il ne faudra que quelques minutes grâce à des technologies qui doublent en puissance chaque semaine. Et par conséquent, elles seront mille fois plus puissantes dans 10 ans ; et un million de fois plus puissantes dans 20 ans.
Certains programmes, comme Watson d’IBM, ont pour but de détecter des cancers de la peau ou des poumons en utilisant la base de dizaines de millions d’images radiologiques et de documents médicaux. Ici, l’algorithme apprend à reconnaître l’aspect malin ou bénin d’un cancer, mais aussi à évaluer les risques de récidive.
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Nous l’avons déjà dit. Malgré toute sa puissance qui se démultiplie, l’intelligence artificielle a ses limites. Le ‘deep learning’ s’adapte par exemple peu à la nouveauté ou à la diversité culturelle. Ses résultats, spectaculaires lorsque l’on s’en tient aux situations apprises, deviennent quelque peu absurdes quand l’on défriche des territoires; les algorithmes ont besoin de très nombreuses données pour être efficaces, contrairement au cerveau humain..
Qu’il s’agisse d’analyser les distorsions de l’espace-temps, d’étudier le génome humain, ou encore de prédire les phénomènes climatiques extrêmes, nul doute que l’intelligence artificielle gagnera toujours plus de terrain dans les laboratoires de la Silicon Valley au design aussi fin qu’un couteau.
«Watson est capable d’analyser un dossier de 300 pages en moins d’une seconde, puis avancer quels seraient les traitements de choix en fonction des paramètres structurés : stade de la maladie, traitements antérieurs, ou les mutations présentes sur une tumeur...», explique cet expert qui ne veut pas nous dévoiler son identité : «Just call me John»... Ici personne n’a la grosse tête, tant l’on se sent si petit face à l’immensité de possibilités !
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L’auteur fétiche à Silicon Valley (recommandé par Gates et Zuckerberg) est l’Israélien Yuval Noah Harari, un historien diplômé d’Oxford. Ce quadragénaire est devenu célèbre depuis Sapiens, une brève histoire de l’humanité et Homo Deus. Celui que The Economist a qualifié de premier «intellectuel global du XXIe siècle» s’impose comme le penseur en force à San Francisco. Après avoir retracé les 100 000 premières années de l’humanité et esquissé son avenir avec l’avènement de l’intelligence artificielle et des biotechnologies, Harari vient de faire paraître 21 Leçons pour le XXIe siècle (Albin Michel). Un ouvrage, puissant et limpide, comme les laboratoires, qui s’attaque à la crise de la démocratie libérale occidentale. «L’humanité perd la foi dans le récit libéral qui a dominé la vie politique mondiale dans les dernières décennies, au moment précis où la fusion de la biotech et de l’infotech nous lance les plus grands défis que l’humanité ait jamais dû relever.»
Harari aime rappeler le caractère imprévisible de l’humain qui pourrait finir, crescendo, comme l’esclave des machines, qui vont savoir mieux que lui ce qui est le bien et le mal pour tous, y compris pour lui-même.
Harari a sans doute raison : seules la perspicacité, l’intelligence et la clarté peuvent remédier à tout cela, dans un cadre autre que l’État-nation qui est devenu obsolète face à des problèmes globaux comme le réchauffement climatique ou ces nouvelles technologies de pointe qui transforment notre réalité et celle que nous ont inculquée nos parents...
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