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À propos de l’humour et de la politique

27 mai 2019, 18:44

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Avez-vous déjà été particulièrement épaté(e) par nos politiciens faisant de l’humour ? Je ne parle pas, ici, de ceux qui font le pitre au point d’être pitoyable, ou de ce que l’on peut raconter de comique ou risible SUR nos politiciens, ça c’est bien plus facile, et le flair populaire a été à la fois fréquent et farouche à ce niveau, mais j’aimerais bien évoquer, ce dimanche, l’humour engendré par les politiciens eux-mêmes sur une thématique quelconque, ou mieux encore à propos d’eux-mêmes (soit l’auto-dérision)… Il y a bien eu des tentatives de faire rire DE ses adversaires, mais même là, la trouvaille est bien trop souvent trempée dans du vitriol ou de la grossièreté plutôt que dans cette concoction à la fois douce et amère qui décape et qui déride.

Comparez, svp, la subtilité d’Abraham Lincoln qui ayant été accusé d’être à «double face» rétorquait le plus naturellement du monde : «Si c’était vrai, vous croyez que j’aurais affiché celle-là plutôt ?» à la réaction de Jugnauth père à Rodrigues ou au «fémel lisien» péremptoire de Rutnah ou aux claques de «semiintellectuel » de Bérenger. Je crois ne pas me tromper en disant que nos politiciens sont presque incapables de pirouettes humoristiques pour s’en sortir quand attaqués. La colère, la répartie vicieuse, parfois crasseuse, reste leur automatisme de rétorque préféré.

Au Parlement ou sur les caisses de savon, les «envolées» sont invariablement dures et blessantes, comme autant de tessons de bouteille acérés. S’il y a eu de grands moments d’humour intelligent de nos politiciens, cela n’a pas beaucoup retenu l’attention depuis le «chapardeur de gallinacés» de Maurice Lesage à l’encontre de Marcel Mason dans l’hémicycle. J’ai peut-être mauvaise mémoire ou je paie le prix de ne pas m’être suffisamment intéressé à la question politique ou politicienne, mais je postulerais humblement que nos leaders préfèrent encore malheureusement leurs foires d’empoigne à la finesse de «bons mots» alignés pour l’édification des électeurs, le plaisir intellectuel ou tout simplement, pour le rire, voire le sourire.

Nous avons pourtant besoin d’une nouvelle génération de politiciens. Qui se prennent un peu moins au sérieux, qui cessent de nous vendre l’idée absurde qu’ils nous sont supérieurs une fois élus, qui soient capables de nous sortir de la gadoue de la médiocrité et de l’insulte. Qui nous soient effectivement supérieurs, quoi !

D’autant que, aussi étonnant que cela puisse paraître, l’humour, le décalé, même le burlesque ne semble pas mal réussir par les temps qui courent ! De la bouffonnerie de Donald Trump ou de Boris Johnson qui font la joie de l’industrie du rire et de leurs partisans, à la campagne présidentielle de Coluche ou au mouvement cinq étoiles du comédien Belle Grillo, (aujourd’hui au pouvoir en Italie !), on ne peut pas dire que la politique sérieuse tienne toujours le haut du pavé. Du moins, pas du point de vue de la notoriété électorale ou même de son résultat ! Le parti malin tenait peut-être un bon filon après tout, jusqu’à ce qu’il dérape d’impatience et déverse sa bile vulgaire…

C’est encore Abraham Lincoln qui disait que c’était mieux de rester silencieux, au risque d’être pris pour un couillon, que de parler malgré tout et d’enlever ainsi tous les doutes ! Une prescription qui pourrait être utile à bien de nos parlementaires. Et il ne faut surtout pas oublier qu’une des clés permettant de faire de l’humour à propos de son adversaire, c’est de commencer par se moquer de soi-même ! C’est la base même, en effet. Il n’y a pour cela qu’à savourer quelques épisodes du White House Correspondents’ Dinner annuel sur YouTube où c’est le président des États-Unis lui-même qui doit faire rire. Voir en particulier Ronald Reagan et Barack Obama dans leurs oeuvres. Le fait même que Donald Trump ait refusé de le faire depuis qu’il est devenu président devrait inquiéter (à noter qu’il participait au même dîner en tant qu’homme d’affaires auparavant !). C’est le premier président des États-Unis à faire faux bond, à l’exception de Ronald Reagan en 1981; qui avait lui, au moins, le prétexte d’être à l’hôpital après une tentative d’assassinat ! Trump n’est pas connu pour son humour et encore moins pour sa capacité de se moquer de lui-même. Au mieux, peut-il tenter de se moquer de son épouse Melania… Il ferait ainsi partie du club très sélect de dirigeants omnipotents, totalement dépourvus de capacités humoristiques et qui inclurait, du moins selon Lee Rimmer, Cromwell, Napoleon, Hitler, Stalin, Washington…

C’est Bob Edwards, célèbre animateur de radio, qui disait avoir compris ce qu’était un homme d’État. «C’est un politicien qui est mort», affirmait-il, ajoutant, logiquement : «Il nous faut donc plus d’hommes d’État !. Nous n’irons pas aussi loin. Mais plus de politiciens humoristiques cela nous ferait sûrement plus de bien que de mal. Allez un peu d’efforts, messieurs, dames ! Essayez sérieusement de nous faire rire un peu.