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La montre et le Budget
Rythme infernal sur deux chantiers valant des milliards : Côte-d’Or et le Metro Express. Une véritable course contre la montre. Un Budget, une partielle, des Jeux des îles, une visite papale, le métro, des élections générales. Nous descendons spiralement, depuis ces derniers mois, dans un vortex, et notre descente s’accélère, dans certains cas, jusqu’à perdre la respiration.
Politiquement, Pravind Jugnauth essaiera de «buy time» par rapport à l’épineux dossier Gayan (qui agite sérieusement une frange de l’électorat), en espérant que les choses se calment à son retour de la prestation de serment de Narendra Modi. Diplomatiquement, il essaiera, sans doute, d’éviter les juges de la Cour suprême de New Delhi, surtout si son gouvernement ne compte pas s’embarrasser de l’ordre relatif à la garantie bancaire de quelque Rs 4,5 milliards en faveur de Betamax, quitte à ce que notre pays se rapproche encore un peu plus de la définition d’une «rogue nation», qui s’écarte de l’Inde pour aller en Arabie, là où le Rule of Law est ignoré. Mais économiquement parlant, le Premier ministre et ministre des Finances joue serré sur plusieurs tableaux, surtout s’il veut inverser la courbe de la dette publique (censée descendre sous les 60 % du PIB d’ici juin 2021).
Dans une interview publiée mercredi dans l’express-économie, Anthony Leung Shing de PwC nuance cet indicateur-clé que les autorités n’aiment pas trop aborder. «J’estime que si on inclut les prêts hors Budget, notamment ceux destinés à financer le Metro Express et la Safe City, la dette publique passera à plus de 70 % du PIB. Et si on analyse la composition de la dette, on notera que 90 % de cette dette sont à un taux fixe et qu’environ 80 % relèvent de la dette domestique où les risques liés au taux de change sont inexistants.»
Si Pravind Jugnauth ne jouait pas sa survie politicienne, il aurait dû utiliser les recettes fiscales (surtout celles en hausse de la TVA) pour réduire, un tant soit peu, la dette et le déficit budgétaire (3,2 % du PIB). Mais l’exercice pourrait être surtout électoraliste – alignement de la pension de vieillesse sur le salaire minimum et publication du rapport du PRB, entre autres cadeaux. Le (très) court-termiste prendrait le dessus sur la vision et les conditions nécessaires pour faire émerger de nouveaux secteurs économiques.
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Notre gouvernement, si friand de Modi, peut-il se pencher sur les vraies raisons qui font que Singapour nous dépasse désormais de loin en termes d’investissement direct étranger vers l’Inde, alors que nous avons pratiquement le même traité après révision. Outre une politique d’ouverture pour attirer des professionnels qualifiés, un accent sur la productivité et une efficacité administrative, Singapour encourage le développement des nouvelles technologies comme le Big Data et l’intelligence artificielle et la robotique, pendant que nous, nous amendons les lois relatives à l’immigration pour rendre la vie amère à Patrick Hofman et Léa Ratna, et demeurons incapables d’accorder des licences de radio à des personnes autres que des agents politiques, qui s’entredéchirent avant même d’émettre le moindre son…
Autre souci majeur : l’excès de liquidités. Du 26 avril 2018 au 25 avril 2019, il est passé de Rs 6,9 milliards à Rs 9,7 milliards. Soit une augmentation de Rs 2,7 milliards ou une hausse de 39,4 %, se plaint la Banque centrale.
L’excès de liquidités n’est ni plus ni moins une équation entre l’offre et la demande de crédit. Le prix, c’est le taux d’intérêt. Quand le prix est audessus du point d’équilibre, il y a excès de liquidités sur le marché, car l’offre dépasse la demande. Ce qui détermine la demande pour le crédit, c’est l’état de l’économie et l’appétit ou pas des investisseurs. Ce qui détermine l’offre : à la source, c’est la Banque centrale. Un expert en politique monétaire faisait récemment ressortir : «The main reason why supply has increased so much over the past eight years is driven by foreign exchange reserve accumulation which was not fully strerilized (...) Now regarding the increase in excess liquidity over the past 12 months, this has more to do with the fact that 1) rates are still above equilibrium and 2) BoM is being less aggressive at sterilizing. There is a cost to sterilization (...) As IMF folks put it regarding budgets here: Fiscal policy is constrained and monetary policy does not work!»
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Si notre secteur offshore est condamné à perdre du terrain face à Singapour et si notre économie traditionnelle (sucre, textile, tourisme) – qui emploie le gros de notre semi-skilled labour – subit déjà de plein fouet les contrecoups d’un contexte international difficile, grandement en raison de notre manque de compétitivité, le Budget aurait dû nous remettre sur les rails du développement économique, avec une politique fiscale progressiste. Surtout à un moment où le monde est secoué par une guerre commerciale sans merci entre les États-Unis et la Chine, et la menace d’un affrontement en Iran… Mais la guerre des Jugnauth est autre ; elle n’est pas économique !
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