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Economics: Spin or Substance
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Economics: Spin or Substance
On repose la question qui, à raison, fait souvent débat à l’approche de chaque échéance électorale : un gouvernement qui est en campagne pour se faire réélire a-t-il le droit moral de présenter un Budget ? Pour que tout le beau monde politique soit à la même enseigne, ne devrait-on pas laisser aux hauts fonctionnaires-techniciens (ils sont capables et ont plusieurs Budgets dans les jambes, à l’instar de Sen Narrainen) le soin de présenter un Budget de fonctionnement qui serait politiquement (ou plutôt politiciennement) neutre ? J’ai posé la question à des gens du MSM. Ils m’ont répondu: «Abé bannla, pa ti prézant Bidzé an 2014 zot ?!»
Quand on lit les analyses chiffrées et argumentées de l’économiste et ancien ministre des Finances Rama Sithanen dans les colonnes de l’express et sur lexpress.mu, l’on ne peut que déduire, par rapport aux chiffres et faits mis en avant, que notre pays se retrouve dans la gadoue, parce qu’il est démontré que les fondamentaux de notre économie sont malades. Sithanen termine la série de trois analyses prébudgétaires fort documentées ainsi (voir page 8): “Will the Budget on Monday acknowledge the chasm between promises, wild forecasts and ‘effets d’annonce’ on the one hand and dismal performance and poor delivery on the other? Or will the spin doctors continue to lull in complacency, maintain their unabated elated demeanour and hoodwink the population with short term goodies that will be expensive in the medium and long term and inflict irreversible harm to the economy? We shall find out on Monday”.
Puis, quand on lit le Premier ministre et ministre des Finances dans les colonnes de Business Magazine (édition du 5 juin) – et, surtout, quand l’on regarde ces photos d’un Pravind Jugnauth, un tantinet crispé mais jouant au mannequin devant la caméra de notre photographe Kevin Mahadoo (voir en page 6) – l’on se rend surtout compte que les stratèges en communication du PMO veulent utiliser la forme pour masquer le fond, en poussant les dilemmes macroéconomiques sous le tapis. À notre collègue Jean-Paul Arouff, le Premier ministre confie ceci: «Le Budget 2019-20 s’alignera sur les trois précédents exercices financiers (…) Depuis notre arrivée au pouvoir, en 2014, nous avons mis à exécution un vaste programme de modernisation infrastructurelle avec pour résultat que le pays s’est transformé en un immense chantier. Les dépenses d’investissement se comptabilisent en milliards et l’impact se fait ressentir…» Continuant son autopromotion, Pravind Jugnauth ajoute : «Le Mauricien a été et sera une nouvelle fois au coeur de notre stratégie de développement.» Il cite le salaire minimum comme étant «un véritable bol d’air frais (…) qui restera à jamais gravé dans les annales». Même ses adversaires les plus farouches, selon lui, «reconnaissent en leur for intérieur ma détermination à apporter plus de justice sociale». Jugnauth, qui vilipende l’ancien régime, liste les mesures phares de sa vitrine: «L’augmentation de la pension de vieillesse, le salaire minimum, l’impôt négatif, la baisse de la taxe à 10 % sur les revenus pour la classe moyenne, les études supérieures gratuites dans les institutions publiques et l’introduction d’une pension d’invalidité pour des enfants de 14 ans ou moins...»
Et si le gouvernement n’a pas pu réaliser ses prévisions économiques, dont un éventuel second miracle, c’est grandement à cause «du contexte international qui nous impose de nouveaux défis», nuance Jugnauth Jr – un discours qui tranche avec celui qu’il faisait en 2014.
À l’express, on estime que si Pravind Jugnauth ne jouait pas sa survie politicienne, il aurait pu utiliser les recettes fiscales (surtout celles en hausse de la TVA) pour réduire, un tant soit peu, la dette publique (qui est à 70 % du PIB si on inclut les prêts hors Budget, comme le Metro Express et Safe City) et le déficit budgétaire (3,2 % du PIB). Mais l’exercice, selon nos sources, serait surtout électoraliste – alignement de la pension de vieillesse sur le salaire minimum et publication du rapport du PRB, entre autres cadeaux. Le (très) court-termiste va, pour des raisons politiciennes, prendre le dessus sur la vision et les conditions nécessaires pour faire émerger de nouveaux secteurs économiques, et réinventer l’économie mauricienne, essoufflée depuis longtemps, et aujourd’hui à l’agonie. On a besoin d’une rupture – d’une vraie rupture avec des politiciens qui font, dans notre dos, des deals à la Betamax ou à la MedPoint…
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