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L’important c’est de gagner… des contrats !

23 juin 2019, 07:42

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L’important c’est de gagner… des contrats !

«Former French President Must Face Corruption Trial».«Michel Platini Is Detained in France Over Qatar World Cup Vote».

Davantage que la tension entre les États-Unis et l’Iran, ces deux actualités touchant deux Français, mondialement connus, ont agité la Toile, cette semaine, provoquant de vifs débats sur la corruption des élites et le trafic d’influence. Les deux affaires ne sont pas liées, mais il y a des liens étranges entre les deux hommes, des enchevêtrements d’intérêts d’affaires, d’États et de relations internationales.

L’ancien président de l’UEFA, et ex-numéro 10 des Bleus a catégoriquement nié avoir commis tout acte répréhensible à la suite de son arrestation, dans le sillage d’une longue enquête relative à l’attribution du Championnat d’Europe 2016 à la France et au vote qui a permis au Qatar d’obtenir la présentation de la Coupe du monde 2022. Platini a été placé en garde à vue au bureau de la police judiciaire anticorruption de Paris, avant d’être remis en liberté.

Le communiqué de l’équipe de communication de Platini affirme que celui-ci «s’exprime sereinement et avec précision en répondant à toutes les questions et il a fourni des explications utiles». Là où l’affaire se corse c’est que Sophie Dion, ancienne conseillère des sports de…Nicolas Sarkozy (président entre 2007 et 2012), a également été arrêtée alors que l’ancien ancien secrétaire général de l’Élysée, sous Sarkozy, Claude Guéant, a aussi été entendu comme témoin.

Auparavant, les procureurs financiers français, dans le cadre de leur enquête sur l’organisation des Coupes du monde 2018 et 2022 (attribuées respectivement à la Russie et au Qatar), avaient auditionné Sepp Blatter, ancien président de la FIFA. Ils veulent comprendre la décision de Platini de voter pour le Qatar.

Depuis 2015, Platini clame qu’il «aurait peut-être soutenu» les États-Unis mais aurait changé d’avis après une réunion organisée (en novembre 2010) par le président Nicolas Sarkozy, à sa résidence officielle à Paris et par le prince héritier du Qatar, l’actuel émir, Tamim ben Hamad Al Thani. «Sarkozy ne m’a jamais demandé de voter pour le Qatar, mais je savais ce qui serait bien», avait confié Platini à l’Associated Press en 2015. Mais le Suisse Blatter est allé plus loin ; dans le Financial Times, toujours en 2015, Blatter avait ajouté ceci : Platini lui aurait dit avant le vote pour l’attribution de la Coupe du monde : «Je ne suis plus dans votre camp parce que le chef de l’État m’a dit que nous devrions considérer la situation de la France.»

Les années ont passé. Platini et Blatter ne sont plus au sommet du football depuis quatre ans.

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Dans le cas de Sarkozy, c’est grandement en partie contre des Libyens, mais aussi contre des adversaires politiques et médiatiques français (dont Mediapart) que l’ancien président de la République se bat ces jours-ci.

Les journalistes sont désormais habitués au fait qu’à chaque éclatement d’une affaire politico-financière, surtout celles impliquant Sarkozy qui durent depuis une douzaine d’années, «les mêmes accusations reviennent dans la bouche des politiques. Soupçons de corruption, de financement illégal de campagne ou d’emplois fictifs ? Invariablement, les personnalités visées (Sarkozy, Fillon, Le Pen, Mélenchon…) répondent : ‘Complot !’ Les enquêteurs en charge des investigations viennent grossir les rangs d’une fantasmatique ‘police politique’. Les perquisitions deviennent «cambriolages». Et la France, une République quasi bananière gouvernée par des juges (rouges, en général)», faisait ressortir un éditorialiste de l’Obs l’an dernier.

Retraité de la vie politique, et en attente d’un dénouement dans l’affaire «Bygmalion» (affaire portant sur un système présumé de fausses factures émises par la société Bygmalion, dont la filiale Event and Cie organisait les meetings de la campagne sarkozyste de 2012). Sarkozy a vu, cette semaine, son dernier recours juridique être rejeté. La presse et la justice s’intéressent particulièrement aux écoutes interceptées entre Nicolas Sarkozy et son avocat, Me Thierry Herzog, lors d’une autre enquête, celle relative aux accusations de financement libyen de la présidentielle de 2007. Grâce à ces interceptions, les enquêteurs avaient découvert que Sarkozy utilisait un autre portable, non-officiel, acquis sous le faux nom de «Paul Bismuth». Mais Sarkozy martèle : «Il n’y a que des indices, pas de charges et pas de preuves.»

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Et si derrière Platini, la cible était surtout Sarkozy…

Avec les milliards qui circulent, les tensions autour du pétrole, et le réalignement du bloc arabe (Arabie Saoudite versus l’Iran, ou sunnite versus chiite), l’organisation d’un mondial de football est devenue plus que jamais un enjeu géopolitique – et à ce jeu, Sarkozy n’a jamais caché son soutien en faveur du Qatar. Son raisonnement : aucun pays arabe n’avait jamais obtenu cette compétition. «Et les fortes chaleurs n’étaient plus insurmontables, grâce au report du tournoi en novembre et à la climatisation.» Blatter reproche ouvertement à Platini d’avoir renoncé à un «accord de gentleman» qui prévoyait l’octroi du tournoi 2018 en Russie puis en 2022 aux États-Unis… De quoi nous faire réfléchir alors que les Jeux des Îles s’organisent sur fond de controverse (stade Côte-d’Or, plagiat, etc.) et de récuperation politique (Ministre Fanta, Rs 50 000 pour chaque medaillé d’or, etc.). Ce qui refroidit l’ardeur nationale… Car le tam-tam, pour l’heure, ne résonne pas dans la rue, mais, davantage, dans les antichambres du pouvoir et de l’argent.