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Manger à tous les râteliers

6 juillet 2019, 07:27

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En tout début de semaine, à la rue Dr Maurice-Curé, Rose-Hill, lors du traditionnel Eid-Ul-Fitr Dinner, où l’on sert, sans doute, l’un des meilleurs briyanis du pays, un parfum d’élections générales prédominait malgré les arômes du jaffran et du riz Basmati. Pratiquement tous les partis politiques sont représentés. Le leader de l’opposition qui ne rate jamais ce rendez-vous annuel, pris, cette fois-ci, par sa PNQ et dans les filets de ses négociations demi-secrètes, y a délégué ses lieutenants. Pravind Jugnauth, Paul Bérenger et Navin Ramgoolam en avaient fait de même, sachant tous que chaque composante de l’électorat doit se sentir écouté, entendu, respecté, honoré.

Du coup, c’est Ivan Collendavelloo qui a eu l’honneur de remercier les membres de l’Ahmadiyya Muslim Community. En fin diplomate, contrairement à Anil Gayan (qui ne digère pas pourquoi l’express a osé écrire qu’il est fils d’un chauffeur d’autobus – alors que, selon nous, c’est tout à son honneur !), Collendavelloo n’a nullement tenté de plomber l’ambiance en critiquant les adversaires politiques du régime, y compris la presse indépendante, à qui il faisait de larges sourires, dans une volonté affichée de converger et de converser. Le leader du ML a choisi de mettre l’accent sur le patriotisme et les Jeux des îles, et non pas sur l’eau 24/7, ou sur l’incinérateur de Veolia. Il a aussi parlé, avec son panache des grands jours, de la venue du pape – autre événement qui va, selon celui qui fut l’ancien lieutenant de Bérenger, galvaniser non pas une communauté, mais toute une nation.

Habile, par contre, le VPM n’a pas mentionné Narendra Modi, ayant compris, peut-être, que l’évocation de ce personnage controversé, surtout dans les milieux musulmans, n’allait pas rendre service, en ce jour précis, au cours de cette fonction spécifique. Mais, ailleurs à Maurice, probablement dans la Hindi Belt (numéros 5-12), il est évident que le nom de Modi sera brandi comme ce héros ayant permis au pays d’avoir, enfin, son métro – cependant, on passera sous silence que cela nous a coûté une révision, néfaste de notre secteur financier, de la DTAA, et, plus grave encore, que cela nous a probablement coûté le contrôle d’Agalega (mais on ne peut que spéculer en l’absence de la publication de l’accord indo-mauricien). Remarquez que pour Agalega, le GM se la joue profil bas, alors que pour les Chagos, ils font sonner le tam-tam de la démagogie ! Quitte à provoquer Boris Johnson, qui, contrairement à Theresa May, ne fait pas dans la dentelle.

À Riche-Terre, le projet d’incinérateur démontre clairement que les ministres MSM ont réalisé qu’il est mieux, pour eux, de manifester contre un projet considéré proche ou cher au ML de Collendavelloo. Le fait qu’Alain Wong ait organisé une reunion dans son bureau avec des collègues du cabinet, que des ministres et deputés de la majorité, dont le conciliant Soodesh Callichurn, n’ont pas hésiter à descendre dans la rue pour protester, que la police encadre les manifestants, que Pravind Jugnauth s’est aussi rangé du côté du peuple, prouve que les élections sont bel et bien derrière la porte – que tout est désormais fait pour que le régime au pouvoir n’horripile pas/plus les électeurs, surtout depuis qu’il a compris que son dernier Budget n’a pas vraiment provoqué ce «feel-good factor ». À la place, tous les économistes sérieux s’élèvent contre le hold-up de la Banque centrale et le «voodoo accounting» tentés, lors du dernier exercice budgétaire, par Pravind Jugnauth, Dev Manraj, Renganaden Padayachy, avec la complicité de l’EDB de Currimjee, de la FSC et d’autres corps parapublics, peuplés d’agents électoraux.

Face à la motion de censure de Shakeel Mohamed (qui s’est attiré les projecteurs en lançant un énorme pavé dans notre mare politique), qui devrait nous permettre de mieux comprendre le rôle des uns et des autres dans l’opposition, il y a la speaker Maya Hanoomanjee. Cette législature laissera planer cette question : une candidate battue aux législatives, qui avait donc fait campagne contre les élus de l’opposition, peut-elle être repêchée pour présider OBJECTIVEMENT les travaux parlementaires ? S’attendait-on que cette proche des Jugnauth, née Ghose, devienne du jour au lendemain une personne neutre, indépendante ? D’autant qu’elle ne s’était pas sentie gênée de présider les travaux parlementaires alors que l’opposition questionnait les conditions autour du poste de sa fille à Landscope, où Gérard Sanspeur a décidé de lui rendre la vie difficile…

À mesure que s’approchent les prochaines législatives, les clans vont se rapprocher ou s’entre-déchirer. Le pouvoir a compris qu’il lui faut faire une opération maquillage, en espérant que la cosmétique pourrait cacher les tares de ce régime qui a favorisé une indécente croissance — pas au niveau économique mais... — sur le plan du népotisme. Et ceux-là qui gravitent autour du petit empereur Soleil ne savent plus s’il serait mieux pour eux si le MSM contracte une alliance ou pas. En jeu, non pas le destin du pays, mais leur part du gâteau qui rétrécit comme une peau de chagrin.

Chez nous, comme en Afrique, ceux qui parviennent au pouvoir sont immédiatement sollicités afin d’en faire retomber les avantages sur le maximum de leurs frères, soeurs, maîtresses, cousins, cousines, voisins, voisines…En fait, plus le temps et les acteurs et actrices passent, puis il nous devient évident pourquoi les changements politiques sont devenus décevants : rien ne change vraiment, il y a simplement changement de profiteurs, ceux qui bouffent à pleines dents… Et dire que de telles pratiques ne peuvent que casser les ressorts économiques et sociaux — et surtout psychologiques de notre pays, déjà stressé.