Publicité

Attention au dur réveil économique

28 juillet 2019, 07:36

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Attention au dur réveil économique

Loin de nous l’idée de jouer au rabat-joie. Mais la question est importante en cette année électorale où la com politique fait/fera tout pour masquer la sombre réalité économique. Pourquoi un jour de congé public additionnel alors que nous sommes déjà au fond d’une impasse économique avec une productivité des plus molles. D’autant plus que le Premier ministre, par opportunisme, avait déjà allongé la liste de jours fériés (qui est passée de 15 à 16) pour marquer l’arrivée chez nous du pape le lundi 9  septembre prochain.

Réalisons-nous qu’un jour chômé coûte entre Rs 1 milliard et Rs 1,5 milliard au PIB, surtout quand ce congé-appât est jeté au public, dans l’euphorie de la victoire, sans planification aucune. Pensez-vous que les clients internationaux vont comprendre la logique insulaire d’un gouvernement en manque de satisfecit ? En coupant les moteurs de cette façon, sous la pression populaire, nous donnons l’image d’une nation tiers-mondiste incapable de tenir ses engagements et commandes.

Pravind Jugnauth pense scorer des points politiques avec ce cadeau, pour ne pas dire «bribe» électoral. Pourtant s’il marchait dans la rue, il entendrait que tout le monde en parle sans perdre leur lucidité : «Nou koné kifer li finn nou donn enn zour conzé.Pas pou atlet me pou li mem.» Un collègue va plus loin : «Et si au lieu de faire tout un pays chômer, avec les conséquences économiques et financières, donc de manque à gagner au pays, on inversait la donne : journée normale de travail et partager 10 % des millions sauvées pour les athlètes et leurs coachs ?» D’autres encore pensent que c’est surtout pour faire oublier les fausses notes de ces 10èmes Jeux des îles : l’incapacité de finir à temps le stade Côte d’Or (dont le coût final avoisine les Rs 5 milliards) alors que la finale a dû être renvoyée in extremis hier en raison du piteux état du mythique Stade George V; les Rs 94 millions dépensées pour remettre, en vain, le stade George V en état – encore heureux que le stade Auguste Vollaire vienne voler à la rescousse du bijou inachevé de Côte-d’Or et de la piscine boueuse de George V; l’impossibilité pour la plupart des Mauriciens d’acheter un billet afin d’aller soutenir les athlètes alors que des Gooljaury et d’autres mercenaires peuplent les loges VVIP...

Le MSM aura tort de maximiser sa contribution dans le succès final de notre pays. Les +90 médailles d’or que nos compatriotes ont arrachées, c’est grâce à leurs efforts personnels et à l’encadrement de leurs entraîneurs et proches. C’est pour cela que nous condamnons la présence de ministres attentistes sur les photos-souvenirs.

Sur le plan purement politicien, la valse des futurs candidats aux prochaines élections générales sur les sites de compétition avec leur quadricolore ne peuvent que faire dérider. La MBC a tout fixé sur pellicule pour démontrer que ce gouvernement est proche du peuple. Seul hic : c’est la présence-surprise de Navin Ramgoolam aux finales de boxe à Vacoas vendredi. Ne souhaitant pas que le leader des rouges ne lui vole la vedette, le Premier ministre s’y est ramené illico presto – afin de monopoliser les caméras. Son équipe de com a alors sorti l’arme fatale censée faire succomber les Mauriciens : annoncer le congé public de lundi, sans attendre la finale de football, et, surtout, sans réfléchir à l’impact économique de cette annonce des plus populistes.

***

 Le «vibre-ensemble» mauricien est éphémère. Dans pas longtemps, les élections et leur logique communale vont venir tout gâcher. Le «vivre-ensemble», pourtant permanent, n’est pas cultivé. On connaît tous les inégalités durables qui ponctuent notre quotidien. Ceux qui raflent les médailles d’or sous les applaudissements des ministres sont habituellement ceux-là mêmes qui sont victimes d’exclusion dans un jeu électoral et un système d’éducation taillés sur mesure pour d’autres afin de perpétuer les mêmes patronymes, que ce soit au sein des partis politiques et/ou du secteur public.

Ce gouvernement qui a dû enterrer son projet de réforme électorale et de financement politique, et qui a préféré ne jamais introduire son tant promis Freedom of Information Bill, sait qu’il ne lui reste plus beaucoup de temps avant la dissolution automatique du Parlement. S’il veut éviter l’élection de remplacement de novembre, ses délais sont encore plus serrés et l’heure des choix dificiles s’avère inévitable.

Sur les droits des travailleurs par exemple, comment réconcilier les intérêts divergents du patronat et ceux des syndicats qui disent parler au nom des 450 000 travailleurs du pays ? Pour gagner les élections, il faut des sous – d’ailleurs dans le projet de loi sur le financement politique, un plafond de Rs 80 millions était prévu pour chaque parti ! D’où provient cet argent ? Il faut aussi des votants qu’il faut extirper de la masse d’indécis qui pourrait avoisiner les 50 % de l’électorat. Pour son baptême de feu comme Premier ministre sortant, Pravind Jugnauth aura à casser des oeufs immanquablement. La com n’y pourra rien, tout comme elle ne pourra rien si on persiste à jouer à l’autruche par rapport aux attaques sur notre secteur offshore – attaques qui ont réussi le tour de force de réunir autour d’une même défense Pravind Jugnauth, Reza Uteem et Rama Sithanen. Pourtant l’Inde nous avait fait le même procès sur l’opacité de notre secteur et a choisi de tourner la page. La com de Jugnauth n’y pourra rien contre la baisse continue des recettes touristiques, les contre-performances durables du secteur manufacturier, la mort programmée du sucre, la mauvaise utilisation du Special Reserve Fund de la Banque centrale, le népotisme ambiant dans quasiment toutes les institutions-clés du pays, qui est en soi une négation de la superbe performance des athlètes mauriciens – dont les photos doivent être encadrées pour la postérité. Il nous suffit d’utiliser photoshop et d’effacer les têtes des ministres bien trop envahissantes sur les photos-souvenirs... Alé Moris, mais attention quand même au réveil qui risque d’être brutal, surtout quand il nous faudra rentabiliser le complexe de Côte d’Or et le Metro Express afin de faire baisser la dette publique...