Seuls les esprits chagrins diront que les spin-doctors de Pravind Jugnauth sont des incompétents capables seulement de monter des coups à la Tyrolienne ou de ramassage d’ordures. Toute une stratégie a été conçue et peaufinée pour s’axer sur quatre évènements déterminants devant se produire en succession – Budget, Jeux des îles, visite papale et inauguration grandiose du tramway baptisé Metro Express à Maurice. Tout cela débouchant directement sur des élections générales.

Le Budget et les Jeux des îles ont répondu aux attentes des stratèges qui ont cherché à présenter Pravind Jugnauth comme le moteur dans l’exploit des athlètes mauriciens et aussi bienfaiteur d’une section de la population. La visite papale aussi se présente bien en termes de récupération politique. Deux superbes photo opportunities ont déjà été réalisées quand on a vu le chef de l’Église, Mgr Maurice Piat, animant une conférence de presse au Prime Minister’s Office (PMO) en compagnie de Pravind Jugnauth, puis accompagnant le Premier ministre lors d’une visite au monument Marie-Reine de la Paix pour constater la progression des travaux.

Lors de l’arrivée à l’aéroport du pape et des cérémonies marquant sa visite se produiront une douzaine d’opportunités pour que le chef du gouvernement et des membres de sa famille s’affichent aux côtés du Saint-Père. Pour des besoins de propagande à être exploitée lors d’une campagne électorale, il s’agirait d’une aubaine made in Heaven. D’autant plus qu’on apprend que sur le terrain même, un homme de religion est en train de sing la gloire de la famille Jugnauth.

Ne restera alors que l’inauguration du Metro Express qui va fournir assez de matériel de propagande visant à promettre à toutes les villes et tous les villages du pays qu’ils seront eux aussi desservis par le train dans le cadre d’un mandat de plein droit pour Pravind Jugnauth.

D’après le plan initial, cette cérémonie, dholok battant, allait voir la participation du Premier ministre indien, Narendra Modi. Mais un facteur important est venu bousculer l’opération de mise en service du Metro Express. Il s’agit de la décision du gouvernement Modi en Inde de modifier la Constitution du pays pour enlever au Cachemire son statut d’État différent des autres et qui lui assurait une large autonomie. Le Cachemire, seul État à majorité musulmane, a été placé sous contrôle direct du gouvernement central. Cette décision a donné lieu à un large débat tant en Inde qu’à l’étranger sur le sort des minorités dans la Grande péninsule. En abolissant la Section 370 de la Constitution, le gouvernement central de l’Inde ouvre maintenant la voie à l’émigration sans obstacles des Indiens vers le Cachemire où ils pourraient acheter des terrains, ce qui leur était interdit auparavant aux termes de la Section 370. Dans le long terme, avec l’immigration d’autres Indiens, la composition de la population du Cachemire pourrait être profondément modifiée.

Dans ces circonstances, ériger un nationaliste hindou en vedette lors de l’inauguration du Metro Express pourrait s’avérer contreproductif pour le gouvernement mauricien. Non seulement contre-productif mais aussi fort risqué car on pourrait bien assister à des manifestations hostiles contre la présence de Modi sur le sol mauricien. Cela aurait été exploité au maximum par les médias indiens et les opposants de Modi de même que les adversaires étrangers de l’Inde.

C’est surtout sur le plan local qu’une éventuelle visite de Modi avant les élections générales que le MSM aurait compromis tous les investissements encourus pour tirer un capital politique des Jeux des îles et de la visite papale. Il est clair que le MSM a monté une stratégie pour compenser les votes que le parti risque de perdre dans les régions rurales. Auprès d’une section de l’électorat très remontée contre le MSM suivant, entre autres, le vol systématique de tous les biens de la défunte British American Insurance, la visite de Modi aurait compromis toute tentative de manœuvres électorales d’apaisement.

Le soft launch du Metro Express résulterait de la modification de la stratégie concernant la présence du Premier ministre indien à Maurice. Ainsi, Pravind Jugnauth pourrait bien écrire une belle lettre dans le style Shri Modiji qu’il avait rédigée en 2014 mais cette fois pour inviter le Premier ministre à venir participer à l’inauguration officielle du Metro Express. À une date qui sera déterminée par la suite dépendant de l’exécution des travaux par la firme… indienne Larsen & Toubro. En attendant, expliquerait Pravind Jugnauth, on procède à un soft launch afin de conduire des tests. Qui croirait Modi aussi mal élevé que d’imposer sa présence lors de la petite cérémonie même ? Il est vrai que Modi ne se laisse pas gagner par des sentiments irrationnels sinon il n’aurait pas porté un coup mortel au global business de Maurice. Reste à savoir néanmoins si le Premier ministre indien serait aussi intéressé à visiter Agalega après l’inauguration officielle du Metro Express.