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Bérenger face aux multiples «trahisons»

31 août 2019, 07:24

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Est-ce la plus perfide de toutes les défections pour Paul Bérenger ? Que n’a-t-il pas connu dans la gestion des militants à travers les décennies. Voici quelques épisodes:

Lors d’une consultation populaire, le MMM met à la disposition de ses candidats pas bien fortunés une voiture comme outil de campagne. Après la proclamation des résultats, on invite les candidats à restituer le véhicule à un homme désigné pour gérer cela. Il s’agit d’un riche planteur qui est aussi propriétaire d’une station-service.

Certains candidats refusent carrément de rendre la voiture. Après cet accaparement, l’un d’eux, bien des mois après, a le culot d’aller voir Paul Bérenger pour lui faire part du fait que ses quatre pneus sont devenus lisses (koumadir fromaz, précise-t-il), avec une requête sous-entendue d’un petit cadeau de dépannage. Et Paul Bérenger, après quelques murmures de remontrance, lui remet quand même une enveloppe.

Un autre parasite part voir le grand leader pour lui dire qu’il subit un véritable harcèlement aux mains de sa femme car cette dernière est toute déterminée à doter sa maison de rideaux neufs à l’occasion de la fête Divali. Connaissant la précarité financière de son homme, Paul Bérenger se retire momentanément pour revenir avec une enveloppe.

Et ces gens-là ont abandonné Paul Bérenger, voire l’on trahi, pour aller chercher fortune ailleurs. Mais stoïque, sûrement confiant d’un avenir plus heureux pour tout le monde, le leader du MMM a géré depuis des décennies ce défilé d’espèces de tous genres.

Paul Bérenger a aussi géré des défections et des scissions. Le MMM a connu des soubresauts depuis 1970 même, avec le départ de Jooneed Jeeroburkhan. Puis, Dev Virahsawmy est parti, créant son propre parti. Il y a encore Suresh Moorba, les Jundoosingh et les Tatave. Mais le MMM a survécu à tout, «plus fort que jamais» selon la formule consacrée. Ensuite, il y a eu les événements de 1983 quand certains militants dirigés par Anerood Jugnauth ont créé le MSM.

La plus grave scission se produisit en 1993 quand des éléments les plus en vue et les plus compétents du parti, dont Prem Nababsing, Jean Claude de l’Estrac, Swalay Kasenally, Amédée Darga, Mathieu Laclé, Jérôme Boulle, refusèrent de suivre Paul Bérenger dans une nouvelle aventure dans l’opposition. Pourtant, le MMM survécut à ce tremblement de terre.

Comme si le parti mauve vivait en Californie, les secousses sont périodiques comme après les élections de 2014 avec le départ d’Alan Ganoo et d’autres encore. Puis, on a assisté à la démission de Pradeep Jeeha – celui-là même qui déjeunait avec Paul Bérenger au moins une fois par semaine – et de Steve Obeegadoo, autoérigé en prima donna comme un «idéologue» pur et dur hors pair.

Le tout dernier épisode a, semble-t-il, assommé pour une fois le coriace Bérenger. Car jamais auparavant a-t-il utilisé des termes comme «colère», «dégoût», «crise grave», «tristesse». La bande à Nababsing n’avait pas suscité une telle réaction chez le leader du MMM.

La crise actuelle pourrait être expliquée par plusieurs facteurs dont la force de frappe financière du Sun Trust, un sentiment de pessimisme par rapport à l’avenir du parti et de ses chances aux élections générales et aussi par la manifestation de ce qui est perçu comme une tentation clanique au MMM. Car, outre les Jugnauth passés maîtres dans l’art de promouvoir la famille à tout prix, quel autre parti a décidé d’aligner père, fille, gendre et belle-sœur comme candidats aux élections générales ?

Des fils d’illustres dirigeants, dont Xavier Duval, Shakeel Mohamed, Arvin Boolell et Navin Ramgoolam, se sont imposés sur la base de leurs propres mérites, leurs propres réalisations. Pravind Jugnauth aura l’occasion de prouver aux élections qu’il n’est pas qu’un fils-à-papa. Mais dans le scénario de succession au MMM, l’absence de mérite et de compétence est plus qu’évidente. Les règles de succession qui s’appliquent dans les firmes privées pourraient s’avérer complètement contre-productives dans un parti qui a milité depuis cinq décennies pour la méritocratie.

La trahison de certains a évidemment ébranlé Paul Bérenger. Comment expliquer certaines actions à la gloire des Jugnauth ? Par exemple, le grand idéologue Obeegadoo préconise le rassemblement de la grande famille militante sous le leadership éclairé de Pravind Jugnauth. Mais il invite dans le même souffle Xavier Duval à se joindre à ce mouvement. Donc, le fils de Gaëtan Duval est-il devenu lui aussi un militant égaré que la famille cherche à «ramasser» ?

Dans le passé, avec sa fougue habituelle et sur la base de ses ressources en hommes et en femmes, Paul Bérenger aurait remplacé tout ce beau monde en moins de 15 jours, un Ravived par un Ravived, un bon bourgeois de Beau-Bassin par un autre bourgeois, un Vaish-Ahir par un autre Ahir. Cet aspect de Paul Bérenger va beaucoup manquer à ceux qui ont suivi son cheminement et surtout son comportement et son jeu de «cartes maîtresses» lors des élections générales.