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Le DPP coincé entre MedPoint et R.-Noires
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Le DPP coincé entre MedPoint et R.-Noires
Pas facile d’être Directeur des poursuites publiques (DPP) en cette fin de législature. Après le non-lieu de Navin Ramgoolam dans l’affaire Roches-Noires, qui s’apparente à un camouflet au régime des Jugnauth qui avaient solennellement promis de jeter leur rival en prison, sir Anerood Jugnauth a cru bon de rappeler au DPP qu’il avait fait appel dans le cas MedPoint et qu’il est désormais attendu au tournant par rapport à l’affaire Roches-Noires.
«Nou oule kone ki DPP pou fer (...) Mo pa trouv ki manier sa bann sarz-la inn reye. Mo respekte desizion bann mazistra. DPP ti fer apel dan zafer MedPoint, mo espere la ousi li fer apel», lâchera, sur un ton péremptoire, aux journalistes, un sir Anerood Jugnauth plus exaspéré que jamais.
Le non-lieu vient donner du fil à retordre aux Jugnauth alors que les prochaines élections générales se profilent. D’aucuns affirment que c’est précisément en raison du chamboulement actuel sur l’échiquier politique que le Premier ministre a annulé son déplacement à New York, mais passons, ou plutôt revenons au cas de l’actuel DPP, la bête noire de ce gouvernement, en grande partie parce que Me Satyajit porte le patronyme… Boolell, un nom éminemment travailliste.
Flash-back. Nous sommes en 2016. Le gouvernement Lepep essaie de noyer le poisson DPP dans le bassin attirant de la transparence (accountability). Le comité ministériel, sous le manteau des démocrates, semble nourrir des desseins sombres et inavoués avec le Prosecution Commission Bill – qui a pour but de placer le bureau du DPP, un poste constitutionnel, sous le joug de l’exécutif.
La Prosecution Commission est annoncée dans un contexte des plus survoltés. En cette fin d’année 2016, après deux ans de pouvoir Lepep, le pays vit une période charnière pour l’avenir de sa démocratie, avec en toile de fond le passage imminent de témoin du Premier ministre à son fils. Cette transition à la tête du gouvernement surchauffe les esprits aussi bien à l’intérieur de l’alliance gouvernementale qu’à l’extérieur (opposition, société civile, presse).
Le débat autour de la Prosecution Commission tend à s’enliser dans la mare politicienne, où chacun crache sa vérité en fonction de ses intérêts partisans et personnels. L’agitation s’explique par le fait que la majorité parlementaire se propose de toucher à la Constitution pour assouvir les ambitions pouvoiristes (et absolutistes ?) de Lepep. Comme beaucoup, pour ne pas dire la plupart, d’avocats, y compris ceux au sein du Bar Council, ont aussi une carrière ou une visée politique, leurs arguments sont teintés de couleurs partisanes.
Mais ce qui est le plus grave, c’est que la séparation des pouvoirs est clairement menacée. La Prosecution Commission n’est pas une émanation du judiciaire, mais une construction de l’alliance Lepep qui veut, ainsi, contrôler les pouvoirs du DPP. La séparation des pouvoirs, explicitée par Locke et Montesquieu, ambitionne d’empêcher la concentration du pouvoir entre les mains d’un seul homme ou d’un parti politique ou d’une famille. «Il faut en effet préserver les hommes de toute tentative de tyrannie du souverain et protéger leur liberté, et ce, en limitant le pouvoir par un autre pouvoir.» En quittant le navire Lepep en décembre 2016, le PMSD coupe l’herbe sous les petits pieds des aspirants dictateurs des Jugnauth…
Pourquoi doit-on défendre le DPP ? La série d’attaques contre Satyajit Boolell depuis l’installation au pouvoir de Lepep ainsi que ses prérogatives dans l’affaire MedPoint et les affaires Ramgoolam ont une incidence directe sur le destin du pays – et celui des deux dynasties du pays. Quoi qu’il fasse, il sera jugé à travers le prisme politicien. Je n’aurais pas aimé être à sa place ! Mais il est payé pour prendre des décisions objectives, pas pour réagir à ce qu’on pourrait penser de lui. Les deux situations – MedPoint et Roches-Noires – ne sont pas pareilles. Que le DPP prenne sa décision et qu’il l’explique pour notre gouverne à tous.
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