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La fabuleuse vie de «Madame Laurent»
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La fabuleuse vie de «Madame Laurent»
Dans la vie il y a des hauts et des bas, il faut surmonter les hauts et repriser les bas, disait Jacques Chirac. Cela s’applique joliment à Cecile Tsin Sa Ah Vi, 77 ans depuis hier, devenue un personnage de roman, qui nous redonne l’espoir alors que tout semble perdu. Ce n’est pas un conte fantaisiste. C’est une histoire vraie, une biographie contemporaine, une photographie d’une vie qu’on ne connaissait pas, ou peu.
C’est par la seule force de ses poignets et de son caractère trempé dans un métal précieux qu’elle s’est forgé, en solo, un destin digne d’un conte de fées moderne et résolument mauricien — loin du tintamarre de ceux qui visent le buzz en permanence, pour se donner une existence, une contenance, un rôle dans la vie, dans notre société, dans un sketch.
C’est dans la discrétion qui l’a toujours caractérisée que s’est fait, hier, le lancement de sa biographie, «Madame Laurent : De l’autre côté du comptoir», une oeuvre poignante, rédigée avec soin, comme si on raccommodait des bouts de vie éparpillés comme des débris, comme l’autre ferait une jolie broderie, tranquillement, quand les clients sont partis, et ses enfants, endormis, à réfléchir à comment orner leur vie quand on devient veuve à 30 ans.
Serge Ng Tat Chung, le biographe, a su éclairer, avec une douce nostalgie, un personnage hyperactif au quotidien en héroïne mauricienne de premier plan, au-delà des frontières artificielles qui nous enferment dans des cases de l’imaginaire collectif.
Cécile ne port(ait)e pas un patronyme qui fai(sai)t ouvrir les portes du destin. Pas de dynastie, pas de ticket ou place réservée au collège de Lorette de Port-Louis où des berlines rutilantes venaient mettre en relief sa modeste condition de vie, rehaussée par la qualité des robes que lui confectionnait sa grandmère, bonne à tout faire, dans le vieux Port-Louis, où l’on venait chercher un avenir meilleur.
Des années plus tard, à la mort de son époux Laurent, Cecile, au lieu de sombrer, se transforme pour ses enfants. Elle devient père, grand-mère, grand-père, chauffeur, commerçante, styliste, tout à la fois, autrement. Martine Luchmun, notre collègue d’Essentielle, relatant sa rencontre avec elle, a peut-être trouvé la recette : «Ce qui frappe chez Cécile, c’est que cette femme est un roc. Hormis sa belle silhouette de septuagénaire adepte de la marche, il se dégage d’elle une aura de battante et une force intérieure qui la rendent fascinante. L’âge semble avoir sur elle un étonnant pouvoir pour dérider le temps…»
Et puis, elle, Cecile, ne s’est jamais vue ainsi, ce sont ses enfants, voisins, clients, qui ont compris qu’elle avait en elle une foi inébranlable en la famille, ce ciment qui vous tient quand tout autour de vous, tout fout le camp, comme cette explosion qui a détruit son immeuble, mais pas son âme. Car elle avait déjà fait pratiquement toutes les guerres de la vie...
Elle reconstruira tout ce qu’on détruira, car elle est de ceux qui sont partis de rien. «Ce sont les autres qui me voient ainsi ou me qualifient de matriarche. Je suis restée la même personne. Je suis moi-même. Je n’ai ni plus ni moins que lorsque j’habitais à la rue Desforges. On me dit que je mérite cet ouvrage, j’en suis touchée (…) Quand on a connu la misère, on n’oublie pas. Mais même misère, j’ai été très gâtée.»
«Je ne lâche jamais. Je cultive la persévérance comme je fais pousser mes fleurs. Je me suis toujours dit ‘si je veux, je peux’. Dans ma boutique, j’ai servi l’île Maurice. Je ne fais aucune différence entre mes clients. J’aime mon activité et je fais ce que j’aime.»
«Je me suis demandé si c’était le destin qui m’a portée, mais je crois que rien n’a jamais été difficile pour moi…» Les propos de Cecile ou «Madame Laurent» me ramènent à ce poème de Kipling, récemment traduit en mauricien par Dev Virahsawmy :
«Si to tini ferm kan lezot sapé
E pe rod fer kwar twa ki pe foté;
Si to sir to pwen kan lezot douté
Me to sey konpran kifer zot tiké…
Si to konn fer fas viktwar ek defet
E tret touledé kouma zot dwatet; (…)
Si lafoul swiv twa san to vinn vantar,
Si to mars ar gran san bliyé tinwar (...)
… … to finn vinn gayar, monwar.»
Si vous voulez découvrir un personnage de roman original qui vous (re)donnera du courage et de l’espoir, lisez «Madame Laurent…» Cela changera votre regard sur la vie et peut-être sur vous-même…
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