Nous sommes bien loin du temps de la guerre des gentilshommes et des conventions chevaleresques. Les manuels de stratégie militaire, dont ceux de Sun Tzu et de Clausewitz, prônent pratiquement tous l’efficacité dans la conduite de la guerre. Celle opposant les Jugnauth à Navin Ramgoolam, qui culminera à la joute du 7 novembre, relève de la même logique immuable : vaincre, en moins d’un mois, l’adversaire de sorte à ce qu’il ne pourra jamais se relever et ce, en attaquant au bon moment, au bon endroit.

Aucune guerre prolongée ne peut profiter à un pays ou à une économie. On est tous d’accord. Cependant, Sun Tzu et Clausewitz s’opposent sur au moins un point. Pour Sun Tzu, tout acte de guerre doit se penser en fonction de l’après-conflit – en considérant, par exemple, les méfaits d’une politique de la terre brûlée. Clausewitz, lui, estime que la victoire à tout prix doit être l’unique but ultime. C’est ce qu’il appelle la bataille décisive.

En donnant – dimanche dernier – le signal du début de la guerre et en optant pour le plus court délai légalement permis (qui est de 30 jours), Pravind Jugnauth a voulu prendre de vitesse son challenger – le seul capable, dans le complexe contexte mauricien, de lui barrer la route au Prime Minister’s Office et qui a pu résister à 11 procès instruits contre lui. Même le Conseil des ministres de Jugnauth a été pris de court car beaucoup de ministres vont être sacrifiés afin de créer un semblant de renouveau et de faire oublier les nombreux scandales qui ont émaillé la législature 2014-2019. Un classique exercice de window dressing.

En mettant le temps de son côté, le Sun Trust, qui avait déjà planifié son coup et commandé ses outils de propagande, pense couper l’herbe sous les pieds non seulement du bloc PTr-PMSD mais des autres partis politiques, manifestement pris de court. Le MMM et le MP ont été sérieusement harponnés et tentent de se relever tant bien que mal.

Même si la «seule» stratégie des uns et des autres est de «simplement gagner les élections», peu importe les voies et moyens, il s’avère difficile de finaliser une liste de candidats, de négocier des arrangements ou alliances électoraux, même si cet exercice est facilité pour le MSM-ML, pour qui l’utilisation de l’appareil d’État est largement possible et tolérée. D’ailleurs, on ne peut plus distinguer le PMO du Sun Trust, tout comme il est impossible de séparer les sorties officielles du Premier ministre de celles du politicien Pravind Jugnauth. Car toutes les activités du PMO sont généreusement couvertes par la MBC et autres, quels que soient le sujet ou la thématique.

Bien sûr que ce n’était pas si différent sous le régime Ramgoolam, mais estce une raison de ne pas/plus s’indigner devant une série d’abus gouvernementaux qui se joue tous les soirs lors du JT de 19 h 30 ? Doit-on accepter que nous ne nous sortirons jamais d’aucun travers, si le prédécesseur avait aussi fauté ?

La démagogie entourant la révision de la pension de vieillesse (qui atteindrait un niveau record de Rs 13 500… en 2024), le salaire minimum qui va grossir et la promotion automatique de policiers saute aux yeux. Mais les adversaires politiques peuvent difficilement rejeter ces promesses populistes. Car eux aussi ont besoin de susciter des adhésions et d’acheter les consciences…

Quant à nous, on s’efforcera, en éditorial, au jour le jour, le temps de cette courte campagne, de mettre en relief les promesses et postures politiciennes qui, au-delà de la séduction temporaire, peuvent nous mettre durablement en péril, socialement, économiquement… Veiller aux intérêts du pays, au lieu de ceux des partis ou des dynasties, sera notre contre-stratégie. Les politiciens, qui nous aiment quand ils sont dans l’opposition, et qui nous détestent quand ils sont au pouvoir, sauront, s’ils veulent bien être fair-play pour une fois, que ce sera de bonne guerre !

PS : Deux confrères ont été malmenés hier sur le terrain. Cette violence-là n’a pas sa place dans cette campagne déjà survoltée.