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La stratégie particulière du MSM

12 octobre 2019, 07:51

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En principe, le parti au pouvoir lance sa campagne électorale à une place centrale et politiquement symbolique du pays, sinon dans le fief même du Premier ministre. Le MSM s’est départi de la tradition en tenant son premier meeting électoral à Ste-Croix, dans la circonscription de Port-Louis-Nord– Montagne-Longue. Les habitants de cette circonscription ne font pas partie de la clientèle- type de la famille Jugnauth, dont le chef a fait ses débuts dans la politique en militant au sein de l’All Mauritius Hindu Congress, un mouvement extrémiste.

En optant pour Ste-Croix (localité qui a accueilli le pape François le 9 septembre, tiens tiens) pour le lancement de sa campagne électorale, le MSM affiche ouvertement sa stratégie consistant à courtiser une partie de l’électorat qui lui a été toujours hostile, même depuis sa création en 1983. Pour le premier engagement électoral du MSM en 1983, il lui avait été nécessaire d’avoir recours au soutien du PMSD et de l’Organisation fraternelle des frères Michel pour tenter de présenter un visage «national».

Comme le MMM en 1976 et 1982, le PMSD contribua en 1983 à atténuer l’effet Anerood Jugnauth, façonné par son passage au Hindu Congress. Lequel épisode a donné lieu à deux énigmes. Tout d’abord, on n’a toujours pas expliqué pourquoi lors de la grande bataille de l’Indépendance en 1967, Anerood Jugnauth choisit de devenir fonctionnaire comme magistrat, loin des heurts politiques et électoraux engageant le Hindu Congress.

L’autre énigme, c’est que la débâcle du Hindu Congress en 1967 n’a pas occasionné un débat poussé sur une hypothèse particulière avancée alors par Kher Jagatsingh. Ce brillant stratège du Labour avait allégué que le Hindu Congress était en réalité un mouvement extrémiste lancé sous tapis par des barons sucriers, qui en assuraient son financement. La stratégie machiavélique des sucriers était de diviser les votes de l’électorat majoritaire du Parti travailliste. Et cela bien évidemment pour en faire bénéficier au PMSD. Si en fait la division des votes – le système First Past The Post aidant – avait occasionné l’élection des candidats du PMSD dans les circonscriptions rurales, on aurait fait tout un débat sur l’objectif réel du Hindu Congress. Mais ce parti fut si nettement battu que l’hypothèse de Kher Jagatsingh ne subit pas un exercice d’analyse poussée.

Fidèle à sa formation verbale initiale au Hindu Congress, bien des années après, sir Anerood devait tenir des propos blessants, donnant lieu surtout à la controverse «démons». Fidèle «esclave» de la famille Jugnauth, Showkutally Soodhun devait, bien des années après, remuer le couteau dans la plaie en parlant de «prostituées» et de «drogués», en faisant allusion aux membres d’une certaine communauté.

Compte tenu de ce singulier héritage du MSM, qu’est-ce qui pousse donc le fils de sir Anerood Jugnauth et «frère» de Soodhun à vouloir à tout prix courtiser les voix d’une section particulièrement ciblée de l’électorat ? Avant le choix ô combien symbolique de Ste- Croix, on a assisté aux tentatives désespérées d’associer la famille royale jugnauthienne au pape François, aux grandes dépenses sur la visite du chef mondial de l’Église. Avant l’opération «pape François», il y a eu tous ces investissements dans les Jeux des îles, dont un stade-éléphant blanc coûtant plus de Rs 5 milliards.

Le soutien actif et déterminé d’un ecclésiastique à cette stratégie de la famille Jugnauth est aussi entré dans l’équation politique et électorale. Il a parrainé un certain nombre de candidats et fait campagne en leur faveur.

Toutes ces manoeuvres visent un objectif principal : comment compenser pour les votes non acquis en régions rurales. Car bien que tout soit possible en politique, il est peu probable que le MSM enlève le maximum des 30 sièges – sinon la totalité, comme en 1983 – des circonscriptions nos 5 à 14. Aux dernières élections, le MSM en avait gagné 25 sièges, quand l’épouvantail Bérenger comme Premier ministre avait été utilisé.

En 2019, il n’est plus possible de jouer sur le thème «Blanc Premier ministre pour cinq ans» ni, encore moins, celui de «pouvwar pe sap dan lame jati». Le MSM se livre à une partie de pêche pour capturer des poissons dans les ruisseaux des villes, pour remplacer ce qui va lui échapper dans le bassin des «jati».