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Vous voulez de mon vote ?
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Vous voulez de mon vote ?
Pas sûr !
Mais enfin si cela vous intéresse, je voudrais humblement vous décrire ce qui m’intéresserait d’entendre dans vos propos et éventuellement de constater dans vos agissements, si jamais vous receviez ce fameux mandat du peuple «pour le bien de la nation». De nombreux «indécis» comme moi seraient motivés sensiblement de la même manière…
Établissons donc quelques paramètres de base.
Pour obtenir mon vote, il aura fallu que vous ayez eu un parcours impeccable et sans compromis sur le plan de la démocratie. Pas d’état d’urgence, un désir sincère d’arrêter avec les arrestations arbitraires, malhabilement enveloppées dans des «provisional charges» douteux, pas de loi faite sur mesure pour épingler quelqu’un de particulier, pas de Parlement renvoyé pendant des mois pour «koz-kozé», pas de nominations aberrantes de partisans à la tête d’institutions qui doivent pourtant être indépendantes en démocratie, pas d’atteintes à la liberté de parole, pas de boycott publicitaire de journaux-miroir, en guise de punition, pour avoir simplement renvoyé à nos princes l’image de ce qu’ils sont, en fait. Au contraire, de quoi, vous aurez promis et fait voter une Freedom of information Act, enfin réformé et libéré la MBC de son rôle abject de paillasson en situation de monopole, voté contre des lois liberticides, renforcé la Constitution pour garantir des élections régulières, amendé les lois pour rendre le financement des partis transparent, pris l’initiative sincère d’une bonne réforme électorale, reconnu la réalité d’assurer le renouvellement plus dynamique de la classe politique et, notamment, son rajeunissement. Je crois au mauricianisme et pas du tout aux «quotas».
Pour décrocher mon vote, il vous faudra aussi élaborer et m’expliquer une politique économique qui puisse assurer mieux. Il faut une solution pour le sucre que l’on ne pourra, tous les ans, faire vivre grâce à des subventions : des plantations de cannabis, qui en plus du THC et du CBD commercialement rémunérateurs, produiront de la bagasse abondante pour notre énergie renouvelable, peut-être ? Il sera nécessaire de trouver les bons filons pour consolider la zone franche, pour développer l’économie bleue, pour redynamiser le tourisme, pour capitaliser encore mieux sur les services financiers et les industries de service. Il y a peu de chances que cela dépende de miracles ! Il faudra travailler dur, maîtriser les grands équilibres, chatouiller une productivité bien plus forte, réduire les gaspillages partout (y compris dans ces compagnies paraétatiques, trop nombreuses, qui saignent), être imaginatif, mieux former nos jeunes – y compris en «soft skills», réduire les importations et faire plus d’économie «circulaire». Ajoutez-y une loi de responsabilité fiscale pour éviter la tentation matérialiste du «Consommez aujourd’hui, faites payer plus tard !» Surtout si c’est par «les autres»…
Pour conquérir mon vote, il vous sera impératif de me persuader que nous aurons enfin un pays avec une égalité de chances pour tous et de la méritocratie partout. C’est à cette condition que nous pourrons mettre un frein à la discrimination-réflexe contre certaines sections de la population, inverser le «Brain drain» en notre faveur et cesser de déchirer le pays en deux, à chaque élection, entre «nou bann» et «bann-la».
Pour ravir mon vote, il sera nécessaire de me convaincre que le lagon sera repeuplé, que les rivières ne seront plus des dépotoirs, que les champs de canne et les bords de route ne seront plus souillés, car les touristes (et beaucoup de Mauriciens !) préfèrent le propre, le beau et moins de chiens errants… Devant la catastrophe de voir la part du «renouvelable» chuter de 19 % à 16 % dans notre mixe énergétique entre 2015 et 2019, il sera nécessaire de me prouver que l’on arrivera bien à 35-40 % de renouvelable en 2024 ! À quoi ça servirait, en effet, de détaxer la voiture électrique s’il faut brûler du charbon (ou du gaz) pour la faire avancer ? Comme vous le voyez, il est important que vous soyez convaincus que la planète est en crise et qu’une action écologique musclée est requise.
Pour remporter mon vote, il vous faudra réconcilier notre ambition de «high income country» avec des comportements et des valeurs de bien meilleure qualité. Tout ne peut pas être mesuré en argent ! Il nous sera nécessaire d’avoir une meilleure qualité d’éducation qui engendre plus de solidarité et de discipline personnelle, des citoyens mieux formés et plus responsables, des politiciens moins veules, plus cultivés, sachant démontrer plus de retenue, moins de dévergondage et d’avidité personnelle. Quel est donc votre programme pour l’éducation ? Est-ce qu’il comprendra enfin le kreol comme médium d’enseignement initial pour nos familles créolophones, majoritaires, dont les enfants confrontent, dès le départ, une langue d’enseignement absolument étrangère ?
Pour espérer obtenir mon vote, il sera fondamental de me dessiner un plan social rigoureux, incitatif et fraternel. Il nous faudra éviter de créer un État-tétine auquel s’accrocheraient trop confortablement les flemmards et les parasites et s’il est clair que ceux qui font l’effort de s’en sortir doivent être identifiés, soutenus, récompensés, il nous sera par ailleurs nécessaire d’avoir des filets de protection focalisés pour les plus faibles. Toutes les expériences ailleurs au monde indiquent que ce qui est prioritaire c’est surtout d’entourer les enfants si l’on veut briser les fatalités de la pauvreté. La bureaucratie qui doit inévitablement gérer les services sociaux doit évidemment respecter le règlement, mais peut le faire avec du coeur ! Le médecin de la police a-t-il besoin de mettre une jeune fille de 15 ans, malheureusement engrossée trop tôt, au nu intégral et peser ses seins pour constater s’ils ont du lait ? Est-ce inévitable et bien avisé, alors, pour l’assistante sociale d’ajouter que la vie de cette adolescente «inn, aiiioo, fini gaté!»?
Pour postuler à mon vote, il sera important de me convaincre que le candidat est honnête, intègre et puissamment motivé pour l’avancement de son pays plutôt que pour le sien. Il devra de plus faire montre d’indépendance d’esprit, d’une capacité sincère au débat contradictoire productif, de moeurs solides, de compétences utiles. J’aime bien les chanteurs, les sportifs ou les animateurs de radio, par exemple, mais à leur place…
Pour saisir mon vote, il faudra me convaincre que je vais désormais vivre dans un pays transparent, surtout quand il s’agit de l’argent public. Fini les contrats et les accords avec des clauses de confidentialité ! Des achats de pétrole à Mangalore jusqu’au contrat que l’on vient de signer avec Liverpool FC, du contrat avec Huawei pour Safe City, au contrat avec l’Inde pour Agalega, qu’est-ce qui peut bien donc justifier de nous tenir au secret, de nous traiter comme des enfants, alors que l’on y pompe l’argent public (NOTRE argent – pas celui de la nébulosité appelée «gouvernement» !). Il est temps pour que des comptes de partis politiques soient publiés tous les ans, comme des comptes de compagnies : transparents, explicites. Finalement, si le PTr et le MSM nous ont déjà promis une Freedom of Information Act, aucun des deux n’a tenu sa promesse jusqu’ici ! N’est-ce pas une admission de leur peur face à leurs propres insuffisances, leurs propres malversations… qu’il faudrait cacher ?
Peut-être qu’en fin de compte, mon vote vous en demande trop ? Qu’il est trop onéreux ? Qu’il est jugé plus rentable, en fin de compte, de distribuer du briyani à tout-va, de promettre à tout vent, de bangoler en veux-tu, en voilà, de s’entourer de «yes men», de favoriser «nou bann» et de punir ceux qui ont l’épine dorsale encore droite ? Attention, cependant, de vous tromper ! Car l’autre peuple, moins tapageur et moins visible, qui regroupe les fameux «indécis», n’est pas que chercheur de «bout». Il a aussi besoin de décence et de dignité !
Vous ne le croyez plus ?
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