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#J-18 Bye-bye Rule of Law ?

20 octobre 2019, 07:19

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Pravind Jugnauth, Navin Ramgoolam et Ameenah Gurib-Fakim.

On s’attendait à une campagne de toutes les dérives, mais pas à ce point ! D’abord, comme le relèvent nombre de citoyens sur la Toile, il y a une distinction à faire entre fonds publics (comme c’est le cas dans le SerenityGate et le MaradivaGate) et fonds privés d’un individu ou d’un parti politique. Ensuite quand le parti du Premier ministre et du ministre des Finances, dans une posture de contre-attaque, viole, en connaissance de cause, la Banking Act qu’ils ont eux-mêmes amendée, en août 2018, c’est l’État de droit qui fout le camp. La publication des relevés bancaires du Parti travailliste, de Navin Ramgoolam et de feu Kang Foong Lan Hing Choy (plus connu comme Ah Fat-trésorier-Parti travailiste) – (soit des documents hautement confidentiels de la MCB qui sont au coeur des enquêtes des autorités et des proches en cour) – vient démontrer que le présent régime est vraiment prêt à tout pour ne pas perdre le pouvoir à 18 jours des élections générales. Si la fin ou l’issue des élections justifie les moyens illégaux et déloyaux, alors il nous faut faire gaffe, car le pays serait, ainsi, sur le point de basculer dans un chaos institutionnel. Lequel chaos pourrait faire fuir les investisseurs (locaux et internationaux)...

Quatre mois après l’éclatement de l’affaire Platinum Card, qui a coûté son poste à Ameenah Gurib-Fakim, le gouvernement de Pravind Jugnauth avait choisi, dans le Finance Bill (2018-2019), d’amender l’article 64 de la Banking Act, notamment en introduisant une nouvelle sous-section, qui se lit ainsi : “Any person - To whom any information pertaining to a customer of financial institutions is disclosed and who knows or has reasonable grounds to believe, at the time of disclosure, that the information was disclosed to him in contravention of this section/Who is in possession of information relating to the affairs of a customer of financial institution without just or reasonable grounds or in contravention of this section; or/Who publishes, in any form whatsoever, any information relating to the affairs of a customer or financial institution without the express written consent of the customer or financial institution or in contravention of this section shall commit an offense”. Soit une amende allant jusqu’à un million de roupies et une peine de prison allant jusqu’à trois ans. Dans une opinion publiée dans l’express en date du 1er août 2018, Philippe Forget, Chairman de La Sentinelle, et par ailleurs ancien banquier, relevait que «dans le débat continuel entre le secret bancaire et les révélations de malversations en tous genres ‘in the public interest’, il semble bien que, pour le moment, la discrétion bancaire absolue ait gagné ! Enfin, presque, puisqu’il reste toujours la Cour suprême (...) Il y a, dans les faits, un argument fort pour protéger le secret bancaire. Celui qui édicte que s’il y a des fuites d’information, cela finit par entacher la réputation du système bancaire lui-même et la confiance des clients qui va avec. De l’autre côté, un argument encore plus pertinent dit que seuls les clients de banque qui ont quelque chose d’important à se reprocher ou à cacher doivent craindre les fuites d’information. La notion de ‘public interest’ est capitale (...)». Le point que faisait l’express, en ce 1er août 2018, c’est qu’avec l’amendement de la Banking Act, les journaux ne pourront plus informer le public des situations telles que le PlatimumGate qui a mis en exergue les relations incestueuses entre l’ONG d’Alvaro Sobrinho et la présidence…

«Is the statement of a bank account an évidence of stolen money ?» Sur un autre plan, comme nous le fait remarquer, une voix autorisée de la Banque centrale, “when the Platinum card scandal blew up, we all saw that the amendment of the Banking Act was designed to make banking secrecy far more stringent (...) The BOM is the guardian of the BOM Act and the Banking Act. It is bound by law to initiate action if any of the aspects of the law is violated. In this case the BOM must initiate action against the MSM as the bank accounts appear on the website of the party.” Mais quand l’on sait que le gouverneur est un parent de Lakwizinn et que le First Deputy Governor vient de démissionner pour se porter candidat du MSM au n°13, pouvons-nous nous attendre à ce que la Banque centrale sanctionne le parti des Jugnauth ? Come on, guys !

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La version électronique de «Mazavaroo» tente de faire un amalgame douteux. Dans le chapo (ou texte de lancement) qui tente grossièrement de justifier la fuite des documents bancaires de la MCB, la publication de Michel Lee Shim avance ceci (NdlR, c’est nous qui soulignons) : «En tant que presse indépendante dans une démocratie, il est de notre devoir solennel d’informer et d’éclairer le public et nos lecteurs, en toute bonne foi, de publier ces informations gardées secrètes par l’ex-trésorier. NavinLeaks 2019, un document dont Mazavaroo est en présence, prétend que le leader du Parti travailliste a détourné environ au moins Rs13 millions des fonds de son parti. Cette fuite compilée dans un document, que nous produisons dans son intégralité, détaille, avec des copies des documents bancaires à l’appui, les tenants et aboutissants des combines de Navin Ramgoolam avec l’argent du Parti travailliste entre 2013 et 2014. Nous emboîtons le pas à notre confrère l’express, dans le cas semblable de l’ex-présidente de la République, dans l’affaire Sobrino, concernant la publication de ses comptes bancaires de la Barclays.»

Passons sur le terme «presse indépendante» que s’attribuent les mercenaires du bookmaker Lee Shim, et allons à l’essentiel : le cas Ramgoolam versus celui d’Ameenah Gurib-Fakim – puisqu’en effet les deux relèvent du secret bancaire et d’un besoin de transparence. L’affaire Platinum Card, que nous avons révélée à l’aube des 50 ans de notre indépendance (soit début mars 2018), avait une accroche directe sur l’actualité parce que cela concernait directement Sieur Alvaro Sobrinho, qui traînait une série de casseroles dans d’autres juridictions et dont la réputation de banquier n’était plus à faire que ce soit en Angola ou au Portugal. Cela faisait partie, du moins en ce qui nous concerne, d’un combat pour une moralisation de la vie publique, et ne relevait certainement pas d’une attaque dans le cadre d’une campagne électorale. L’on se demandait, à l’époque, si une présidente de la République qui réalise des transactions financières avec un individu à la réputation suspecte sur le plan international (lequel individu étant à la recherche de permis comme Investment Banker auprès de la Banque centrale et de la Financial Services Commission) ne se rendait pas complice de trafic d’influence, et si elle pouvait nous représenter au plus haut échelon de l’État ? Notons aussi qu’avant la publication desdits documents bancaires de Ramgoolam, en amont donc de l’amendement de Pravind Jugnauth, nous avions demandé, comme le stipule notre code d’éthique, à Ameenah Gurib-Fakim de réagir. On avait attendu, en vain, que la présidente se manifeste. Mais au lieu de nous répondre, elle avait choisi de semer le doute : «Vos documents sont-ils authentiques ?» Par la suite, sur un ton menaçant, sur les ondes d’une radio privée, elle nous avait lancé un ultimatum de 24 heures pour venir prouver l’authenticité des documents bancaires en question. La suite on la connaît...

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Il est grand temps qu’on arrête de tourner autour du pot : en l’absence d’une loi sur le financement politique, malgré les tentatives de régulation de Business Mauritius et de Cédric de Spéville, tous les doutes et excès sont permis. Alors qui finance qui ? Hormis les révélations dans le cadre du démantèlement du groupe BAI, pourquoi la plupart des groupes du secteur privé préfèrent, comme nos leaders politiques, opérer dans l’opacité. Mais à qui profite cette opacité ? Et pour cette présente campagne électorale : à quelle hauteur les gros groupes du privé financent les Jugnauth, Ramgoolam et Bérenger...