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Un langage de vérité
L’échéance du 7 novembre passée, chacun cherchera à analyser les résultats électoraux et deviendra «wise after the event». La victoire de l’Alliance Morisien de Pravind Jugnauth, qui a engrangé 38 sièges avec seulement 37 % des suffrages exprimés, vient cependant confirmer un système électoral inique, favorisant le «First Past The Post». Car son adversaire direct, l’Alliance Nationale de Navin Ramgoolam, même avec un pourcentage légèrement inférieur des suffrages exprimés, soit 33,5 %, ne recueille que 14 sièges.
Les observateurs politiques ont sans doute eu raison d’insister, le soir de la proclamation des résultats, que même si la victoire est éclatante pour Pravind Jugnauth, ce dernier ne peut occulter le fait que seulement un tiers des électeurs a cautionné son alliance politique alors que deux tiers, soit la majorité, n’ont pas adhéré à son programme politique. Une posture qui devrait lui imposer de la retenue et de la modestie dans ses gestes et son langage.
Qu’à cela ne tienne, l’Alliance Morisien, plus spécifiquement le MSM, a eu un mandat clair et net pour gouverner durant les cinq prochaines années. Une victoire qui aura permis à Jugnauth fils de réussir au moins trois choses : légitimer son pouvoir politique et accessoirement son leadership, positionner le MSM comme un parti véritablement national et séduire un électorat qui lui a fait confiance pour les cinq prochaines années et peut-être même au-delà.
À y voir plus clair, le succès de l’Alliance Morisien est une victoire personnelle de Pravind Jugnauth et du MSM transformée pour l’occasion en une machine de guerre, aidée en cela par la propagande de la MBC et celle d’une demi-douzaine de titres de presse et de radios privées qui se sont livrés à une bataille médiatique sur le terrain de la politique. Car entendonsnous bien : le ML d’Ivan Collendavelloo, la plateforme militante de Steven Obeegadoo ou encore la poire d’Alan Ganoo sont des groupements naissants dont le poids électoral est quasiment nul. S’ils ont fait élire des membres, c’est essentiellement grâce au rayonnement personnel de ces derniers.
En revanche, personne ne contestera que la déroute du PTr et de l’Alliance Nationale est beaucoup plus attribuée à un rejet de Navin Ramgoolam que sa bourde lors des dernières minutes de la campagne visà- vis la communauté hindoue. Celle-ci, se concentrant majoritairement dans la Hindu Belt allant de la circonscription N°5 (Pamplemousses–Triolet) au N°14 (Savanne –Rivière-Noire), a opté majoritairement pour la continuité avec le MSM, incarné par son jeune leader. Navin Ramgoolam paie ainsi lourdement le prix des casseroles qu’il traîne encore, même si la justice l’a blanchi dans 11 cas sur 12.
La seconde défaite de Navin Ramgoolam, au N°10 après celle au N°5 en 2014, marque certes la fin de l’ère ramgoolamienne au sein du PTr. Le leader de ce parti doit savoir partir avant que la pression populaire ne l’y invite. Si son parti souhaite reconquérir le pouvoir, il doit mettre une croix sur Navin Ramgoolam et trouver un leader qui puisse préparer la prise du pouvoir en 2024. Aujourd’hui, plus qu’un «asset», celui-ci est malheureusement devenu une «liability».
Paul Bérenger doit parallèlement s’inquiéter de l’effritement de son électorat. Alors que chacun croyait en une renaissance du MMM après 50 ans d’existence, tel n’a pas été le cas, le verdict des urnes du 7 novembre renvoyant à la réalité d’un parti ayant atteint sa limite de 20 à 22 % des suffrages en moyenne à l’échelle nationale. Et confirme qu’il est un parti foncièrement urbain avec des assises qu’il n’a pu consolider. Sa piètre performance dans les villes, où il a dû céder deux sièges dans la circonscription N° 1 à Port-Louis, doit être une source d’inquiétude pour la direction engagée actuellement dans son autocritique. La posture d’aller seul aux élections avec Paul Bérenger désigné comme Premier ministre n’a visiblement pas marché.
Tout compte fait, le pays a eu la majorité qu’il a souhaitée. La nouvelle équipe gouvernementale, qui sera déjà au travail à partir d’aujourd’hui, a d’importants défis à relever. Les attentes populaires sont grandes et Pravind Jugnauth n’a pas le droit de les ignorer, surtout qu’il a fait monter les enchères jusqu’au dernier jour de la campagne concernant ses promesses électorales.
Le langage démagogique, voire électoraliste, confronte aujourd’hui la réalité des chiffres. Les opérateurs économiques s’attendent à un «feelgood factor» avec la nomination d’un ministre des Finances à plein temps après plus de trois ans pendant lesquels Pravind Jugnauth était quasiment absent. Il revient à Renganaden Padayachy de les rassurer en définissant rapidement ses priorités pour faire repartir la machinerie économique.
Une croissance anémique de moins de 4 %, une dette publique aux proportions alarmantes, un déficit budgétaire appelé à filer avec les nombreuses mesures sociales ou encore les effets économiques d’une nouvelle récession à l’horizon sont autant d’urgences économiques dressées sur la route du nouveau locataire du Trésor public.
Il n’est plus temps pour Renganaden Padayachy d’aller chercher des squelettes dans le placard, il lui faut plutôt se livrer à un exercice transparent sur l’état actuel de l’économie. Et parler un langage de vérité. Il n’aura pas droit à l’erreur…
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