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Noël avant l’heure
Après une trêve, nécessaire pour dépassionner les échanges, les discours et leaders politiques refont surface. Un Navin Ramgoolam léchant ses blessures à Caroline, au numéro 10, un Bérenger plus résilient que jamais à Roches- Brunes, au numéro 19. Un Pravind Jugnauth omniprésent devant toutes les caméras possibles. Chacun entend retrouver ses marques et remercier ceux qui ont voté pour eux. Ramgoolam et Bérenger doivent surtout démontrer qu’ils ne sont pas (ou plus) à terre, qu’ils ont encore la gnaque pour s’ériger comme un contre-pouvoir, voire une alternative crédible au gouvernement du jour, et qu’ils ne comptent pas, malgré tout, prendre leur retraite, qui vient d’être doublée en ce mois de décembre.
Si Pravind Jugnauth, après sa visite privée en Inde, n’a pas tardé à redescendre dans l’arène, en revanche, l’opposition nous semble être plus divisée que jamais entre Ramgoolam, Bérenger, le leader officiel Arvin Boolell et l’ancien titulaire, Xavier-Luc Duval. Une question d’ego va empêcher toute synergie de l’opposition. Pourtant, avant le délai des 21 jours prévu sous la loi, les partis de l’opposition avaient su mettre leurs différends de côté pour drafter collectivement les pétitions électorales. C’était dans le sillage des résultats et le coup était encore chaud, et le goût de la défaite encore bien amer. Aujourd’hui, les bonus déjà versés, le Mauricien lambda a d’autres préoccupations alors que 2019 tire à sa fin.
Chez nous, la rentrée politique se fera le 24 janvier avec le discours-programme du président de la République qui intervient deux mois et demi après les élections. Ailleurs même modèle westminstérien mais autre culture politique. Le discours de la reine Elizabeth II sur le programme gouvernemental de Boris Johnson – discours rédigé au 10, Downing Street – a eu lieu ce jeudi 19 décembre, soit seulement une semaine après le scrutin du 12 décembre. Pourtant, la longue liste de législations post-Brexit, regroupées sous le Withdrawal Agreement Bill, est autrement plus complexe que les problèmes mauriciens. Mais là-bas, le PM a clairement fait comprendre qu’il n’était pas question de fêter Noël avant de présenter le programme aux Britanniques. Surtout qu’il compte inaugurer «un nouvel âge d’or» pour son pays.
Quant à Maurice, le défi du gouvernement est de redonner confiance dans les institutions comme la police, la MBC, l’ICAC, mais aussi et surtout aux investisseurs qui ont suivi avec inquiétude les dérapages de la campagne électorale et les couacs du scrutin lui-même. Les regards sont braqués sur le nouveau ministre des Finances qui aura à passer de la théorie à la pratique de l’économie réelle. Sur le plan économique, alors que le tourisme est en décroissance, il s’agit de freiner le glissement de la roupie. Une dévaluation trop élevée de la roupie pourrait générer une crise économique et sociale assez grave si on n’inverse pas la donne. Les nouveaux salaires et conditions de travail ont mis une pression sur les entreprises, dont plusieurs ont déjà un problème de cash-flow.
Renganaden Padayachy aura donc des choix difficiles à faire, dont, peut-être, l’imposition de la taxe sur les dividendes. Les élections et les dépenses, manifestement sous-évaluées par tout le monde indistinctement, sont derrière nous et l’économie, inexorablement, va reprendre le dessus sur la politique et les intérêts des bailleurs de fonds. Ceux au pouvoir vont bientôt ressentir les effets de leur politique de reconquête… et auront à payer le prix de la démagogie. Le père Noël est passé. Mais il risque de disparaître bien vite… à moins que sa magie existe bel et bien et qu’il nous entraîne sur son chariot dans ce monde irréel, où tout est cadeau, y compris les journaux et le Metro Express qui carburerait à l’eau de pluie, énergie propre, qui ferait rêver Greta Thunberg…
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