Publicité
Une planète qui va mal
Il n’est pas étonnant, de nos jours, de constater à quel point il est difficile de faire un procès aux anxieux et aux pessimistes de cette terre : ces derniers ont accès à tellement de rapports, de statistiques et de faits pour étayer leur humeur noire que ceux qui souhaiteraient plutôt continuer à voir la vie en rose ont dû se résoudre à ne plus se contenter de béate cécité.
Par exemple, ceux qui sont accusés de corruption, comme Netanyahu, ou de manquement grave à leurs devoirs, comme Trump dans le scénario ukrainien, ne se sentent plus obligés de se défendre sur les faits. Il suffit de crier au complot, à la partisannerie, de répéter «chasse aux sorcières» à satiété, de saupoudrer libéralement le tout de «canular de mauvais goût» ou même de «coup d’État constitutionnel». Pour bonne mesure, les sources d’informations crédibles, comme le New York Times*, le Fox News de Chris Wallace plutôt que celui de Hannity, ou la BBC sont taxés de «fake news» ou d’«ennemis du peuple» et la moindre information contraire aux intérêts établis est immédiatement vouée aux gémonies. Par exemple celles de l’inspecteur général Horowitz du département de la justice de Bill Barr lui-même ! Tout est désormais politisé à outrance. Plus personne, ni Comey, ni Mueller, ni Barr, ni les juges à la Cour suprême ne sont désormais perçus comme étant passibles de jugements libres et indépendants. Car les «manipulateurs de l’intox» sont passés par là et ont tout pourris au point où l’on se demande comment les États-Unis, désormais coupés en deux, vont se réconcilier, si jamais, avec leurs idéaux premiers ! En attendant l’appel téléphonique à Zelensky reste «parfait» et les républicains le pensent à 100 %, comme les démocrates croient exactement le contraire. À 100 % aussi. Les faits étant pourtant les mêmes…
Aux antipodes des USA, aux Philippines pour être exact, se terminait, plus de dix ans après, le procès de la famille Ampatuan, dynastie politique musulmane se croyant ointe de tous les droits et qui, un beau jour de novembre 2009, décidait de mettre son challenger au poste de gouverneur au pas. Méthode choisie dans l’hilarité générale d’un conseil de famille ? De les tuer «tous» ! En l’occurrence les membres du clan Ampatuan organisent un kidnapping de ceux qui allaient enregistrer la candidature de Esmael Mangadadatu et les tuent tous, dont l’épouse du candidat, les enterrant en vrac utilisant une pelleteuse. Le procès traîne depuis des années, des témoins disparaissent ou sont exécutés, mais malgré les affirmations bruyantes des hommes de loi des Ampatuan, le jugement rendu condamne enfin des membres du clan familial à la perpétuité et 28 coaccusés (dont plusieurs policiers) à 40 ans de prison sans rémission. Qu’un tel incident ait pu être imaginé, puis se perpétrer, donne froid dans le dos. 38 des 57 victimes étaient des journalistes. Pour tout couronner : un témoin-clé de la poursuite a été mitraillé quelques jours après le verdict ! Deux morts de plus. Le triomphe de la justice ?
Comment décrire une humanité qui peut à la fois afficher 2,1 milliards d’humains en surpoids (dont 31% d’obèses) alors que 462 millions (soit 355 fois la population de notre île) sont sous-alimentés ? Par quel bout, de quel argument arriverait-on à réconcilier une médecine qui arrive à enlever une tumeur au cerveau en utilisant un robot d’une infinie délicatesse, mais qui n’arrive pas à éliminer le typhus, la tuberculose ou la «cécité des rivières» ? Comment commence-t-on à qualifier une espèce humaine dont 1 % de ses membres possèdent 50 % de la richesse du monde et dont 10 % contrôlent 85 % de celle-ci ? Y a-t-il moyen de rabibocher le fait que 71 % des Américains ont moins que 55 ans, alors que l’âge de leur dirigeant probable en 2020, Biden ou Trump, sera respectivement 78 et 74 ans au moment des élections et 82 et 78 ans à la fin de leur mandat ? Et il y a pourtant pire avec Mahathir Mohamad, Premier ministre de Malaisie qui a 94 ans, alors que l’âge médian de sa population est de seulement 28,6 ans… Philosophons.
Notre planète qui accumule tous les jours les signes d’une sévère perturbation de son climat – comme dûment alimentée par notre trop grande dépendance sur les hydrocarbures polluants – héberge une île-continent comme l’Australie qui, ironie du sort, vient involontairement d’accélérer sa production de charbon (qu’elle protège et favorise si fortement) dans le sillage de… 3 millions d’hectares de forêts brûlées ! Les États-Unis de Trump s’étant déclaré climato-sceptiques aussi – malgré les feux de forêts en Californie et la fréquence et l’intensité en augmentation pour les cyclones en Atlantique –, décide de larguer le principe de la précaution et de renverser les avancées concrétisées sous Obama comme les normes automobiles plus exigeantes, les contraintes imposées aux producteurs d’énergie et même les standards qui s’appliquent aux luminaires. Ça promet, non ?
La France vient de passer une loi anti-gaspillage dans la nuit du 19 au 20 décembre pour s’opposer fortement au «tout jetable», notamment plastique. Le hic, cependant, c’est que les emballages à usage unique ne seront discontinués qu’en 2040 et que, sous la pression des recycleurs et des producteurs de plastique, l’ambition de mettre une consigne sur les logements en plastique a été reportée à 2023, auquel moment, la consigne sera reconsidérée si les taux de recyclages n’ont pas alors progressé des 60 % actuels aux 77 % espérés. En attendant, restons résolument optimistes…
Sur la planète terre, le pays ayant le 2e arsenal nucléaire le plus puissant au monde, la Russie, vient d’être interdit de compétition sportive pour quatre ans pour avoir tout bonnement triché à nouveau sur les résultats de ses contrôles antidopage. La défense attendue de «complot politique» à part ; si l’on peut tricher à ce point sur le dopage sportif, quoi espérer sur des questions encore plus importantes comme le respect des traités sur les armes de destruction massive ? Dans la Chine de Xi Jinping, qui traîne des affaires de lait de nourrisson contaminé à la mélamine ou qui se débat avec la qualité de son environnement pollué, on voudrait apparemment réécrire la Bible et le Coran pour qu’ils soient «mieux adaptés» aux valeurs fondamentales du socialisme chinois et à la ligne du parti ! Après la «rééducation» des Ouighours, pourquoi pas ? Si c’est, à ce point, vital de consolider les chances de survie du parti et de ses dirigeants… On mettra un masque ! À côté, en Inde, dans un pays qui est fier d’avoir tout juste construit près de 100 millions de latrines en cinq ans pour combattre la défécation en plein air, le Citizenship Amendment Bill promet la citoyenneté aux réfugiés venant du Pakistan, de l’Afghanistan et du Bangladesh pourvu qu’ils ne soient ni musulmans, ni juifs, ni athées. Drôle d’égalité constitutionnelle et tant pis pour les prétentions de Modi, au Parlement, de «brotherhood and compassion». Moins de latrines à creuser, tout de même ! Aux États-Unis, nous en sommes à d’immenses cadeaux fiscaux aux plus riches, bonassement approuvés par les partisans de Trump moins riches et des dépenses militaires grandement accélérées pour répondre à la «négligence» d’Obama. Résultat ? Les 649 milliards de dollars dépensés annuellement sont maintenant plus élevés que les dépenses militaires combinées de la Chine, de la Russie, de l’Arabie saoudite, de l’Inde, de la France, des Britanniques et de l’Allemagne (609 milliards). Ce n’est pas beau, ça ?
Comment voir la vie en rose dans ces circonstances passablement angoissantes?
En regardant la MBC TV avec appétit peut-être ? Cette MBC qui a le don, sans équivalent évident, de présenter une image outrageusement positive du paradis où l’on vit, n’est-ce pas ?
*Lire, pour édification, la récente lettre de Trump à Pelosi, comme «fact-checked» par le NYT !
Publicité
Les plus récents