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Les reins bioniques des trafiquants de drogue

11 janvier 2020, 08:15

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Personne ne conteste la volonté inébranlable de notre Premier ministre, Pravind Kumar Jugnauth, de se montrer «intraitable» envers les trafiquants de drogue et de leur «casser les reins», selon sa formule archi-répétée.

En effet, depuis fin 2014, on assiste à un nombre impressionnant d’arrestations de personnes, des Mauriciens comme des étrangers, qui introduisent de la drogue sous diverses formes dans le pays ou qui se livrent au trafic des stupéfiants.

Depuis 2015, on a aussi constaté l’introduction dans les moeurs mauriciennes de la drogue synthétique, fabriquée ici et ailleurs. À compter de 1983, une nouvelle forme de drogue, le Brown Sugar, vint détrôner le traditionnel gandia introduit par des immigrants indiens au XIXe siècle. On a donc assisté à une innovation technologique dans le domaine des drogues depuis 2015.

Autre révolution dans les moeurs mauriciennes : avec la drogue synthétique, ils sont de plus en plus jeunes ceux qui en sont accros. D’après certaines indications, on compte même des écoliers du cycle primaire parmi ceux qui connaissent l’enfer de la drogue.

Évidemment, la drogue n’est pas distribuée gratuitement. Il y a un prix à payer pour s’en procurer. Dépourvus de moyens financiers, des jeunes s’attaquent à leurs proches pour se procurer l’argent de la drogue. Ils volent leur propre maison, vendant pour des sommes modiques, téléviseur et autres objets. Cela entraîne une dislocation de la cellule familiale. Les parents vivent dans l’angoisse la plus totale. Sans compter les démarches entreprises pour maintenir les enfants en vie en dépensant énormément pour des frais médicaux.

Conscient du mal qui ronge la société mauricienne en raison de la consommation de la drogue dure et des produits synthétiques, notre Premier ministre fait agir vigoureusement les institutions du pays. Régulièrement des gens sont arrêtés. À l’aéroport, plusieurs étrangers tentant d’introduire de la drogue dans le pays sont interceptés.

Malgré la détermination de fer du Premier ministre, il se passe des événements bien étranges dans le domaine de la drogue. Le symbole même de toutes les incohérences est le personnage de Geeanchand Dewdanee. Cet homme recevait un traitement de VIP à l’Hôtel du gouvernement comme au Parlement. Par exemple, il était même invité au Parlement lors des événements majeurs dont la lecture du discours-programme ou la présentation du Budget. Il a souvent voyagé en même temps que le Premier ministre lorsque ce dernier se rendait en Inde.

On dit que Dewdanee s’était aussi spécialisé dans l’art de faire des cadeaux de fruits de mer les plus recherchés à des VVIP. Le jour de l’acquittement de Pravind Jugnauth dans l’affaire MedPoint, Dewdanee arborait un sourire deux fois plus large que celui du Premier ministre. D’après certaines indications, ce Dewdanee s’apprêtait même à se faire nommer représentant à Maurice d’une très grosse firme indienne qui brasse un chiffre d’affaires de centaines de milliards de roupies et qui traite de façon roule-rouler avec Maurice.

Or, un beau jour, en mars 2017, ce même Dewdanee est arrêté suivant une saisie record de 135 kg d’héroïne dans le port. La drogue avait été dissimulée dans des cylindres en métal placés dans un conteneur. Les enquêteurs ont découvert la signature de Dewdanee sur les documents d’importation de cette cargaison. Détenu pendant plusieurs mois, Dewdanee bénéficie actuellement d’une liberté conditionnelle. Il se peut que Dewdanee soit blanc comme neige et qu’il ait été victime d’une machination.

Dewdanee alive and kicking mais pas dans le cas du policier Arvind Hurreechurn. Ce dernier avait été arrêté en 2016 à l’aéroport avec 2 kg d’héroïne alors qu’il rentrait de Madagascar. Le policier avait révélé le nom de quelques membres du réseau de trafiquants pour lequel il travaillait. Il avait fait savoir qu’il allait dénoncer d’autres trafiquants. Privé de liberté, le jeune constable se retrouva au centre de détention spécial de Moka qui est équipé de caméras de surveillance. Trois jours plus tard, le constable Hurreechurn a été retrouvé pendu sous un lavabo. Aussi étrange que cela puisse paraître, les caméras de surveillance étaient tombées en panne. Les parents du policier, des seniors, furent ébranlés face à la perte de leur enfant.

Tout ce qu’on sait après la pendaison sous lavabo du constable, c’est que les caïds de la drogue sont des gens extrêmement puissants. Dotés de reins bioniques, ils échappent à la farouche volonté de notre Premier ministre de les mettre hors d’état de nuire.

Que dire des reins de ce caïd tentant le coup de la tractopelle ? En effet, la plus grosse cargaison de drogue de tous les temps est venue à Maurice au début de juillet 2019 dans une tractopelle importée du Brésil. Il s’agit de 95 kg de cocaïne valant Rs 1,4 milliard. L’importateur/trice très bien informé(e) des rouages administratifs savait sans doute qu’une cérémonie grandiose allait être organisée pour marquer l’arrivée à Maurice du premier tram de Metro Express le 4 juillet 2019. Et la tractopelle a voyagé dans le même navire que le premier tram. Évidemment puisque tous les douaniers et tous les officiels du port avaient le regard braqué sur les VIP et le tram, la tractopelle a quitté le port le plus tranquillement du monde. Il a fallu une simple vérification du véhicule par un mécanicien – peut-être pas prévu dans le «plan» – pour que l’affaire soit mise au jour.

Et tous ces étrangers qui viennent à Maurice avec de la drogue ? Ils ont sûrement obtenu des assurances de la part des caïds locaux qu’il n’existerait qu’un infime risque d’être arrêtés. Et que même si interpellés, ce serait toujours du tourisme dans Paradise Island. De toute façon, avec des centaines de milliers de visiteurs étrangers foulant le sol mauricien, la loi de la probabilité d’être pris dans le sac joue en faveur de l’étranger chargé d’un colis spécial.

Il ne faut surtout pas désarmer face au fléau de la drogue. Comme dans l’art de gagner des élections, notre Premier ministre finira par trouver la bonne formule pour se montrer intraitable et casser les reins, bioniques ou pas, de la mafia de la drogue. Les patriotes et les mamans et les papas d’enfants à risque ne peuvent que le soutenir dans ce difficile combat.