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Les Ti-Dimoune (TD) dont le taximan

15 février 2020, 07:30

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Un détenteur d’une patente de taxi, Bhooneswar Rajkumarsing, comme Chairman de l’Independent Broadcasting Authority (IBA). Un artiste, Eric Triton, comme adviser dans le domaine de l’énergie qui va de la combustion du charbon à l’exploitation de la fission nucléaire pour produire de l’électricité. Qu’y a-t-il de mal dans ces nominations ?

Évidemment, pour reprendre un terme cher à notre Premier ministre Pravind Kumar Jugnauth, les incontournables ‘intellectuels’ et les snobs tiennent des propos moqueurs dans leur cercle fermé quant à l’ascension des Ti-Dimoune comme Rajkumarsing et Triton. Mais faut-il nécessairement être bardé de diplômes récoltés dans des universités occidentales pour mériter le titre de compétent ?

Avant Rajkumarsing et Triton, on s’est aussi beaucoup amusé aux dépens du sympathique PPS Ismaël Rawoo pour la façon dont il s’est exprimé en anglais et en français lors de son maiden speech au Parlement. On a vite sorti les histoires autour du thème ‘anglais ze conne, francais ze debrouille’ pour dénigrer ce dentiste de formation. Ce professionnel n’a probablement pas été formé dans les grandes facultés médicales de Californie et n’a pas rencontré Nancy Pelosi avant de connaître Pravind Jugnauth mais il n’est pas juste de condamner quelqu’un uniquement parce qu’il n’arrive pas à parler comme des journalistes de la BBC ou de TF1.

D’ailleurs même une éducation occidentale n’offre pas nécessairement une protection contre les attaques des snobs. Ravi Rutnah est un avocat formé en Grande-Bretagne mais en raison de son anglais savoureux, on l’a traité de tous les noms quand il parlait au Parlement. Et on décrit maintenant l’arracheur-de-dents Rawoo de digne successeur de Rutnah. En fait, il y a une explication très scientifique à l’accent particulier de Rawoo et de Rutnah. En raison de l’ambiance de créolité nettement dominante dans laquelle nous vivons, il faudrait apprécier le fait que l’avocat Rutnah, tout comme son successeur dentiste, martèle son auditoire avec des zis et des zat fort musicaux. Ils reflètent la grandeur de la langue créole. L’atout majeur du créole – et cela explique son succès incontestable – c’est que cette langue élimine toutes les acrobaties et contorsions buccales liées à la prononciation des mots en français et en anglais. Ainsi chaleur devient saler, sucre, disik. Le terme anglais this est transformé en zis, that en zat. Pour vivre aussi profondément en symbiose avec le peuple, il fallait au contraire les féliciter pour leur profonde insertion dans l’âme même de Maurice.

On s’est aussi attaqué à la PPS Tania Diolle pour avoir fait allusion à Rihanna. Pourtant, elle a aussi cité Voltaire… en anglais. Fallait-il qu’elle mentionne Noam Chomsky, John Hawthorne, Jan-Luc Nancy, Charles Taylor ou encore Thomas Piketty pour se donner des airs de grande intellectuelle ? Des méchants sont allés aussi loin dans son cas que de demander comment quelqu’une d’aussi n’importe ait pu se faire embaucher comme lecturer à l’université de Maurice. Évidemment, Tania Diolle ne tardera pas à clouer le bec à ses détracteurs en révélant dans quelles circonstances elle a été embauchée à l’université, comment elle était la plus qualifiée de tous les autres et que sa nomination ne fit pas partie d’un package deal politique orchestré par un parrain qui l’a prise sous ses ailes protectrices.

Comme Tania Diolle et les autres Rajkumarsing et Triton, comment faire progresser les modestes citoyens du pays ? Le concept de Ti-Dimoune est à la base même de l’action politique du MSM depuis 1983. Avant Tania Diolle, les frères Maunthrooa – dont un fabricant de lamoresse qui avait un dépôt de Rs 100 millions rien que dans une banque, Vasssoo Seetaram, un ancien chauffeur du Marketing Board devenu puissant homme d’affaires qui brasse des centaines de millions ou encore Geanchand Dewdanee sont des exemples vivants de la réussite de cette politique de promotion de Ti Dimoune.

Pour revenir au cas de Tania Diolle, il est plus que probable qu’elle ait été injustement prise à partie pour avoir choisi les matricules TD 18 pour sa voiture de fonction. On a parlé de folie de grandeur, de vedettariat ou d’autres dérives de pouvoir encore. Or il se peut bien que si le 18 représente la circonscription de BelleRose–Quatre-Bornes, le TD, dans l’optique de Tania Diolle, ne symbolise que la politique de Ti-Dimoune (TD).