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Dans la cour des nantis poussent des antis

22 février 2020, 07:14

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Devenons-nous, de plus en plus, une nation de jaloux ou d’antis (à défaut d’être tous des nantis) ? Untel, candidat battu, rejeté par l’électorat, repêché par le Best Loser System, devient ministre : nous sommes viscéralement contre et crions au viol de la démocratie. Un autre untel, battu à plate couture dans sa circonscription, recyclé non pas par le système mais par son nouveau parti, à un poste de Chairperson d’un organisme parapublic, nous protestons, alors que l’heureux élu (pas par les urnes) accepte sans broncher le salaire que nous lui payons, et pense qu’il est récompensé à juste titre, pour services rendus aux Jugnauth et au pays (et aussi un peu à soi-même, quand même...)

Cette fin de semaine a été marquée par la nomination d’Harvesh Seegolam, qui quitte le chantier en désordre de la FSC pour la tour dorée de la BoM. Et voilà que les critiques fusent. À 37 ans, il serait trop jeune pour devenir gouverneur de la Banque centrale. À les écouter, il aurait dû avoir l’âge d’un Dev Manraj…Ou encore, on fait valoir qu’il n’a aucune expérience bancaire. C’est vrai, mais le jeune Harvesh est bardé de diplômes : sur son profil LinkedIn, il affiche sobrement deux degrees en parallèle, un BSc. (Hons) Economics de la London School of Economics and Political Science et un BSc. Economics de l’University College London – les deux ayant été menés concomitamment entre 2001-2004 ! – avant d’enchaîner dans une «grande école de commerce» en France.

Dans le concert gratuit des anti, si ce n’est pas l’inexpérience bancaire de Seegolam qu’on critique, on montre du doigt ses deux adjoints : «Seegolam is not stupid but he has zero banking experience and none of his deputies can support him as they lack technical skills. Kona is a lawyer (and will be in control of foreign exchange reserves) and Gopal did corporate services which were mostly HR.» Comme quoi, rien n’est suffisamment bon. Pourtant il faut que l’on soit réaliste : notre pays ne peut pas se payer un Mark Carney ou un Stanley Fischer, encore moins un Mervyn King. Et Seegolam, bardé de ses diplômes, finira par acquérir de l’expérience avec le temps, comme certains patrons du secteur privé, n’est-ce pas ?

Maintenant que d’aucuns ont bien déversé leur bile, peut-être serait-il plus judicieux d’essayer une analyse plus sobre et moins impulsive, me conseilleraient tous ces rédacteurs en chef que nous recensons sur le Web ? Le virage économique de ce gouvernement II du tandem Pravind Jugnauth-Renganaden Padayachy se doit d’être différent du tandem SAJ-Vishnu Lutchmeenaraidoo qui nous avait vendu une croissance de 8 % pour 2020. Souhaitons qu’une réforme s’annonce avec le remplacement de Googoolye par Seegolam ! Mais autant pour la politique monétaire, qu’en est-il de la politique fiscale? Jusqu’à quand restera-t-elle entre les mains de Manraj, le Bhinod Bacha des Finances ?

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Presque tous les pays du monde illustrent la nécessité et le plus souvent l’effet salutaire du changement adaptif. La globalisation n’y est pas pour grand-chose: elle n’a fait qu’agrandir jusqu’à des limites extrêmes un phénomène dont le principe, l’adaptation, est de l’essence même de l’humanité. On sait que la mentalité sucrière a longtemps défendu les intérêts acquis des gros sucriers, mais n’oublions pas ce qu’a été un besoin sine qua non de garantir quotas et prix d’un produit qui par lui-même n’était plus compétitif. Le deuxième aspect du cancer qui étiole l’économie mauricienne demeure cet impératif électoral ; la protection des dits petits planteurs dont la définition fiscale élastique montre bien que l’intérêt est davantage électoral qu’industriel.

Dans une mouvance populiste, l’échec est écrit en toutes lettres sur notre devenir. L’utilisation de la bagasse est en elle-même une notion utile mais restreinte, on sait déjà qu’il n’y en aura jamais assez. Et c’est à ce moment précis qu’il nous faut faire preuve d’idées, d’audace et de motivation nouvelles et fraîches, au lieu de trouver la petite bête dans toutes les nominations des proches et des battus…souvent des «pauvres» qui veulent tant travailler pour nous, sans qu’on les recrute…