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Comment Lakwizinn consolide ses assises

22 février 2020, 07:20

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«Pravind fait fausse route.» «C’est une erreur d’appréciation de la part du gouvernement.» «Un clou encore dans le cercueil du gouvernement.»

Les commentaires sur les médias sociaux et les grandes analyses des politologues, sociologues, même des ‘océano-politologues’ (sans oublier les ‘…ologues’ de l’inimitable et foudroyant bloggeur Paul Lismore) sont nombreux à chaque fois que le gouvernement MSM-ML procède à la nomination d’un proche à des fonctions de haute responsabilité. À commencer par le Président et le vice-Président, ensuite un nombre de candidats MSM-ML et autres battus aux élections et d’autres activistes de premier plan, dont un taximan subitement devenu expert en médias et audiovisuel.

Mais que dirait-on si, loin de commettre des gaffes, Pravind Jugnauth est en train de sciemment consolider sa base politique pour se maintenir au pouvoir et gagner d’autres élections encore ? Si pour certains, ces exercices de nomination portent atteinte au principe de la méritocratie et de la transparence, chaque placement représente pour le MSM un investissement certain appelé à rapporter d’intéressants dividendes politiques, électoraux, mais aussi et surtout financiers, tout en permettant au MSM d’asseoir son contrôle sur toutes les institutions du pays.

Au fait, la stratégie politique de Lakwizinn, du clan Jugnauth et du MSM s’articule autour de quatre postulats dégagés après les élections de 2014 :

1. Pour accéder au pouvoir et le conserver, il n’est pas nécessaire de brasser trop large mais de s’assurer du soutien d’une section ciblée de la population.

2. Utiliser intelligemment le système de First Past the Post pour donner tout son poids à la clientèle électorale.

3. Contrôler toutes les institutions du pays à travers des nominations stratégiques.

4. Créer systématiquement l’impression que le gouvernement ‘travaille’. Le mot ‘travail’ est utilisé ad nauseam comme un mantra.

Le premier postulat – nu dimunn, notre électorat, notre ‘montagne’ avait-on dit avec un brin de poésie – a été développé par le MSM depuis 1983. Depuis, on a cherché à mobiliser une section de l’électorat et exclure d’accès au gâteau d’autres composantes de la population. Cela s’est radicalisé après les élections de 1987. Suivant les élections de 2019, on n’a qu’à analyser la démarche derrière les nominations pour voir comment on est déterminé avant tout à rassurer nu bann. La composition du dernier board de la Public Service Commission en constitue une preuve irréfutable.

La mobilisation de nu bann s’accompagne bien sûr d’un ciblage des ennemis. En 2014 et encore en 2019 aussi, la famille Jugnauth a réussi à présenter Navin Ramgoolam comme un danger pour les intérêts de cet électorat. Cet argument ne tiendra pas la route toutefois si le leader rouge et les autres réussissent à prouver que les élections ont été truquées.

Ce qui nous conduit au deuxième postulat, le MSM exploitant le système électoral à son avantage. Pour preuve, il a suffi de 37 % des votes pour remporter presque trois quarts des sièges. Voilà l’effet de chauffer à blanc un hardcore de nu-bann même si minoritaire. Mais si les pétitions électorales prouvent que le MSM n’a remporté que bien moins que les 37 % des voix proclamées après un recours allégué à des bulletins clonés, à des urnes bourrées ailleurs et aux manipulations des computer rooms, alors le clan Jugnauth serait réduit à ses justes proportions. Sinon, il est tout à fait possible de capturer le pouvoir avec 37 % et cela de façon très confortable.

Le troisième postulat, le contrôle total des institutions, représente un phénomène unique depuis 2014. Dans les gouvernements précédents, on pouvait toujours déceler un élément de favoritisme et de népotisme mais depuis 2015 c’est le comble, à commencer par la nomination de Naila Hanoomanjee qu’on avait fait venir de Londres et qui ne savait même pas quel cadeau on lui avait offert. Ce contrôle est absolument nécessaire pour mettre le pouvoir à l’abri de toute contestation institutionnelle, générer d’énormes ressources financières pour Lakwizinn et le Sun Trust et assurer le servicing de nu-bann.

Le dernier postulat est mieux illustré par la mise en service du tramway. C’est la manifestation la plus spectaculaire du slogan sa gouvernman-la li travay sa. Que le métro soit déficitaire de plusieurs milliards, cela ne compte pas, ce qui compte c’est que Pravind Jugnauth ‘travaille’ et voilà le ‘bijou’ qu’il nous lègue. D’ailleurs on conçoit une multitude d’activités dans lesquelles le Premier ministre est engagé matin et soir, à Maurice comme à l’étranger.

L’électorat visé par le MSM serait invité à faire le choix entre ceux qui sont plus aptes à défendre ses intérêts et ceux qui en représentent une menace. C’est toujours un choix bien simple. Lakwizinn s’estimant inoxydable car les scandales, les histoires, les cas de népotisme, la fraude, la corruption, tout cela ne représenterait que le dernier des soucis de ces votants. L’essentiel, c’est de savoir qui sera le boss à l’Hôtel du gouvernement, au bâtiment du Trésor. Que Sherry Singh, nageant dans une piscine, porte un speedo, des bermudas ou une lamoresse confectionnée par le frère de Prakash Maunthrooah, cela ne représente que le dernier des soucis de cet électorat. Ce qui compte, c’est le pouvoir.