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Entre le ‘Dire’ et le ‘Faire’

26 février 2020, 09:58

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Ceux qui parlent des insuffisances de notre secteur offshore, depuis rebaptisé «Global Business sector», ont largement été étiquetés «antipatriotiques». On peut comprendre l’embarras des autorités ministérielles ou régulatrices à chaque fois que quelqu’un indique que quelque chose va mal dans l’offshore, comme on peut aussi faire un argument contre l’autoflagellation de notre secteur offshore – comme, par exemple, lors de la publication des «Mauritius Leaks» de l’ICIJ relayant une accusation plutôt pitoyable que Maurice «volait» les recettes fiscales des pays africains avec lesquels nous avions des DTA (Lire, par exemple, «Gouvernance, Onshore, Offshore», l’express du dimanche 4 août 2019). Mais le patriotisme pourrait-il vraiment consister à se taire ?

Que faire alors quand Maurice se retrouve sur la liste «grise» de la FATF*, ce qui est du sérieux ! La preuve que c’est sérieux ? Ces mêmes autorités ne parlent pas du tout de liste «grise» et tentent de se donner une contenance, allant jusqu’à indiquer une bonne note pour le pays. Comment est-ce possible quand on se retrouve dans le même sac que le Myanmar, le Zimbabwe, l’Albanie, la Syrie… ?

À regarder de plus près, Maurice a certainement fait du progrès, notamment dans le sillage de l’évaluation d’ESAAMLG de juillet 2018 et, en particulier, nous sommes effectivement devenus techniquement «compliant». En d’autres mots, nous avons les lois, les directives, les institutions, les comités, les officiers, c.-à-d. la partie où l’on peut cocher les cases. C’est dans la mise en pratique que nous avons failli dans nos tâches. Il y a, comme on semble nous le dire, une différence entre le ‘dire’ et le ‘faire’ ; entre ‘le paraître’ et ‘l’être’.

Ce n’est pas un mal nouveau dans ce pays ! Nous sommes la 18e démocratie la plus réussie au monde en 2019, selon le «box ticking» de l’Economist Intelligence Unit. Mais mieux que la France (20e), les États-Unis (25e), la Belgique (33e), vraiment ? Ne voit-on pas la disparition de l’indépendance des institutions ? Les nominations politiques à l’ESC ? Le népotisme ? Le Prosecution Commission Bill ? L’absence du Freedom Information Act ? Nous sommes aussi 13e dans l’exercice similaire de «Ease of doing business», ce qui est très bien, mais qui n’explique pas, dans la pratique au quotidien, pourquoi un permis anodin reste difficile dans certains cas à obtenir et une équivalence légitime de diplôme demandée au National Equivalence Council est refusée parce qu’on ne peut pas perdre la face, s’étant «trompé» au départ !

J’ai peu de doutes que dans ce sac unique de juridictions «grises», nous sommes meilleurs que beaucoup d’autres. N’empêche qu’il nous faut maintenant concrètement démontrer (1) la volonté de nos cadres régulateurs d’exécuter de la supervision basée sur l’analyse des risques, (2) que des sanctions financières sont prises suivant des enquêtes probantes, (3) que les «autorités compétentes» peuvent avoir accès à des informations correctes et en temps opportun, (4) que les agences chargées d’action judiciaire ont la capacité d’enquêter dans les cas de blanchiment, même les plus complexes. Le sous-entendu de ces «requêtes» du FATF (il faudra aussi élaborer un processus pour superviser les «ONG» potentiellement liés au terrorisme !) est que nous n’avons pas convaincu sur ces items et que nous possédons bien la façade derrière laquelle nous ne sommes pas très actifs, préférant le «dire» au «faire»…

Je me trompe ?

Or, si Trinidad et Tobago a pu quitter la liste «grise» lors de la session de février 2020, qu’est-ce qui nous retient ? La dernière phrase de la déclaration du ministre Seeruttun au Parlement ce lundi parle de «…embarking on a recruitment process to ensure that all our institutions are fully manned to undertake their AML/CFT obligations».

Un peu plus de méritocratie dans le recrutement aidera peut-être éventuellement ?

*FATF : Financial Action Task Force