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Paroles de confinés
Ça y est, nous sommes confinés! Pour préserver notre propre santé ! Certains d’entre nous se retrouvent en quarantaine, loin du confort de leur maison et de leurs chiens, d’autres sont en transit prolongé dans des aéroports à l’étranger, loin des leurs, sans le sou et sans mobile data. Le petit virus nous a mis en congé forcé, a détruit notre train-train quotidien, et nous a ramenés à la dure réalité : nous sommes des êtres vulnérables et mortels.
Ces mesures d’exception, cette perte de liberté physique, cette diminution de contacts sociaux, qui chamboulent notre quotidien, sont néanmoins indispensables vu la propagation rapide du Covid-19, dont le remède n’existe pas encore, et dont les soins nécessitent des systèmes de santé bien équipés, bien rodés, et performants – ce qui n’existe pas vraiment à Maurice, du moins par rapport au nombre de contaminés potentiels. C’est peut-être ce qui explique tous ces masques et médicaments inadaptés qu’on s’arrache dans les pharmacies, en pensant que cela nous protégera...
«Rayons de supermarché vides, absence remarquée de véhicules sur nos routes, hormis ceux des services essentiels. On ne sort presque plus de chez nous, on communique par portables uniquement. On travaille de chez nous (pour ceux qui le peuvent), sans nos masques (...) les enfants suivent des cours sur Skype – c’est une révolution à bien des égards – mais ne peuvent plus jouer ensemble. Les travaux de construction sont suspendus. Les hôtels, dévidés, sont devenus des centres de quarantaine pour Mauriciens aisés qui veulent échapper aux piteux centres gérés par le gouvernement...» Le scénario catastrophe qu’on anticipait, dans ces mêmes colonnes le 29 février dernier, fait désormais partie intégrante de nos vies. Le confinement national, c’est du jamais-vu dans notre histoire commune. C’est bien plus drastique que le couvre-feu instauré par les Britanniques durant les émeutes préélectorales, qui ont précédé la naissance de Maurice indépendante.
Cette situation sans précédent entraînera, forcément, dans son sillage des changements d’habitude. Pas d’école, travail, mariage, rassemblements culturels, sportifs, religieux. Beaucoup auront à repenser leur gestion du temps, afin de conserver un semblant de rythme quotidien dynamique.
À l’express, nous poussons pour une Whole-of-society Approach, soit un engagement citoyen de tout un chacun afin de réfléchir ensemble sur les challenges liés au coronavirus et aux voies et moyens pour sortir de cette impasse sanitaire et de cette crise économique.
L’heure n’est pas vraiment indiquée pour savoir si constitutionnellement Pravind Jugnauth a le droit de nous priver de notre liberté de mouvement, sans passer par le Parlement. Le confinement de par le monde est la meilleure façon de contenir l’épidémie galopante. En revanche, le Premier ministre aurait pu permettre aux étudiants mauriciens de regagner le sol natal – au lieu de dormir comme Tom Hanks dans The Terminal – d’autant que le ministre Nando Bodha avait invité les étudiants à rentrer. Aujourd’hui, ils sont «stranded» malgré eux et estiment que le ministère des Affaires étrangères les laissent tomber, alors qu’ils sont à des milliers de kilomètres de leurs parents.
Autre cafouillage contraire à l’esprit de Whole-of-society que nous prônons. Le ministre Kailesh Jagutpal qui, sur la MBC, affiche sa fierté de pouvoir dire qu’il n’y a zéro cas du Covid-19 à Maurice, pour ensuite ravaler son propos et venir s’asseoir la mine défaite au côté du PM qui annonce les trois premiers cas sur le sol mauricien. Entre-temps, le Dr Gujadhur avait soufflé dans les oreilles de Pravind Jugnauth au lieu de celles de Jagutpal, aujourd’hui démonétisé à bien des égards (outre le désaveu, l’état des centres de quarantaine, l’ouverture en catastrophe d’autres centres d’isolement, incapacité d’accueillir tous les étudiants mauriciens qui rentrent, manque de ‘ventilators’, de masques adaptés, etc.)
***
Face aux discours, qui se veulent rassurants, le fait demeure qu’aucun pays ne devrait dire – surtout avec autant de certitude – qu’il n’existe pas de cas chez lui. Ce serait une erreur mortelle que de laisser promener le virus et de faire des économies sur les tests disponibles (pourtant un don de l’OMS). Au contraire, il nous faut dès à présent nous préparer au pire, en restant constamment branché à l’ensemble des données objectives, afin que notre riposte soit à la hauteur, en dépit des faiblesses notées dans notre dispositif sanitaire d’épidémiologie, d’alerte, d’investigation et d’intervention.
On sait qu’il est impossible de comptabiliser le nombre exact de personnes qui ont été infectées par le Covid-19; cela ne peut qu’être, hélas, largement supérieur aux 12 cas confirmés hier. Car dans environ 80% des cas, l’infection reste bénigne. Mais le coronavirus est pernicieux. Il vient prouver que ce n’est pas parce qu’un virus a un indice de reproduction faible et une létalité faible qu’il est inoffensif. Surtout dans un pays, comme le nôtre, qui n’a ni la discipline, encore moins les moyens, des Chinois – qui semblent prendre leur revanche sur ceux qui leur montraient du doigt, il y a quelques mois...
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