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Clapotis
La roue tourne. Mais les cycles sont immuables. Depuis que le monde est monde, on naît d’une mère. Elle nous voit grandir, nous nourrit, nous torche, nous soutient, nous apprend les bonnes manières, nous sèche les larmes, rayonne quand elle est fière ou heureuse. Et puis, elle part et le cycle qui a d’ailleurs déjà commencé, dans son sillage la perpétue, lui fait écho. Comme un clapotis au bord de la plage qui, en permanence, depuis la nuit des temps, frissonne de qui nous avons été et donc de ce que nous sommes.
Les cycles sont immuables. Fussent-ils biologiques ou historiques, ou même économiques. Ça n’en a pas l’air, comme ça, mais tout l’édifice que nous avons construit et dont nous avons bénéficié dans l’après-guerre, pour ma génération, a des antécédents. Tout s’est construit sur des socles imaginés et confectionnés par d’autres qui sont depuis partis, nous laissant seulement le clapotis. Rien n’est permanent, tout peut et doit passer.
L’histoire de l’homme est parsemée de mortalités et de catastrophes de toutes sortes. La chute de l’empire romain, les invasions mongoles ou arabes, la colonisation, la folie hitlérienne ont tous dû paraître de nature terminale. Et pourtant, le monde continuait à avancer après ! Souvent transformé ! Ainsi, la Grande Dépression (1929-33) menait-elle au New Deal de Roosevelt, le désastre de 1939-45 engendrait-elle le plan Marshall et domestiquait l’Axe du Mal, la fin de l’empire britannique libérait-elle des centaines de millions de nouveaux citoyens du monde libre, alors que la Grande Récession (2007-09) menait à Dodd-Frank et à des milliers de règlements bancaires qui nous confortent et nous encombrentà la fois…
Qui aurait cru, cependant, qu’en 2020, ces humains fiers de leur accomplissement, devenus un peu prétentieux, se seraient mis au combat d’un virus invisible avec rien de plus sophistiqué que des mains bien savonnées et deux mètres de distanciation sociale !
La crise du Covid-19 n’a pas encore atteint son apogée, mais on sait déjà que malgré les affirmations initiales de Trump (“We have only 15 cases and it will be gone by the summer”)!, ce sera une pandémie véritable, aux conséquences graves, qui tuera beaucoup et dont les effets vont perdurer. La casse économique sera colossale. Les gouvernements de par le monde, y compris le nôtre, réalisent bien que sans leur intervention, les dégâts seront très matériels et parfois irréversibles. Tous les gouvernements ne sont pas dotés des mêmes moyens, malheureusement. Au Royaume-Uni, par exemple, tout employé mis en congé sans paie reçoit 80 % de son salaire du gouvernement avec un maximum de 2 500 STG (Rs 120 000). À Maurice, ce sera 50 % du dernier salaire de base jusqu’au plafond de Rs 25 000. Les méchantes âmes vous diront : devinez qui est l’ancienne colonie et qui possède Diego ! Les moins méchants vous demanderont : qui avait prôné l’austérité, moins dépensé et avait donc quelques réserves en conséquence ?
Le coronavirus va aligner plus que des morts cliniques. Il va bouleverser la grille économique mondiale et notre pays va aussi souffrir et enterrer bien des cadavres économiques. En résultera un monde différent, plus sage, plus rationnel, moins vulnérable. Espérons-le!
Et nous voilà, un moment consternés, prenant conscience du clapotis qui poursuit son murmure sur les rivages de nos petites vies.
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