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Covid-19: Ça aurait pu être (mieux) pire !

12 avril 2020, 08:19

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Toujours la question du verre à moitié plein et du verre à moitié vide.

Toute ma vie j’ai été ce que l’on pourrait appeler un grognon optimiste. Le grognon est extrêmement important dans une société qui se veut progressiste. Surtout s’il pense et grogne à propos du bien commun, pas de son désir ou de son besoin personnel. Sans grognon, il n’y a qu’un point de vue unique, intouchable, invariable. Quand le parti ou l’empereur ou la royauté a la haute main et que le leader n’est jamais contesté, que les opinions dissidentes sont pourchassées et systématiquement éteintes et que les dissonants sont «ré-éduqués», on produit un modèle certes puissant, du moins temporairement, mais insoutenable dans la finalité. En Chine, par exemple, on peut ordonner à tout un peuple de faire un tel bousin dans les champs que les moineaux ne peuvent plus se poser et meurent d’épuisement, sauvant ainsi la récolte céréalière. Certains pensent que l’on y manipule les faits si cela convient. Comme Trump d’ailleurs, sauf que lui fait face à de véritables contre-pouvoirs ! Les chances sont qu’un pouvoir centralisé, sans contre-poids, a plus de possibilités de cacher plutôt que d’admettre ses fautes, ce qui empêche de changer de direction pour s’adapter au monde qui évolue sans cesse. En démocratie libérale, ça paraît plus brouillon pour sûr, surtout face aux critiques, aux opinions contraires, aux thèses franchement différentes qui paraissent parfois tout aussi cohérentes ! Et ce joyeux «désordre» s’inscrit même avant les fake news et les grandes théories de conspiration ne reposant que sur des «Je crois que…» aussi vides de faits qu’ils ne sont exsangues de réalisme. Mais en fin de compte, il y a bien plus de chance que cette cogitation commune, mène par itération, à des évolutions utiles et adaptées.

La fin de l’histoire n’a jamais vraiment eu lieu en fin de compte, M. Fukuyama, mais c’est clair que le monde communiste est devenu plus capitaliste que le contraire… Sanders et Corbyn en attestent ?

En même temps, il faut aussi être un optimiste et surtout agir à l’hypothèse que le progrès est possible et, crucialement, qu’il dépend aussi de ce que chacun d’entre nous s’engage. Dans tout ce qui ajoute de la valeur autour de soi. La critique est bénéfique, mais sans engagement parallèle dans un devenir meilleur, on s’étiole, ou l’on s’aigrit et l’on risque de mourir de sinistrose.

Il me semble donc salutaire d’être un grognon optimiste. Pour le demeurer, il faut s’engager pour préserver ce qui reste de notre démocratie libérale.

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Le couvre feu jusqu’au 4 mai. Nous aurons alors été en lockdown pendant six semaines ! L’on ne semble pas avoir beaucoup expliqué le raisonnement derrière cette décision mais l’on peut soupçonner que les avis scientifiques auront été dans cette direction, avec un nombre de nouveaux cas qui ne s’essouffle pas encore assez fortement, malgré le premier mois de confinement. De plus, avant d’aller au Conseil des ministres, en fin du moins par vidéo conférence, ils ont peut-être croisé les modélisations d’autres pays qui suggèrent (voir graphique ci-dessus) qu’un seul lockdown de 49 jours est peut-être la façon la plus efficiente de s’assurer que le Covid-19 ne relève pas la tête ? Ce- pendant, comme ce virus est relativement nouveau et que toutes ses caractéristiques les plus intimes ne sont pas encore établies, il faut insister sur le fait que ces modélisations ne peuvent que «suggérer» des courbes évolutives.

De plus, crucialement, elles dépendent du fait que les citoyens suivent effectivement les consignes, se lavent bien les mains, portent des masques, respectent la distanciation sociale de deux mètres ET restent chez eux, sauf urgence. Or, nous voyons tous qu’au bout de 30 jours, les marchands de rue tentent l’aventure de vendre, sans aucun protocole sécuritaire; que les gens sortent pour «aller faire un tour»; que pas assez de personnes se soumettent à la distanciation de deux mètres; que trop de gens rentrent chez eux avec des chaussures potentiellement infectées, plutôt que de les laisser dehors… en quarantaine. La discipline citoyenne va être encore plus nécessaire jusqu’au 4 mai. Il n’y a qu’à voir le cas singapourien, ou coréen, ou néo-Zélandais, pour réaliser que la discipline civique est une bien précieuse commodité ! Le pire serait que les premiers signes que l’on maîtrise le rayonnement du coronavirus ne mènent à relâcher de vigilance et alors d’inviter le virus à un deuxième tour de piste au son de la «valse macabre»…

Un autre facteur qui a peut-être pesé dans la balance : la peur ! En effet entre jeudi et vendredi, le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, le directeur des services de santé, le Dr Vasantrao Gujadhur, et tout le National Communication Committee se mettait en auto-quarantaine de peur d’avoir été contaminé; le virus ayant été détecté dans leur entourage immédiat. Mettez vous à la place des ministres ! Vous auriez eu tendance à lever ou même à réduire le confinement dans ce contexte ? Peu de chance n’est-ce pas ? À la place vous voulez être testé et vous gardez le portail fermé. Espérons seulement, équité oblige, que tous les citoyens du pays ont eu la chance d’être testés dans les circonstances équivalentes !

Ce qui nous mène au mot final pour aujourd’hui.

Si on «communique» quotidiennement, pourquoi est-ce que le sentiment est que ce n’est pas assez le cas ? Mais tout simplement parce que la communication doit être un exercice total, compréhensif et transparent, sinon tout ce qui n’est pas dit engendre des doutes et la méfiance s’installe alors sur tout. Or, dans une situation d’urgence sanitaire, comme celle du Covid-19, la confiance en ce que dit et fait un gouvernement démocratique à prétention libérale est capitale pour susciter adhésion et discipline !

Or, jusqu’à maintenant si on sait qu’à vendredi on avait détecté 318 cas, on ne sait pas combien de tests avaient été effectués pour l’établir, ni combien de kits de quels types nous avons en stock, ni s’il y a des commandes sur l’eau, ni s’il y a eu des situations où l’on aurait dû avoir testé, mais où ça ne s’est pas passé pour économiser les kits et pourquoi les kits ne peuvent être diffusés dans les cliniques.

Or, jusqu’aujourd’hui, il n’y a pas eu de chiffre ferme et définitif sur le nombre d’appareils type «ventilateurs» en état de marche dans le pays. 12 ? 120 ? 1 200 ? Y a-t-il des commandes ? Attend-on des dons de Chine ? Si oui, comment s’assurer que la qualité y est ?

Or, jusqu’à hier, personne ne pouvait expliquer pour- quoi il était possible de tenir un Conseil des ministres par vidéo conférence (Zoom ? Blue jeans ?) alors que la même interactivité était refusée aux journalistes du pays lors des conférences quotidiennes du National Communication Committee

Or, jusqu’à vendredi, on croyait tous que le PNB 2019 était a 3,6 %. Et puis, vlan, il est a 3,0 % (pourcentage caché discrètement au bas du tableau de la page 14) et l’on préfère parler de GVA plutôt que d’expliquer !

Or, nous ne savons toujours pas si la rumeur dont nous parlions le 22 mars dernier (la fermeture de Plaisance pour accommoder certains, pas d’autres) est une rumeur criminelle à dénoncer ou pas. Résultat ? On colporte toujours la «nouvelle», elle s’enracine et ne facilite aucunement l’établissement de la confiance.