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L’endettement ou la glissade et puis…?

29 avril 2020, 07:00

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Le dernier numéro de «The Economist» fait, avec prudence et circonspection, le tour de ce qui pend au bout du nez de la moitié la plus riche de la planète, dans l’après-Covid-19, c.-à-d. dans le sillage des ‘lockdowns’ divers. Le FMI prévoit ainsi que la dette gouvernementale va progresser par 6 trillions de dollars cette année, pour atteindre un total de 66 trillions, soit 122 % du PNB – ce qui est plus élevé que dans n’importe quelle année de la dernière crise financière globale de 2008-09 et rappelle les niveaux d’endettement de 1945, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Au même moment où les gouvernements font des millions de chèques aux citoyens et aux firmes pour pallier l’arrêt de leurs activités, les revenus fiscaux s’étiolent. Chez nous, il reste bien la TVA, puisque la population s’approvisionne encore, mais le taux de consommation baisse forcément, la population surveillant ses dépenses et, là où c’est possible, thésaurisant un peu… on ne sait jamais ! Les Rs 4 imposées au litre d’essence n’iront pas aussi loin que d’habitude, car les voitures roupillent plutôt au garage !

Il est argué que quand le gouvernement emprunte dans sa monnaie locale, c’est l’équivalent d’un pays qui se doit de l’argent à lui-même et que ce qui compte alors, c’est moins le niveau d’endettement lui-même que le coût de remboursement de cette dette au budget national. Sans doute. Nous en serions, à ce titre, à Rs 45 milliards en 2020/21 et Rs 31 milliards en 2021/22. Mais ce qui certain, c’est que nous ne pouvons, comme l’Union européenne ou les États-Unis, la Chine ou même le Japon, qui possèdent des monnaies internationalement convertibles à divers degrés, nous contenter de financer les déficits qui était déjà lourds et qui vont s’aggraver, en émettant seulement des bons du Trésor, que la Banque centrale va acheter avec diligence. En effet, et c’est là que l’on retrouve la situation particulièrement fragile du pays, car nous ne pouvons acheter ce dont nous avons besoin de l’étranger, avec des roupies. Car personne n’en veut ! Car personne n’en a besoin ! Or, les secteurs d’exportation qui ramenaient déjà des devises de plus en plus difficilement, seront encore plus incapables de couvrir nos besoins de devises dans les mois, peut-être même les années à venir.

! Nous avons heureusement été vertueux au cours de ces dernières années à nous assurer, au ministère des Finances, que l’endettement du pays soit de plus en plus en roupies et qu’il soit prolongé sur une période de remboursement de plus en plus longue. Ça va définitivement aider !

Cependant, les derniers chiffres disponibles indiquent un trou annuel de la balance commerciale de Rs 125 milliards, soit 20 % du PIB ! Et ça, c’était au temps où le PIB était de presque 500 milliards, ce qui ne sera bientôt plus le cas ! Il est vrai que le prix du pétrole va nous être favorable, mais quid du reste et notamment des denrées alimentaires alors que l’agriculture est contrainte, sinon en panne, un peu partout au monde, réduisant probablement l’offre plus fortement que la demande ? Ce trou, on le compensait partiellement avec ce que l’on décrit comme les «invisibles», menés en cela par les recettes brutes de Rs 63 milliards du tourisme. Or, la balance des comptes courants s’était déjà graduellement détériorée pour atteindre le chiffre négatif astronomique de 5,7 % du PIB, soit Rs 28,5 milliards en 2019 ; bien avant l’avènement de sa seigneurie le Covid-19 ! Faites le calcul des comptes courants vous-même !

Le troisième niveau auquel l’on établit la balance des comptes extérieurs d’un pays, après la balance commerciale et la balance des comptes courants, c’est la balance des paiements, qui ramène dans l’équation, pour faire simple, le mouvement des capitaux. Après une alerte déficitaire aux deux derniers trimestres de décembre 2018, elle semble être à nouveau positive, mais l’utilisation des Rs 18 milliards ponctionnés de la BoM en décembre 2019 n’étant pas connue en détail jusqu’ici, il n’est pas possible de conclure sur 2019. Ce qui est sûr, c’est que nous sommes plutôt sérieusement dépendant des capitaux de l’offshore et que si ceux-ci, notamment les sommes qui sont ‘les leurs’ dans les réserves de devises du pays, s’expatrient, ça pourrait devenir grave. C’est pourquoi les fonds de réserve que l’on pourrait constituer avec des lignes de crédit du FMI sont importants ! À noter que notre police d’assurance principale contre l’expatriation de certains fonds offshore est, heureusement, que c’est partout pareil, en même temps !

«Be thankful for small mercies !»

Dans les mois qui viennent, les mesures de soutien du gouvernement vont devoir fortement creuser le déficit budgétaire. C’est inévitable. Outre d’affiner les Wage Assistance Schemes, comme indiqué rationnellement par l’ex-ministre des Finances Rama Sithanen, qui comprend, par ailleurs, comme nous, que c’était toujours difficile d’agir dans l’urgence. Ce qui m’inquiète particulièrement, c’est qu’après l’épisode Covid-19, les «rois du monde» seront tous nus !

Et qu’est-ce qui se passe alors devant une prochaine catastrophe ? Un Covid-20, mettons ? Une nouvelle crise financière ? Une guerre ? Nos réponses au cours de ces prochaines semaines seront cruciales. C’est pourquoi nous avons intérêt à puiser plus large que du seul sérail orange.

C’est… capital!

Point final. Dans quelque temps, si ce n’est déjà le cas, constatant les dégâts, on se posera enfin la question incorrecte politiquement que personne ne voulait, au début, poser : est-ce que ça valait la peine, ou aurions-nous dû avoir choisi les vivants ?

Ce qui est, par ailleurs, certain, c’est que la commodité la plus nécessaire pour réussir notre redécollage économique ne sera ni le pétrole, ni la roupie, mais la confiance ! Surtout par opposition à la peur. Car il y aura de quoi avoir peur.