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Aiiiooo mama ! Encore ?
Il y a, comme ça, des périodes où vous lisez l’actualité et que vous n’avez vraiment pas envie de parler de ce qui va mal et de critiquer. Le temps est beau, il y a de la bonne eau dans le robinet, les papillons – mauves, jaunes et blancs – butinent avec élégance sur les fleurs de saison, le serin du pays semble avoir donné rendez-vous à ses copains pour un concert. Qui dure Qui dure. Sauf pour les intermèdes. Et c’est alors le retour à la triste réalité où l’on est, par force, repris par les événements.
Le confinement, au lieu d’être levé le 4 mai dernier, après 6 semaines fermes de contraintes et au moins 8 jours sans nouveaux cas de coronavirus va traîner encore un mois entier ! Ça va évidemment coûter plus cher au pays et nous aurons quoi, en prime, au bout du compte ? 30 jours de plus sans nouveaux cas ? Ou, au contraire, quelques cas isolés qui prouveront que le virus est là, tapi dans l’ombre, véhiculé par les ‘asymptomatiques’ ? L’école est renvoyée au 1er août ! Comme beaucoup, je touche un salaire (sagement et vigoureusement diminué, il est vrai) sans beaucoup travailler, puisque confi(né) chez moi. La tondeuse qu’il faut réparer attendra un autre jour pour sa résurrection et en attendant les herbes folles auront partie gagnée…
Mais ce n’est pas tellement à cela que je faisais référence dans le titre, mais à une série d’incidents, d’événements ou de faits qui, malgré les claques du coronavirus, resurgissent, comme autant de réincarnations maléfiques, déjà vécus, déjà consommés et pourtant réédités à notre consternation à tous, alors que certains parmi nous, de bonne foi, croyaient que le monde allait, au moins un peu, changer !
Ainsi, il n’a pas fallu longtemps à un Parlement qui ne siège pas depuis des semaines (mais dont les parlementaires ne sont nullement ‘mis à contribution’ par leur employeur à eux, au-delà des 10 % destinés au Fonds de Solidarité national – ce qui d’évidence relevait plus de leur devoir, que de leur coeur ?.) pour reprendre ses habitudes. «I order you OUT !» était hurlé une fois de plus pour deux mots (‘mal élevé’) a priori plutôt anodins et ce fut suivit d’un…Walk Out général ! Le nouveau speaker n’en sort avec aucune gloire, ni aucun profit. Masqué ou pas. Le citoyen faisant partie des 63 %, lui, doit-il se réconcilier au fait que l’opposition qu’il s’est constitué aux dernières élections (d’ailleurs contestées) ne fonctionnera pas en sa faveur et en faveur de la transparence de sa démocratie, à chaque fois qu’un des siens se fera éjecter du Parlement ? Réalise-t-on donc, qu’il suffit que le speaker, plutôt sympathisant des comportements dit majoritaires, manie le «I order you OUT» avec dextérité, pour que le parlement ne soit transformé, à tout moment, en poulailler monocorde ? Vraiment ?
Et puis, il y avait Air Mauritius ! Encore que dans son cas, ce serait plutôt une chance, ou au moins une occasion, sur fond du prétexte du coronavirus, pour essayer de remonter la pente ou plutôt de reprendre son envol. Car, entendons-nous, Air Mauritius a déjà été dans la dèche et a déjà été repêché par le contribuable. Plusieurs fois. Cette fois, malgré de nombreux rapports demandant de fortes réformes (McKinsey, CAPA, PWC et autres, ça doit coûter la peau des fesses !), on était déjà mal embarqué. Le bilan au 31 mars 2019 donnait froid au dos : fonds propres réduits par 43 %, à 47 millions d’euros, faisant face à des engagements pour fonds de pension des employés de… 60 millions d’euros et des dettes de 225 millions d’euros ! En cette annee financiere, MK perdait 29 millions d’euros mais se sentait quand même l’obligation de dépenser 15,9 millions d’euros en investissements divers et d’«encourager» les employés avec 9,6 millions d’euros d’augmentations diverses. Les syndicats étaient ainsi bien, bien satisfaits. MK ne jouait pas de chance avec le prix du jet fioule cependant, affichant même, au bout du compte, un ‘gross loss’, ce qui n’est jamais bon signe, pour dire le moins…
Neuf mois plus tard, le temps d’une gestation, à l’intérim de décembre 2019, la compagnie perdait encore 14,6 millions d’euros et au bilan, les fonds propres progressaient marginalement, grâce à une transaction avec AML, cependant que les dettes passaient à, tenez-vous bien, 913 millions d’euros, les dettes à long terme passant de 12 millions d’euros à 652 millions d’euros en 9 mois ! Sans doute y incluait-on maintenant tous les Airbus neufs, dont les 2 airbus A350-900 loués à une SAA… encore plus en difficulté qu’elle-même ?
Une seule question fraîche : pourquoi donc avoir acheté des avions dont on n’avait pas besoin, puisqu’ils furent loués ? Quand on y rapporte le ‘risk factor’, étaitce un bon ‘business case’ ou est-ce que ces avions ont été tout simplement achetés en dépit du bon sens ? Mais pourquoi donc et QUI sont les décisionnaires en cette occasion ?
Et puis, il y avait la SBM ! Pas pour la première fois, cette banque bien installée dans le gotha bancaire local et dont la rentabilité de base et les fonds propres restent heureusement largement intacts, se fait plomber royalement. La direction a raison de souligner que la SBM n’est pas seule à s’être laissé prendre par NMC Healthcare et le ‘sweet talk’ de M. Shetty. Il est vrai aussi que l’activité bancaire, par définition, implique des risques et que ces risques se voient parfois concrétisés en mauvaises dettes, mais trois questions se posent quand même. D’abord et avant tout, comment est-il possible que tout le monde n’ait rien vu venir sur NMC : aucune banque, aucun régulateur, même pas l’auditeur, pourtant Ernst & Young, n’ont rien remarqué alors que l’on avait apparemment sous-évalué les endettements du groupe par au moins 2,7 milliards de dollars et prêté jusqu’à 335 millions à M. Shetty et à un autre directeur, dans le dos du Board ! M. Shetty, quant à lui, dit que ce sont des ‘top managers’ qui ont fraudé en faussant sa signature. On verra bien. Mais Il a fallu attendre que le ‘short-seller’ * bien nommé, Muddy Waters, questionne certains détails pour faire révéler la vérité ! Grâce à un ‘whistle blower’ interne ? Deuxièmement, ne doit-on pas se méfier, généralement, de compagnies dont le ‘goodwill’ (1,6 milliard de dollars) est plus important que les fonds propres (1,3 milliard) et même des immobilisations (870 millions) ? Troisièmement, si pour le moindre petit prêt, immobilier ou entrepreneurial local, sont exigées des garanties ‘solides’, selon quelle logique passe-t-on pour prêter des milliards sans ? L’acte illusoire des moutons de la Footsie 100 ?
Ça ne commence pas fort à la BoM d’ailleurs où de nouvelles nominations grassement payées font déjà jaser. Mais sur un autre clavier, l’express nous annonce le 5 mai, que le Gouverneur M. Harvesh Seegolam avait, le jeudi précédent, rencontré le chairman de la SBM Holdings, M. Sattar Hajee Abdoula ainsi que le CEO de la subsidiaire bancaire, M. PV Rao. Or, selon les règlements mêmes de la BoM, utilisés en cela comme bouclier par des membres de la direction de SBM Holdings, la holding n’a rien à faire avec les décisions de la banque. Que faisait donc le Chairman de SBM Holdings à cette réunion ? À moins que l’on admette, enfin, ce qui se défendrait d’ailleurs (comme a tenté de le faire Li Kwong Wing, précédemment), que le pôle bancaire est tellement important pour la holding, que celle-ci a le devoir de superviser, voire de surveiller le pôle bancaire ?
En parlant de quoi, l’île Maurice est désormais destinée à la liste noire de l’Union européenne pour son secteur offshore ! Après avoir rejoint la liste grise du FATF, en février, c’était plutôt prévisible. Car, comme expliqué alors (lire, par exemple, «Entre le «dire» et le «faire», 26 février 2020 dans l’express), nous avions fait des progrès bien réels dans tout ce qui demandait du simple ‘box ticking’ (les lois, les directives, les institutions, les comités, les officiers etc…), mais pas dans l’implémentation, ou ça restait mou, voire mièvre ! Et la preuve même que ça ne va pas mieux ? Deux mois et demi plus tard, on n’a toujours pas remplacé Seegolam à la tête de la FSC, l’organisation qui est pourtant supposée assurer l’intégrité et réguler l’offshore. On attend de recruter encore quelques «blue-eyed boys» peut-être ?
Ce qui est terrifiant dans le ci-dessus, c’est combien les mêmes vieilles rengaines, les mauvaises habitudes connues, les mêmes zombies ne nous lâchent pas, tenaces, parasitaires, opiniâtres.
On ne va donc jamais changer ? Aiiiooo, mama !
* un ‘short seller’ est quelqu’un qui, sur une bourse, parie qu’un titre va chuter. Quand ce titre s’écrase, il devient riche ! Sale et necessaire métier dans la logique capitaliste !
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