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Bon Budget pour qui ?

6 juin 2020, 08:27

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L’overdose des réactions postbudgétaires se poursuit. Chacun y va de son couplet. Chacun, en fait, tend à réagir selon ses intérêts, ou plus simplement, par rapport à sa poche. Pravind Jugnauth ne dira pas du tout la même chose que Navin Ramgoolam, c’est normal. Même Paul Bérenger et Xavier-Luc Duval, qui pensent tous deux que c’est un mauvais Budget, ou plutôt «un bon Budget pour l’opposition», tellement il fournit des munitions pour critiquer le gouvernement, ne vont pas s’appuyer sur les mêmes points, car ils ont des perspectives différentes sur l’économie, sujet aussi vaste que complexe, que nul ne peut expliciter en quelques phrases.

Dans ce concert abrutissant de commentaires, il faut ajouter les voix discordantes des syndicats (du privé versus du secteur public), des entrepreneurs, des cabinets spécialisés, dont plusieurs opérant dans le Global Business, ou des artistes, dont certains seront payés pour chanter de leur salon ou salle de bains.

À l’express, nous avons choisi, hier, de titrer sur Le mirage de l’équilibre budgétaire, car, à la base, selon nous, le premier Budget de ce gouvernement (qui est aussi le premier Budget postlockdown) repose d’abord et avant tout sur du Helicopter Money – ce terme que Rama Sithanen avait lancé en plein confinement et qui a été accueilli comme une bouée de sauvetage inespérée par ce gouvernement. Gouvernement qui était, rappelons-le, déjà sous perfusion à l’Intensive Care Unit avant le coronavirus. Dev Manraj et son équipe de techniciens ont sauté sur l’aubaine politique, tant il fallait coûte que coûte préserver les emplois face à la double crise sanitaire et économique. Sans rentrer dans les méandres de la ponction des Rs 60 milliards de la Banque centrale, posons tout simplement la question : présentez-vous un Budget équilibré si vous prenez un argent qui ne vous appartient pas à la base et que vous faites comme s’il n’y avait pas lieu de le rembourser ?

Questions supplémentaires. Sans les Rs 60 milliards tombées du ciel ou d’un hélicoptère, à combien se serait élevé le déficit budgétaire ? Le FMI va-t-il accepter qu’on classe une partie de ce butin sous l’item «revenue» ? Si le FMI n’a pas le droit d’obliger un État souverain comme Maurice de jouer à la flute enchantée avec ses réserves nationales, il pourrait émettre un avis défavorable, qui tomberait, disons, dans les oreilles de la FATF ou de l’Union européenne, à un moment où l’on essaie de sortir de cette terrible liste noire ?

Le Budget contient du bon et du moins bon, mais ce qui compte, puisqu’on est devant le fait accompli, c’est sa mise en œuvre, sa mise en chantier, ses entrepreneurs, et ses retombées. Investir autant dans la construction, au détriment du tourisme et du secteur manufacturier, n’aura-til pas des «unintended consequences» sur la balance de paiements déjà négative ? Privilégier les professionnels étrangers (qui peuvent venir habiter le pays avec leurs proches) et taxer des travailleurs mauriciens à 40 %, n’estce pas discriminatoire ? Ne va-t-on pas accélérer l’exode des Mauriciens ? Avec la charge supplémentaire sur les employeurs, par rapport à la Contribution sociale généralisée, ne va-t-on pas détruire les emplois et mettre les employés en péril ?

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Le Budget du tandem PadayachyJugnauth n’a pu empêcher l’élection significative de la candidate PMSD Véronique Leu-Govind à la tête du conseil de district de Rivière-Noire, hier, dans la circonscription d’Alan Ganoo. Le fait que les Bleus ont été soutenus par le MMM et le PTr et que l’argent du pouvoir et l’appareil d’État n’ont pu, cette fois-ci, faire pencher la balance, est un signe, s’il le fallait, que le Budget n’a pas mordu, comme attendu. Mais attendons voir… D’autres réactions vont surgir, vous verrez.