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Et l’économie ça va aller ?
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Et l’économie ça va aller ?
ON NE SAIT PAS À VRAI DIRE.
En fait, on semble en parler peu et encore moins depuis que le Wakashio a fait naufrage ! On se focalise peutêtre déjà sur un autre «argent tombé du ciel», c’est-à-dire les 40 milliards de l’assureur ? Ce serait évidemment vraiment dommage, car l’artificialité partielle de l’économie actuelle ne va pas durer. Le dernier Quarterly Economic Report de la Banque centrale date de septembre 2019. C’était il y a longtemps déjà. C’était le temps d’avant le coronavirus. On a eu droit, depuis, au premier Budget de M. Padayachy au début de juin et au déconfinement presque total le 1er juin dernier, sauf pour l’ouverture du ciel. Le St Louis Gate surgissait en juin aussi. Comme notre inclusion sur la liste noire de la CEE. Ça paraît lointain tout ça, ce mois de juin… pourri.
À l’évidence, des pans entiers de l’économie du pays sont passablement endoloris et en position plutôt foetale depuis : le cordon ombilical de la «normalité» n’est plus là, on est nu, on a froid, on est anxieux, on gueule même fort et on cherche constamment la tétine maternelle… Faute de nichon, c’est le MIChon.
Le secteur le plus meurtri et le plus en manque de lait maternel reste le tourisme. En effet, sans l’ouverture des frontières, point de touristes. Sans touristes, les 50 000 employés directs du secteur n’ont pas grand-chose à faire. Les groupes hôteliers saignent ferme. Ceux qui se retrouvent dans les secteurs connexes, para touristiques (plaisanciers, taxis, restaurants, magasins, activités diverses en zone touristique) souffrent aussi lourdement. N’oublions pas les approvisionnements; des légumes aux boissons gazeuses, du poisson frais aux pâtes.
Si le gouvernement hésite à ouvrir les frontières, on peut le comprendre puisqu’il y a un risque évident de réimporter la Covid-19. Cependant, il faut quand même être réaliste en fin de compte : le monde entier, soit 213 pays ont la Covid-19 chez eux et pour le peu que l’on puisse voir et sans aucune prétention d’être un «expert», ça va traîner ! On attend les vaccins partout au monde, mais il n’est pas du tout une certitude que le vaccin, une fois homologué et quelles qu’en soient ses caractéristiques particulières (1), implique la disparition totale et automatique de la Covid-19. Il est plus que probable, le virus ayant colonisé la planète entière, contrairement au SRAS, et une faible partie des vaccinés pouvant toujours être malades, alors même que 100 % de vaccination de la planète est irréaliste avant un sacré bout de temps, que la Covid-19 est là pour durer ! Tout comme pour l’influenza, par exemple. Pour l’immunité collective, il faudra attendre que 70 % de la planète soit infectée… Il faudra donc, pour longtemps encore, probablement apprendre à vivre avec…
La preuve se trouve sans doute avec la Nouvelle- Zélande (2), ce «bon élève» dont les frontières sont toujours fermées, qui imposait pourtant 14 jours de quarantaine stricte à ses visiteurs et ses ressortissants rapatriés et qui, plus de cent jours après son dernier cas de Covid-19 indigène, retournait en ‘lockdown’, du moins à Auckland, depuis la semaine dernière! Comme les nouveaux cas ne sont pas importés par des voyageurs, il est maintenant soupçonné que le virus a pu être importé avec de la marchandise. La chaîne du froid est sous la lorgnette. Ça vous suggère quoi ? Que l’on cesse les importations aussi ? On commence par quoi ?
Dans ces circonstances, il y a un juste équilibre à trouver entre solder une industrie qui représente près du quart du PIB (c’est ce qui va arriver, inévitablement, plus on tergiverse) et prendre quelques risques avec la réintroduction de la Covid-19. Ce qui est certain, c’est que si les paragraphes 87 à 93 du dernier discours du Budget résument bien l’intention du gouvernement, on aurait dû avoir déjà établi un protocole sanitaire pour assurer toutes les précautions de l’arrivée au départ (87) et déjà signé l’accord commercial prévu avec Liverpool FC pour la promotion de l’île à partir de septembre 2020 (88(c)). Le protocole est-il finalisé et la promotion commerciale débute quand ? Pourquoi, encore, comme pour le Wakashio, la valse-hésitation et l’indécision puisque tous les faits sont, ici, connus ? Il faut quand même à nouveau remarquer que la haute saison est derrière la porte, qu’aucune chambre ne peut se vendre sans date d’ouverture du ciel, que la MIC ne saurait intervenir sans que ce secteur ne soit en mesure de repayer l’aide qu’elle souhaite obtenir et que plus le temps passe, plus le secteur est fragilisé et donc susceptible de ne plus pouvoir rembourser ses dettes, qu’elles soient anciennes ou nouvelles. Plus ça dure, plus les conditions de la MIC devraient durcir ou s’adoucir ? A priori, ça laisse peu de choix rationnels : on ouvre le 1er septembre ou alors on met le secteur touristique au «deep freeze» jusqu’à ce que… quoi exactement ? Que l’on ait vacciné 90 % des Européens avec un vaccin qui n’est pas le «spoutnik» des Russes, ni l’hydroxychloroquine de Trump, ni le «dragon» des Chinois ?
Une question de M. Joypaul à la conférence de presse du DPM Obeegadoo sur le Wakashio, vendredi, donne un nouvel angle à la situation économique du pays. La question, limpide et sûrement de bonne foi, demandait : «Pendan commien de temps ou penser nou pou éna les moyens pou supporte ces deux incidents malheureux qui nou pays pé fer face». Il évoquait spécifiquement les séquelles de la Covid-19 et celles de la marée noire du Wakashio. Parmi les séquelles de la Covid-19, il y a, bien évidemment, les conséquences pour le tourisme. La réponse du ministre des Finances était assurée, flamboyante même :«Whatever it takes. Peu importe le temps. Le gouvernement pou la pou soutenir sa population-la. Nou conner li kapav durer assez longtemps».
Je soupçonne qu’il répondait surtout (peut-être seulement !) pour les séquelles du Wakashio…
En effet, être en soutien d’une centaine de milliers de familles et d’une industrie qui rapporte, en direct, 60 milliards de devises annuellement et qui fait presque le QUART du PIB, quand elle est au congélateur depuis mars : «Whatever it takes, peu importe le temps» me paraît totalement irréaliste et terriblement hasardeux pour le pays !
On peut d’ailleurs poser la question autrement. Toutes les projections financières sur lesquelles repose le Budget, y compris la forte chute de 13% du PIB cette année, dépendent très probablement d’une reprise graduelle du tourisme à partir du 1er septembre ?
Le pays et son économie peuvent-ils supporter et à quel coût encore quelques mois sans tourisme ?
(1) https://www.nytimes.com/interactive/2020/05/20/science/coronavirus-vaccine-development.html
(2) https://www.theaustralian.com.au/news/latest-news/coronavirus-how-did-covid19-resurface-in-new-zealand/news-story/59051e417fca97395000bfb723858cae
L'édito paru cette semaine dans Business Magazine
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