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Panne !
C’est plutôt embarrassant, me semble-t-il, quand un pays qui s’est fraîchement hissé dans le groupe des High Income Countries, comme Maurice en 2019, s’entend systématiquement dire que les services de l’État, souvent des services jugés essentiels, sont en panne ou défaillants.
En l’absence d’une Freedom of Information Act, il n’y a apparemment que la réponse parlementaire pour établir ce genre de faits, puisque les attachés de presse, du moins les deux que j’ai contactés ces derniers mois, enregistrent la demande, mais ne rappellent pas. Je suppose que les réponses embarrassantes ne sont pas particulièrement favorisées ? Quant aux réponses parlementaires, encore faudrait-il que nous ayons un gouvernement qui accepte de siéger un mardi, seul jour où, selon les standing orders, les députés peuvent poser des questions aux ministres de la république ! **
«Que le gouvernement considère de créer un tableau de bord qui permette à ses propres services et au citoyen lambda de voir, en temps presque réel, l’état de santé de nos services publics»
Ce que nous savons à ce stade cependant ne rassure personne et projette l’image d’un pays au moins partiellement éclopé, alors que ce ne sont pas les budgets qui manquent à ce stade. Je réalise, par ailleurs, que la panne peut surgir à tout moment, n’importe où. Mais c’est bien pour cela que l’on fait de l’entretien préventivement ?
C’est ainsi que l’on apprenait, le mardi 4 août, que 399 des 544 caméras installées à la prison de haute sécurité de Melrose étaient en panne, un litige existant au niveau du contrat de maintenance depuis… juin 2018 ! Dans le sillage du drame du Wakashio, on apprenait, le mardi 18 août, que trois des huit radars du Coastal Surveillance Radar System de la National Coast Guard, dont celui de Souillac, étaient en panne quand le Wakashio se pointait dans notre zone économique exclusive. On ne nous précisait pas si c’était une bonne moyenne ou une situation plutôt exceptionnelle. Le plus gros remorqueur de la Mauritius Ports Autority, jaugeant 70 tonnes, était, au moment des faits, lui aussi en panne. Des équipements de la MPA, pourtant immédiatement utiles à Pointe d’Esny, seraient restés en panne à Port-Louis pour des cas d’urgence… potentiels ! Et quand, enfin, la MPA dépêche l’un de ses vieux remorqueurs, cette semaine, c’est un autre drame, humain celui-là, qui se joue !
La semaine dernière, on apprenait que le Dhruv, le seul des six hélicoptères de la NCG, capable d’intervenir la nuit, était, quant à lui, en maintenance, mais on n’expliquait pas pourquoi le Wakashio n’était pas jugé «suspect» avant le coucher du soleil, malgré son cap troublant. Certains parmi vous se souviendront sans doute que plus de 200 véhicules étaient tombés en panne à partir de la fin d’octobre 2019 ? On avait soupçonné le manganèse. Le rapport final est en panne ? Comme le sont pas mal d’enquêtes à la police ou à l’ICAC ou même des procès en cour. Ajoutons MT, d’habitude si jalouse d’être performante, qui annonçait dans un communiqué en date du 29 août qui semait le doute, que 8 des 30 caméras de sa plateforme ‘Traffic Watch’ à Port-Louis et ses alentours étaient en panne depuis deux mois… alors que certains en avaient besoin pour suivre la marche citoyenne.
Devant un tel accumulé d’outils qui ne marchent pas, l’on est en droit de s’inquiéter pour le pourcentage de tablettes distribuées dans les écoles qui fonctionnent encore, pour le taux de panne des véhicules de la police et des patrouilleurs de la NCG, pour le nombre de caméras de safe city «en état», pour les appareils clés qui parsèment nos hôpitaux (mammographie, traitement du cancer, respirateurs artificiels pour bébés naissants, etc.), encore que, même sans statistiques, l’on nous rassure pour ce dernier item.
Ce qui m’amène à suggérer, maintenant que nous avons investi des centaines de millions dans de l’e-government et que nous sommes à l’ère de l’«Internet of things» et à la veille d’un parc technologique à Côte d’Or, que le gouvernement considère de créer un tableau de bord, qui permette à ses propres services et au citoyen lambda, de voir, en temps presque réel, l’état de santé de nos services publics.
Ce dashboard, dont les contours devraient continuellement être élargis d’ailleurs, pourrait, par exemple, pour le ministère du Logement, comporter, pour les 10 dernières années ou depuis 2014, mettons, le nombre de logements sociaux construits, vendus et en location ; l’état d’avancement des projets en cours dans chaque localité ; les plans de maintenance programmés ; une section où l’habitant pourrait afficher ses doléances et où le ministère devrait communiquer sa réaction ; le pourcentage d’heures d’alimentation en eau courante versus le 24/7/30 ; le répertoire complet des terrains possédés par l’État, etc. Le ministère de la Santé pourrait lister ses équipements essentiels, leur distribution autour de l’île, leur état de marche, la situation des stocks de médicaments (y compris les stocks reformés et les achats), prix inclus, le nombre de lits et le taux d’occupation de ceux-ci, la liste d’attente pour les opérations, etc.
Il est clair que le début de cette initiative de transparence peut être un peu embarrassant. Mais l’idée est surtout d’améliorer les services puisque, les ayant d’abord rendu totalement transparents, leurs responsables ne seront que plus motivés à parfaire le rendu.
N’est-ce pas, en fin de compte, ce que l’on devrait rechercher ? C’est-à-dire les moyens d’optimiser l’utilisation de l’argent des contribuables ? Ça aiderait à éviter d’autres 29 août, peut-être ?
** Dans un article d’opinion daté du 19 mai dernier (un mardi !), Milan Meetarbhan soulignait la tactique délibérée : depuis le mardi 24 septembre 2019, il y a eu 10 séances parlementaires qui ne se sont pas tenues un mardi, jusqu’au 5 mai 2020. NEUF MOIS s’étaient passés ! Des 10 prochaines séances parlementaires, seule celle du 9 juin s’alignait avec un mardi. On a heureusement retrouvé le bon sillon, avec 10 sessions du mardi depuis le 16 juin dernier. À la bonne heure !
P.S. Dans l’éditorial de la semaine dernière, le Wage Assistance Scheme a été décrit comme couvrant 50 % des salaires, tout au plus. En fait, cette proposition-là s’appliquait aux employés du secteur privé pendant le confinement à partir de mars 2020. Le GWAS est destiné aux hôtels et à 18 catégories du secteur para-touristique à partir de juin 2020 et couvre 100 % du salaire jusqu’à Rs 25 000, ce même montant de Rs 25 000 pour les salaires jusqu’à Rs 50 000 et rien au-delà.
L'édito paru cette semaine dans Business Magazine
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