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Et pour l’économie, ça va aller ? (II)
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Et pour l’économie, ça va aller ? (II)
La question en titre était posée le 19 août dernier et ne trouvait pas, malheureusement, de réponse puisque celle-ci était essentiellement liée à la réouverture des frontières qui se faisait toujours désirer.
La question en titre se pose à nouveau puisque nous n’avons toujours pas pris de décisions claires et nettes. Le 22 août dernier, le Premier ministre annonçait bien une réouverture par phases de notre aéroport lors des célébrations de la fête Ganesh Chaturthi à Henrietta, mais les seules réouvertures effectivement documentées étaient, d’une part, celle donnant enfin effet au rapatriement accéléré de nos compatriotes bloqués à l’étranger depuis des mois déjà et, d’autre part, celle qui accepterait tous les types de visiteurs pourvu qu’ils passent non plus quatorze, mais quinze jours en… quarantaine à partir du 1er octobre ! Aucun touriste (sauf s’il vient pour du long terme), aucun technicien appelé à «commission» une nouvelle machine, aucun acheteur potentiel d’immobilier, aucun directeur appelé à donner de la substance à l’existence de sa compagnie offshore à Maurice, n’est donc passible de venir à Maurice dans ces conditions !
«Une économie a besoin de tourner de manière réelle et ne peut vivre trop longtemps de transfusion intraveineuse»
Une réouverture plus extensive du ciel, selon les termes mêmes du communiqué du PMO en date du 30 août dernier «va débuter à une date qui sera déterminée à la lumière de l’évolution de la pandémie de Covid-19», le PMO confirmant, par ailleurs, que «la priorité demeurera la protection de notre population». Sanitairement plutôt qu’économiquement, s’entend.
Or, le développement de la pandémie dans le reste du monde est loin d’être prometteur au stade actuel. Ça flambe encore en France, en Inde ça devient vraiment inquiétant, la situation se dégrade à nouveau en Espagne, au Royaume-Uni, en Italie, en Allemagne, en Suisse. Du moins au niveau du taux d’identification du virus par tests faits (1). À La Réunion ou en Afrique du Sud, ce n’est pas brillant, non plus. Il y a, par contre, moins de cas d’urgence et, semble-t-il, un taux plus faible de mortalité. Quelle lecture vont en faire ceux qui décideront si l’on va ouvrir ou pas ? Dans tous les cas, les probabilités sont qu’il faudra vivre avec pour longtemps encore…
Ce qui est certain, c’est que nous avons déjà commencé à rater les réservations de l’été, qu’il y aura bien moins de voyageurs de toute façon, qu’il y a quand même des limites évidentes à l’assistance financière d’un État et que les effets négatifs du Wakashio et d’un secteur touristique momifié trop longtemps vont être insupportables à terme. D’ailleurs, «Whatever it takes» est une formule qui n’est même pas à moitié rassurante car les budgets, familiaux ou nationaux, comme les casseroles encore utiles, touchent éventuellement un fond…
Une économie a besoin de tourner de manière réelle, bien sûr, et ne peut vivre trop longtemps de transfusion intraveineuse ou de ‘drip’.
Or, la demande intérieure du pays a sérieusement ralenti. Les recettes de la MRA sont freinées. La dette nationale va se dégrader encore plus que les 86,4 % du PIB qui a été prédit pour 2020/21 dans le discours du Budget, malgré l’injection des Rs 60 milliards de la BoM. Le poids des retraites non couvertes va grossir, encore plus avec la CSG qui pourrait même maintenant faire l’objet d’un challenge sur le plan légal. Les perspectives d’Air Mauritius sont nulles sans ouverture du ciel et sont très problématiques de toute façon si l’aéroport ouvre ses portes car le gouvernement a garanti nombre de ses ‘leases’ d’avion et que l’on va, de toute façon, voyager bien moins… Une étude de la Banque mondiale en conjonction avec Statistics Mauritius a conclu que plus d’un ménage sur trois avait déjà encaissé une baisse de revenus à mai 2020 et que 24 % de Mauriciens avaient perdu leur emploi pendant le confinement, la grosse majorité étant dans le secteur informel. Ont-ils tous, depuis, retrouvé leur situation pré-Covid ? La MIC va-t-elle encore augmenter l’endettement de ceux qu’il aide plutôt que de renforcer le capital ? On projette des risques inflationnistes réels avec une roupie qui glisse. La balance des paiements est sous forte pression. A-t-on pu réduire les dépenses publiques de 10 % comme annoncé dans le Budget ? On est en ‘liste noire’ de l’UE pour un bout de temps. À lire Gilbert E. Noël le 6 septembre dernier dans Week-End, l’avenir paraît plus difficile que le présent, et il a raison ! Le secteur textile, de son côté, fait face à une demande mondiale molle et les signes sont que le licenciement de 220 travailleurs étrangers le 11 septembre à Esquel ne sera pas le dernier licenciement souhaité lors des prochains mois, même si l’on tente de décréter le licenciement «illégal», comme en régime communiste des «jours heureux». Les manifestations du 29 août à Port-Louis et du 12 septembre à Mahébourg révèlent des malaises importants dans le pays qui ne vont pas aider la prise de conscience économique et minent la «confiance», pourtant vitale pour faire face à nos défis !
Il nous faut rapidement des raisons d’espérer mieux. Des raisons de croire. Le Wage Assistance Scheme, les prêts convertibles de la MIC, les avances faites aux écorchés du Wakashio pour nécessaires qu’ils soient dans l’urgence, ne sont que des palliatifs artificiels et temporaires. Il y a des risques à prendre, des politiques à changer, un pays à fédérer, une population à dynamiser, une économie à retrouver.
On commence par quoi ? Par punir ceux perçus comme des «opposants», vous croyez ?
(1) https://ourworldindata.org/coronavirus - which-countries-are-making-progress-against-the-pandemic
L'édito paru cette semaine dans Business Magazine
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