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Joute villageoise: après séquestration et négociations et avec la Jaguar et les allocations, le MSM l’emporte
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Joute villageoise: après séquestration et négociations et avec la Jaguar et les allocations, le MSM l’emporte
Quand les villageois auront fini de voter le dimanche 22 novembre et les résultats proclamés le soir même – belle innovation du tandem Irfan Rahman et Yusuf Aboobakar – le pouvoir se mettra aussitôt au travail. La première grande tâche des apparatchiks du pouvoir, c’est de tout mettre en oeuvre pour que le président du conseil du village soit quelqu’un de correct. En même temps, le pouvoir va tout faire pour que le représentant du village au conseil de district soit quelqu’un de manipulable. Car l’objectif le plus important pour le parti au pouvoir, c’est de contrôler le conseil de district et d’avoir comme président quelqu’un acquis à sa cause.
Les incitations pour siéger au conseil du village et du district sont intéressantes. Au niveau du village, le président touche une allocation de Rs 11 900 et le vice-président, Rs 6 900. Chaque conseiller de village a droit à une allocation de Rs 2 000. Au conseil de district, le simple membre touche Rs 11 900 alors que le président a comme récompense une allocation de Rs 35 000, en sus de Rs 13 000 pour le carburant et Rs 2 000 pour le téléphone. Évidemment, une berline, une allemande ou une Jaguar est mise à la disposition du président. Le viceprésident du conseil de district, lui, touche Rs 17 000.
À partir de ces acquis dont bénéficient les élus, le pouvoir utilisera différentes tactiques pour s’assurer de leur fidélité. Des promesses seront faites et en cas de résistance, des menaces de représailles contre les proches sont proférées, des intérêts financiers s’exposant à la ruine. Pour les aspirants présidents, toucher Rs 50 000, rouler en Jaguar avec plaques d’immatriculation spéciales et côtoyer des ministres donnent lieu à maintes manoeuvres de positionnement afin de se faire remarquer par le pouvoir central. C’est aussi un pas vers une future élection au Parlement même.
Pour s’assurer d’un contrôle éventuel du conseil de district, le pouvoir n’hésitera pas à avoir recours à des contraintes physiques, même à la séquestration dans un hôtel la nuit précédant le vote au conseil de district. À l’exception d’un cas, le pouvoir finit toujours par imposer un vote discipliné. En effet, un cas flagrant de rébellion s’est produit le 17 décembre 2010 quand défiant les directives du parti, une femme appelée Sandhya Boygah et encore svelte s’était fait élire présidente des districts de Rivière-du-Rempart– Pamplemousses, alors réunis sous un seul conseil. Boygah ne restera présidente que pour trois jours car le 20 décembre elle était révoquée. Au fait, la nomination des présidents de conseil de district – et des maires aussi – se fait généralement suivant un acrobatique exercice de communalo-castéisme scientifique mené par les dirigeants, les postes étant judicieusement panachés sur plusieurs instances. Or, en se faisant élire, Sandhya Boygah bousculait le calcul de castéisme scientifique arrêté par des stratèges travaillistes. Cet incident a profondément marqué Sandhya Boygah, une fidèle des fidèles dans la brigade rouge. Celle qui inondait littéralement le leader rouge de lettres avec des propos enflammés, le qualifiant même de «God», voua à partir de ce moment une haine viscérale envers Navin Ramgoolam.
En dehors du cas de la présidente de trois jours, la perte d’un conseil de district par le pouvoir constitue un phénomène des plus rares. Comme dans le cas de l’actuel conseil de district de Rivière-Noire. L’actuelle présidente du conseil, Véronique Leu-Govind, une fervente PMSD, et son vice-président Khemraj Ortoo, un diehard du MMM, se réclament de l’opposition. Contrairement aux autres conseils de district composés d’éléments manipulables par le pouvoir, celui de Rivière-Noire est différent de sorte qu’une rare combinaison des ressources du PMSD et du MMM s’est assurée le contrôle de cette instance régionale, la plus petite du pays.
Contrairement aux administrations urbaines, les conseils de district, encore plus les conseils de village, se retrouvent dans l’obligation totale de travailler avec le pouvoir central. En effet, en l’absence de la taxe immobilière rurale, les conseils de district fonctionnent sur un maigre budget qui ne couvre que les salaires du personnel, les allocations des élus, les dépenses sur la voiture du président, les rares véhicules utilitaires et quelques menus travaux, dont le remplacement d’une plaque indicatrice. Le budget de développement (capital budget) n’est que symbolique sinon inexistant. Ce qui assure le «développement» et le maintien des services et des infrastructures, c’est le pouvoir central à travers ses différentes institutions dont la National Development Unit, la Road Development Authority, le ministère de l’Environnement, les Citizens Advice Bureaux et par l’engagement des Private Parliamentary Secretaries qui sont capables de mobiliser les ressources de l’État. La Beach Authority et la Mauritius Tourism Authority sont présentes à leur façon, avec leurs immenses ressources, dans les villages côtiers.
Avec un tel déploiement des ressources de l’État, aucun responsable de conseil de district ne serait assez fou pour dire «Navin nou lérwa» au lieu de «Pravind nou Bondié». Par contre, dans les administrations urbaines dont une partie des revenus est assurée par la taxe municipale, on pourrait bien se passer de l’exercice de la courbette face au pouvoir central bien que l’assistance financière de ce dernier est toujours déterminante. Les municipalités contrôlées par le MMM systématiquement boycottées par le MSM réussirent néanmoins à répondre aux attentes de la population. Une administration MMM connut même une gestion impeccable tout en s’engageant dans d’ambitieux projets de développement. Il s’agit de la municipalité de Beau-Bassin–Rose-Hill alors gérée par Jean Claude de l’Estrac.
Mais l’hirondelle de l’Estrac est loin de faire le printemps dans les administrations rurales de 2020. Dans la dernière semaine de novembre 2020, quand les différents présidents de conseil de district auront été désignés – en la présence des ministres et députés concernés directement par la région –, on verra défiler sur l’écran de la MBC les différents présidents et vice-présidents qui vont tous, l’un après l’autre, exprimer leur totale confiance dans le gouvernement tout en chantant les louanges du Premier ministre, Pravind Kumar Jugnauth. Ce serait alors une spectaculaire victoire du MSM contre tous ses adversaires réunis.
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