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Reprise théâtrale sur fond électoral

3 novembre 2020, 07:18

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Nos incursions dans les villages l’attestent : les villageoises, hormis quelques jeunes indépendants, qui veulent incarner le renouveau, c’est surtout un match qui se joue entre orange et rouge, avec ou sans «proxy». Avec l’appareil d’État et une échéance électorale délibérément brève, le MSM veut enfoncer un autre clou dans le cercueil politique de Navin Ramgoolam. Et ce, avant que les pétitions électorales ne soient prises sur le fond. C’est aussi un moyen pour le pouvoir en place de couper l’herbe sous les pieds des leaders mauve et bleu, qui apportent leur soutien aux travaillistes.

Voyant venir son adversaire, et ayant compris sa stratégie rurale, Ramgoolam se doit alors de semer le doute sur la constitution d’une alliance rouge-mauvebleue. «Une entente n’est pas une alliance», précise-t-il, au risque de fissurer le bloc parlementaire de l’opposition. Si pour les municipales de l’an prochain, Bérenger et Duval sont des assets aux yeux de Ramgoolam, pour les villageoises, ils sont surtout des liabilities pour lui et son parti — d’où le besoin de s’éloigner momentanément de leurs influences, quitte à créer un froid conjoncturel.

La politique, à ce niveau de confrontation entre les dynasties Jugnauth et Ramgoolam, laisse peu de place aux sentiments. C’est le tout pragmatisme qui l’emporte. On recollera ou pas les morceaux après. On verra...

 

Si, au soir du 22 novembre, le rouge ou l’anti-orange l’emporte dans une majorité des 130 villages, le pouvoir de négociation de Ramgoolam avec ses deux partenaires de l’opposition parlementaire se renforcera. Mais la partie n’est pas gagnée avec les gros moyens déployés par le régime en place — pour qui la conquête du pouvoir passe immanquablement par les dirty tricks du terrible duo money politics»/ «ethnic politics. L’université de Maurice vient de publier, courageusement, un rapport sur le poids grandissant de l’argent (par centaines de millions) dans nos mœurs électorales. Et l’an dernier, le phénomène ethno-religieux Katori, dans les circonscriptions 5-14, avait, grande- ment, joué en défaveur des rouges, et en faveur des oranges, à partir d’un discours manipulé, extrait de son contexte, et diffusé, stratégiquement, sur les réseaux et relais de SMS Pariaz, Mauritius Telecom et de la MBC — qui conservent leur pouvoir monopolistique avec la bénédiction de la couleur orange.

Autre monopole du régime au pouvoir : le rappel ou la fermeture du Parlement. Alors que le pays traversait de multiples crises — confinement, fermeture des supermarchés et autres commerces, achats par milliards de roupies de médicaments et d’équipements dans l’urgence et dans l’opacité, fermeture des frontières, des milliers de Mauriciens, bloqués aux quatre coins du monde, le naufrage du Wakashio, la marée noire, la mort de dizaines de mammifères marins, les soulèvements populaires — le MSM avait choisi de garder fermée la maison du peuple, faisant fi de nombreux appels pour la reprise des travaux de l’Assemblée nationale. Profitant à fond de notre système politique, qui fait du Premier ministre un empereur d’un autre temps, l’exécutif a écrasé de tout son poids le législatif, pourtant censé être le chien de garde de la démocratie parlementaire, que nous sommes sur papier.

Sur la vingtaine d’interpellations à l’agenda du Premier ministre demain, notamment sur les problèmes liés au port/ Cargo Handling Corporation Ltd et au remorqueur Sir Gaëtan, sur l’ADSU et le trafic de drogue, Air Mauritius, Agalega, le nombre de jets privés ayant atterri en dépit de la fermeture de nos frontières, l’équipe de tournage d’Alan Govinden, le tant attendu Freedom of Information Bill, il ne faut nullement s’attendre à des réponses exhaustives. La tactique du MSM est connue, et est démontrée d’ailleurs par la série de questions restées sans réponse par rapport au dossier Angus Road. On ne répond pas, on tergiverse, on menace, et puis on avance que l’on «rassemble les éléments». Pourtant l’ICAC avait déjà bien avancé en 2014 sur ce dossier de blanchiment d’argent, en recherchant et en ob- tenant l’aide des autorités britanniques, avant qu’elle ne soit mise sous le bol du MSM, avec le recrutement du fidèle Na- vin Beekarry, dont le mandat, apparemment, serait renouvelé dans pas longtemps, n’en déplaise à Bissoon Mungroo.

Comme Leader of the House, le Premier ministre détient, du reste, un palmarès qui montre le peu d’importance qu’il attache à la transparence. Il cumule le plus de questions restées sans réponse, notamment sur l’IBA, l’arrestation de citoyens-internautes, ses conseillers, les caméras de surveillance dans les prisons et autres enquêtes policières. Cette posture antidémocratique est adoptée par plusieurs de ses ministres, dont Alan Ganoo, Bobby Hureeram, Stephan Toussaint, Kavi Ramano, Maneesh Gobin, Yogida Sawmynaden, Kailesh Jagutpal, Soodesh Callichurn et Anwar Husnoo.

Après de longues vacances aux frais des contribuables, souhaitons que nos parlementaires aient trouvé le temps de rassembler les éléments pour répondre aux 141 questions, qui demeurent en suspens, bien qu’elles aient passé le cap du bureau du Speaker. En passant, il reste combien de mardis avant les prochaines vacances… Ainsi va la vie parlementaire dont l’opulent système de pension reste, lui, inchangé.