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CSG, promesses électorales et équilibre fiscal
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CSG, promesses électorales et équilibre fiscal
Le discours du ministre des Finances au Parlement, la semaine dernière, pour défendre la CSG est une tentative assez élégante de défendre son initiative. Mais il a cependant été incomplet et parfois même à côté de la plaque. Tout le monde souhaite que les aînés touchent une meilleure pension, mais il faut au moins savoir si on peut se le permettre ?
Qu’a dit le ministre ? En 3 459 mots, il a dit certaines choses intéressantes, d’autres qui confirment son obsession avec la consommation comme moteur de l’économie, mais reste silencieux sur quelques aspects vitaux de la question.
Monsieur le ministre nous dit que le FMI avait, en 2015, trouvé le NPF «insoutenable» et qu’il aurait été nécessaire à l’État de le soutenir financièrement éventuellement. Cette affirmation, en amont de sa plaidoirie pour la CSG, ne tente pourtant de démontrer d’aucune manière comment la CSG est, par contre, elle-même soutenable ! Les «pseudo-détracteurs» de son idée, comme moi, lui disent pourtant que la CSG EST insoutenable aux taux de contributions proposés et que, soit ces taux devront être fortement relevés à un moment ou que le Consolidated Fund devra être solidement ponctionné pour payer les Rs 4 500 de pension supplémentaire à partir de 2024. Il ne s’en défend pas.
«Prendre son inspiration de l’OCDE pour proposer une pension à 150 % du seuil de pauvreté relative me paraît certainement prématuré économiquement, même si souhaitable socialement»
Cela est d’autant plus surprenant qu’il affirme que la CSG (page 16, version Scrib) «va permettre à notre système de pension de se maintenir dans le temps «… » puisque l’immense majorité des employés/employeurs paie moins sous la CSG que sous le NPF». Cette logique paraît politiquement attrayante, mais économiquement bancale prima facie, et le ministre dit avoir considéré trois alternatives qui étaient (1) de ne pas honorer la promesse électorale de Rs 9 000 (2) de relever l’âge de la retraite à 65 ans pour la BRP et (3) de ne payer la BRP qu’à ceux qui en ont vraiment besoin et il aurait trouvé que ces trois alternatives pouvaient avoir des «conséquences dramatiques». Différentes de la CSG ?
«Pourquoi ne pas réformer le système NPF, qui est un plan d’épargne, plutôt que de passer à la CSG qui est, en fait, une taxe sur l’emploi et en particulier les emplois mieux rémunérés que l’on souhaite pourtant favoriser ?»
Il explique ainsi le paiement d’une pension de Rs 7 000 comme dramatique sur le plan de la consommation et de la croissance (-0,9 % sur le PIB) plutôt que sur le plan politique d’une promesse électorale hasardeuse et il explique aussi qu’augmenter l’âge de la retraite à 65 ans aurait diminué le revenu de 85 000 personnes de 36 % (-1,2 % du PIB) et ne… dit rien sur le ‘drame’ de «means testing» de la pension.
Faut-il rappeler que le dernier budget du ministre des Finances Jugnauth en 2019 ne trouvait de la place que pour augmenter la pension par Rs 500, à Rs 6 710 pm ?
Ses réflexions sur le coefficient de Gini et son effet sur la croissance peuvent, en effet, se débattre, mais rappelons qu’en 2015, 68 % des pays dont le Gini était à moins de 0,3 étaient déjà riches (Allemagne, Hollande, Suisse…), que Maurice se trouvait dans le bloc de 61 pays dont le Gini était entre 0,3 et 0,4 (dont 38 % étaient riches) et que les pays inégalitaires dont le Gini était à plus de 0,4 étaient à 92 % «pauvres», mais que ce groupe comprenait aussi Hong Kong, la Malaisie, Singapour et les États-Unis. Il faut faire attention ! Notamment à la direction de causalité : un pays inégalitaire ne devient (ou ne reste) pas nécessairement pauvre et il est sans doute plus facile de devenir plus égalitaire quand un pays est d’abord devenu riche. S’il me semble risqué de partager mieux quand «gato la pli tipti» (parce qu’à ce moment-là, l’investissement devient (ou reste) crucial), il me paraît clair que l’on doit mieux partager quand le pays progresse. Cependant, prendre son inspiration de l’OCDE pour proposer une pension à 150 % du seuil de pauvreté relative me paraît certainement prématuré économiquement, même si souhaitable socialement, à moins que nous pensions être déjà suffisamment développés pour y postuler ? Ou que l’on ait, impérativement, besoin de gagner des élections ?
Il n’y a pas pléthore de chiffres dans ce discours, mais ayant indiqué une baisse de recettes gouvernementales de Rs 28 milliards post-Covid, le ministre indique (page 10) que les Rs 23 milliards de la BRP en 2019 seront augmentées de Rs 20 milliards avec la BRP à Rs 9 000 et le supplément de Rs 4 500 en 2024 pour les 65 ans +. À la page 21, il cite le FMI pour dire que les recettes publiques de Rs 101 milliards en 2019 passeront à Rs 150 milliards en 2024, ceteris paribus. Et avant de conclure que la CSG rend le système de retraite «viable, soutenable et juste», le ministre clame que grâce aux réformes entreprises «… nous diminuerons la part des dépenses des pensions tant par rapport aux recettes de l’État que par rapport au PIB».
Je ne ferai pas de pseudo-prédiction sur le PIB de 2024 (j’ai mes doutes…), mais on peut noter que Rs 23 milliards de pension en 2019, ce sont, a priori, 22,8 % des recettes publiques de Rs 101 milliards alors que les Rs 43 milliards de 2024 représenteront 28,7 % des recettes publiques de Rs 150 milliards. Tiens ! Une augmentation de 6 % ?
Il y a, comme ça, des «ceteris» qui desservent des «paribus» et des «mutatis mutandis» qui paraissent, parfois, plus raisonnables…
Post Scriptum : Il reste évidemment d’autres questions sur la CSG, d’ailleurs déjà soulevées :
(1) Les fonctionnaires ont déjà une bonne pension. Pourquoi donc les inclure pour les Rs 4 500 de 2024, d’autant qu’ils ne contribueront RIEN pour la CSG, leur employeur, c’est-à-dire le contribuable, prenant tout à sa charge (Tapez «MRA CSG» sur Google et regardez le tableau !).
(2) Pourquoi ne pas réformer le système NPF, qui est un plan d’épargne, plutôt que de passer à la CSG qui est, en fait, une taxe sur l’emploi et en particulier les emplois mieux rémunérés que l’on souhaite pourtant favoriser ? La CSG, en sus de la PRGF, ne va-t-elle pas freiner les investissements dans les emplois de meilleure qualité et donc faire que nos jeunes qualifiés restent encore plus à l’étranger après leurs études ?
(3) Si le ministre évoque le déficit actuariel du NPF, il n’a rien corrigé du déficit existant. Certes, le déficit actuel du NPF ne va plus grossir désormais, mais il faudra de toute façon trouver des fonds pour boucher ce trou-là aussi. Nous avions un trou, NPF. Nous en avons désormais deux, avec la CSG.
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