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Affaires Angus et Kistnen : Diversions
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Affaires Angus et Kistnen : Diversions
Quand la rue scrute le soleil qui n’arrive pas à s’extirper des nuages noirs, et que l’on vous montre la lune en plein jour.
C’est à peu près cela : alors que Maurice retient son souffle par rapport aux troublantes affaires Angus Road et Kistnen – dont les deux protagonistes sont nuls autres que le Premier ministre et le ministre du Commerce – ne voilà-t-il pas que trois autres membres du Cabinet invitent, cette semaine, la presse au PMO pour tenter (grossièrement) de détourner les projecteurs des deux affaires précitées, et évoquer, à leur place, la déclaration des avoirs du leader de l’opposition, qui sont archivés à l’ICAC.
Ce serait apparemment une lettre anonyme qui aurait attiré l’attention du gouvernement sur le patrimoine foncier d’Arvin Boolell qui ne serait pas en règle. À en croire le trio Ganoo-Gobin-Teeluck, arborant un air faussement sévère comme s’ils étaient choqués par l’héritage de Boolell (alors qu’ils ne trouvent rien de mal dans les affaires Angus Road et Kistnen !), le fait que le leader de l’opposition ait omis de déclarer des biens «qui n’ont pas encore été partagés» constitue un «délit très grave», qui disqualifierait Boolell du poste de leader de l’opposition ! Rien que ça. Bref, ils veulent faire croire que Pravind Jugnauth est un ange à côté de Boolell.
Bien évidemment la MBC et les autres pseudojournalistes à la solde du MSM ont répété ad infinitam, micro-trottoir démagogique à l’appui, qu’Arvin Boolell, déjà suspendu du Parlement par Sooroojdev Phokeer, devait démissionner sans tarder de son poste constitutionnel – et que la décision du DPP, autre poste constitutionnel dont l’indépendance est garantie, est très attendue par le gouvernement. Pour rappel, le Premier ministre, répondant à une PNQ, n’avait pas hésité à évoquer l’affaire Sun Tan et le DPP alors qu’Arvin Boolell l’interrogeait sur l’affaire Angus Road.
En faisant un amalgame entre les deux Boolell, le pouvoir est en train, au-delà des deux frères, de souiller deux institutions. En persistant à jeter de la boue sur eux, les stratèges en com du gouvernement veulent faire oublier un peu Pravind Jugnauth et Yogida Sawmynaden. Pour atteindre leurs objectifs politiciens, l’exécutif s’en contrefiche du principe d’indépendance des institutions. Après avoir échoué dans sa tentative de placer le bureau du DPP sous celui de l’Attorney General (poste réservé à un nominé politique dont l’allégeance est ainsi assurée), à travers la Prosecution Commission (que le PMSD de Xavier Duval a heureusement pu neutraliser en démissionnant du gouvernement), c’est sur le terrain belliqueux de la politique que le régime de Pravind Jugnauth entend malmener Me Satyajit Boolell – dont la décision d’ouvrir sur-le-champ une enquête judiciaire sur la mort suspecte de Kistnen a pris de court le pouvoir. Grâce à cette initiative du DPP, les tentatives de «cover-up» par la police ou l’ICAC sont rendues bien plus difficiles, et ce, même si les images de Safe City disparaissent, comme par magie pour la partie couvrant La Louise…
À la fin de leur diatribe, un journaliste a demandé aux trois ministres-animateurs de conférence de presse ce qu’ils pensaient de l’affaire Kistnen, notamment si le ministre Sawmynaden ne devait pas démissionner face aux éléments troublants qui surgissent… Moment d’hésitation. Gobin regarde Ganoo (qui depuis le départ de Collendavelloo rivalise avec Obeegadoo pour s’attirer les faveurs du leader du MSM), un sourire en coin, et puis se lance : «Il faut savoir qu’il n’y a rien contre Yogida Sawmynaden (…) C’est juste une enquête judiciaire (…) Dans pareille enquête, il n’y a pas d’accusé (…) la cour cherche juste à établir les faits», répond-on en substance. Sur ce, la conférence de presse de dénonciation contre Boolell prend fin. Pas question qu’elle soit détournée par le feuilleton Kistnen, ou surtout, par l’Angus Road saga.
Cette grossière conférence de presse démontre à quel point ce gouvernement tente désespérément d’allumer des contre-feux, à défaut de pouvoir jouer la carte de la transparence dans les affaires Angus Road et Kistnen. Le silence assourdissant de Yogida Sawmynaden, malgré tout ce qui remonte à la surface, n’a d’égal que celui du Premier ministre, qui a choisi la longue et sinueuse voie judiciaire à défaut de pouvoir circuler sa Documentary Evidence relative à ses transactions immobilières, bancaires et fiscales.
Incapables de répondre aux nombreuses questions de l’opinion, Premier ministre et ministre ont choisi soit de menacer (à coups de procès-réclamations de dizaines de millions de roupies) soit de jouer aux muets. Parallèlement, le pouvoir tente de monter d’autres affaires en faisant appel aux dossiers de l’ICAC, qui, elle, trouve moyen de fêter la Journée internationale contre la corruption, sans convier la presse libre et indépendante, pourtant un acteur-clé reconnu et soutenu par la communauté internationale, dont la FATF et l’Union européenne.
Navin Beekarry a, en fait, peur que la presse l’interroge sur la question-clé : pourquoi Ivan Collendavelloo, qui n’a pas encore été convié par l’ICAC, a eu à démissionner du gouvernement alors que Pravind Jugnauth et Yogida Sawmynaden, qui font l’objet d’enquêtes par la commission (l’un pour des reçus de paiement en cash et l’autre pour l’emploi fictif de Simla Kistnen), restent, eux, en poste, désespérément accrochés au rocher du pouvoir, comme si leur vie en dépendait ? Où sont passés les principes?
Pravind Jugnauth, pour avoir présidé des comités chargés d’acheter en urgence des équipements médicaux pendant le confinement, est, directement ou indirectement, responsable des abus orchestrés apparemment par le ministre du Commerce et la State Trading Corporation. D’où son incapacité de sanctionner son colistier Yogida, qui est dans le fromage depuis 2014 aux no 8, Sun Trust et Conseil des ministres. Jusqu’ici, cela relevait de l’affairisme version MSM. Mais depuis Kistnen, peut-être davantage que le dossier Angus Road, cela prend une dimension mafieuse, criminelle, sur laquelle on ne peut pas détourner les yeux. Oui, Arvin Boolell a peut-être fauté sur le pur plan procédurier quand il a rempli sa fiche, mais ce n’est pas une raison pour reléguer les affaires Angus Road et Kistnen, n’est-ce pas ?
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Sur le plan de la séparation des pouvoirs, il est intéressant de suivre le match entre le député Shakeel Mohamed et le speaker qui se joue devant la Cour suprême d’une part, et de l’autre, celui entre le même député et les membres de la majorité qui se joue au Parlement. Asraf Caunhye va-t-il s’immiscer dans la conduite des affaires parlementaires, ou assistera-ton à cet adage : ce qui se passe au Parlement reste au Parlement ?
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En dernier lieu : comment ne pas regretter que Xavier Duval ait choisi de retirer son procès contre Showkutally Soodhun, qui l’avait menacé de mort en utilisant le revolver de son garde du corps. Sitôt l’affaire rayée en Cour, l’ambassadeur Soodhun n’a pas remercié Duval mais son leader Pravind Jugnauth. Ce genre d’arrangements entre politiciens contribue à la méfiance grandissante des citoyens envers les politiciens, qui arrivent souvent à se soustraire à la justice.
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