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Soodhun: un énigmatique jeu de XLD?

12 décembre 2020, 07:13

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Soodhun: un énigmatique jeu de XLD?

Qu’est-ce qui a poussé le leader du PMSD, Xavier-Luc Duval (XLD), à pardonner à Showkutally Soodhun après que ce dernier eut menacé de le tuer avec une arme à feu ? Compte tenu de la forte influence du concept chrétien du pardon dans la société mauricienne, il n’est pas difficile de comprendre la démarche du leader du PMSD de dédouaner cet homme politique atypique qui aime tellement les Jugnauth qu’il avait voté sans la moindre hésitation pour l’abrogation de la Muslim Personal Law et qui n’a pas été trop loin de clamer, comme Dhundev Bahadoor, que sir Anerood Jugnauth pourrait revendiquer le statut de quelqu’un enn tigit pli tipti ki Bondié.

Si la poursuite dans l’affaire de menace de mort a décidé de ne pas aller de l’avant avec le procès en se basant sur une lettre écrite par XLD pour pardonner Soodhun, ce dernier n’a pas joué le jeu. En effet, il a créé l’impression qu’il a été blanchi par la justice. Ce qui met XLD dans une fort embarrassante position. Si on avait affaire à une autre personne que Soodhun, on aurait certainement entendu des déclarations du genre «je remercie vivement XLD»«je suis très content qu’il ait souhaité ne pas aller de l’avant avec cette affaire», «personnellement, je regrette avoir tenu de tels propos»,.

L’explication donnée par XLD selon laquelle il ne voulait pas que la réputation de Soodhun soit endommagée maintenant qu’il est ambassadeur en Arabie saoudite n’est pas vraiment convaincante. En effet, dans les pays d’Asie, d’Afrique et de l’Amérique latine, un ambassadeur qui a menacé de descendre un adversaire avec une arme à feu aurait suscité de l’admiration à cause de son côté macho. Même dans certains pays d’Europe, cela n’aurait posé problème. En revanche, dans les pays anglo-saxons et scandinaves, un tel personnage aurait difficilement obtenu l’accréditation comme ambassadeur. Et même s’il avait obtenu l’agrément et que le scandale avait éclaté par la suite, il aurait passé un sale quart d’heure aux mains des médias.

Ce qui a amené les esprits tordus à voir en la manœuvre de XLD l’expression d’un geste de bonne volonté et d’un investissement en termes de goodwill envers le MSM en vue de se joindre au gouvernement éventuellement. À ce propos, on ne manque pas de faire ressortir que depuis 1969, le PMSD se plaît dans son rôle de junior partner d’un autre parti qui enlève une majorité de sièges dans les régions rurales. C’est ainsi que le PMSD a fait partie de plusieurs gouvernements tant travaillistes que MSM depuis 1969. Sir Anerood Jugnauth a bien décrit l’apport du PMSD comme les cinq sous qui lui manquent pour arrondir sa roupie.

Et le PMSD de 2020, toujours les cinq sous ? Les mœurs ont bien évolué et on serait bien mal inspiré de juger le PMSD 2020 de XLD par son comportement passé. Sous XLD, le PMSD a prouvé que ce parti ne se contente pas de «chercher son bout» mais pourrait dire non d’une façon énergique au règne de privilège et de jouissance qui va de pair avec une participation au gouvernement. C’est ainsi que le 19 décembre 2016, le PMSD se retirait du gouvernement plutôt que de cautionner la zimbabwéisation du pays par le remplacement de l’office constitutionnel du Directeur des poursuites publiques et l’institution d’une Prosecution Commission à être gérée par des nominés du pouvoir. Ainsi, XLD lui-même, les ministres Aurore Perraud et Dan Baboo, les Parliamentary Private Secretaries Salim Abbas Mamode et Thierry Henry, le Deputy-speaker Adrien Duval et les députes Patrice Armance, Malini Sewocksingh et Guito Lepoigneur abandonnaient tous leurs privilèges pour aller s’asseoir sur les bancs de l’opposition plutôt que de cautionner la destruction du poste constitutionnel qui garantit l’indépendance du mécanisme des poursuites par rapport au pouvoir politique. Toutefois, en décembre 2016, le PMSD Alain Wong resta en fonction tout comme Jean Ah-Chuen qui décida de soutenir le gouvernement après la révocation du PMSD par sir Seewoosagur Ramgoolam le 17 décembre 1973.

Avant cette décision du 19 décembre 2016 qualifiée de courageuse dans es rangs de l’opposition, le passage du PMSD avait été marqué soit par une révocation (après SSR en 1973, Anerood Jugnauth fit lui aussi partir le PMSD du gouvernement en août 1988), soit par un retrait stratégique avant que le navire ne coule, comme en 1995 quand son allié MSM allait se faire battre à 60-0 et en 2014 quand son partenaire rouge tenta l’aventure avec le MMM et mordit la poussière alors que le PMSD avait déjà été pris sous les ailes d’Anerood Jugnauth.

Ce coup honorable de décembre 2016 pourrait indiquer qu’en dédouanant Soodhun, le PMSD n’était pas à la recherche d’un ‘bout’ tels les Alan Ganoo, Steve Obeegadoo et Kavy Ramano et que XLD voulait tout simplement faire preuve d’élégance visà-vis de quelqu’un dont le potentiel d’entertainment dépasse de loin tout soupçon qu’on pourrait entretenir sur tout sombre dessein de sa part. Qui n’adore pas les déclarations farfelues et fleuries de Soodhun imbattable qu’il soit dans l’art de donner au parler créole une saveur éminemment bhojpuri grâce à son accent inégalable ?

Mais l’affaire Soodhun n’a pas été qu’un simple fait divers. Côté Lakwizinn, on a sans doute adoré la lettre de XLD sur Soodhun. Le moindre signe de mésentente dans les rangs de l’opposition annonce des jours meilleurs pour 2024. Quant à l’opposition PTr-MMM-PMSD, seule une alliance sans la moindre faille – dans les démarches comme dans les paroles – pourrait priver Pravind Jugnauth de l’opportunité de rester aux fonctions de Premier ministre jusqu’en 2029. Soit presque une décennie encore.