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Money politics
La loi désuète sur les dépenses électorales s’avère une fumisterie qui ne fait plus rire. Elle encourage le mensonge, l’absence de transparence, la corruption, entre autres. Mais pratiquement tous les politiciens des principaux partis politiques, et les autorités dites concernées, dont la Commission électorale, s’en accommodent depuis des décennies. Pourquoi ceux qui bénéficient d’un tel système pourri – et qui se partagent le trésor de guerre électorale en famille et entre clans – vont-ils vouloir se faire harakiri dans une tentative de changer la donne ?
La construction du Sun Trust par sir Anerood Jugnauth, la découverte de Rs 220 millions dans l’un des coffres de Navin Ramgoolam, le chèque de Rs 10 millions de Dawood Rawat au profit du MMM et, tout dernièrement, la découverte d’un carnet de campagne des dépenses du trio Pravind JugnauthLeela Devi Dookun-Yogida Sawmynaden lors des dernières législatives au numéro 8 attestent que le plafond de Rs 150 000 par candidat n’est qu’une mascarade – qui vient conditionner d’emblée le début et la fin des législatures.
Si l’on commence sa carrière au gouvernement en jurant solennellement un faux affidavit, comment voulez-vous ensuite que ce gouvernement retrouve le chemin de la vérité, surtout en l’absence volontairement prolongée d’une loi sur le financement politique et d’une Freedom of Information Act ? Comment gouverner dans le respect des lois si le premier acte est illégitime et illégal ?
La Representation of People Act intime aux candidats de soumettre, dans un délai de six semaines à compter du scrutin, leur liste de dépenses factice ; liste que l’on peut ensuite consulter sur le site de la Commission électorale. Le mensonge collectif qui est publié illustre bien le fait que nous ne sommes en fait qu’une démocratie sur papier. S’il est bienvenu que le commissaire, Irfan Rahman, lors de sa rencontre d’hier avec Rezistanz ek Alternativ, ait reconnu que la loi sur les dépenses électorales se révèle une farce, est-ce pour autant une raison de laisser les politiciens violer la loi impunément ? Si les politiciens ne veulent pas l’amender, devraient-ils alors get away with murder ? Sinon, à quoi servent les membres de la Commission électorale, devrait-on sérieusement se demander, surtout à un moment où l’économie nous oblige à couper les dépenses superflues du gouvernement et à réduire le nombre de corps parapublics.
L’express est en possession du carnet des dépenses du trio Jugnauth-DookunSawmynaden depuis septembre 2020, soit avant le décès de l’activiste Soopramanien Kistnen. On l’avait rangé dans nos dossiers avec les dépenses excessives des autres candidats des autres circonscriptions. Oui, le cancer est généralisé. La Commission électorale aussi reçoit pas mal d’informations qui vont dans le même sens – nous sommes souvent en copie des correspondances qui dénoncent les politiques. C’est devenu une routine à chaque élection. Mais, l’an dernier, le décès suspect de l’activiste Soopramanien Kistnen est venu nous hanter tous en raison de la gravité des faits y relatifs. Du coup, les projecteurs ont été braqués sur le numéro 8 – et ses abus et passe-droits.
Ce carnet du no 8 vient en fait confirmer dans les détails l’inflation des dépenses électorales et les gros moyens déployés. Notre travail de terrain, auprès des commerçants et des agents du no 8, nous a d’ailleurs permis de confirmer l’authenticité des reçus – et de constater l’ampleur du phénomène de Money Politics qui s’aggrave de scrutin en scrutin, alors que la loi, elle, demeure statique et les observateurs locaux et internationaux n’y voient que du feu, quand ils ne préfèrent pas regarder ailleurs.
Les dernières élections villageoises, qui ont vu la victoire de bon nombre de candidats anti-MSM, auront, elles, connu un revirement spectaculaire au niveau des conseils de districts, qui sont restés sous le contrôle du MSM. Le phénomène de Money Politics n’y est pas étranger. Tout le monde le sait, mais on laisse faire ici aussi. Car les autorités et les observateurs sont devenus blasés et ont perdu leur pouvoir d’indignation et d’investigation. C’est le plus dangereux en fait : quand l’on sait que ce n’est pas bien, mais qu’on laisse faire. La Commission électorale n’a désormais pas le choix – elle doit enquêter quitte à hérisser le pouvoir et ses nominés politiques.
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La base du MSM, représentée par des agents politiques jusque-là soumis comme feu Soopramanien Kistnen et H. J., ancien conseiller du ministre Yogida Sawmynaden, dont le carnet de campagne défraie la chronique, serait-elle en train de s’effriter ? Cela semble être le cas à la lumière des récents événements. Si pour la «Private Prosecution» de Sudheer Maudhoo et Kavy Ramano, en août dernier, à Mahébourg, il y avait quelques agents orange, à PortLouis, pour Yogida Sawmynaden, il n’y avait pas grand monde, sauf 300 policiers. Qu’en sera-t-il aujourd’hui ?
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