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Accident du destin
Le gouvernement serait mal inspiré de tenter de minimiser ce qui s’est passé dimanche à La Louise. Ce serait pire s’il tentait d’en faire l’impasse totalement, à l’image d’une MBC plus pudibonde que jamais. Il ne peut plus pratiquer la politique de l’autruche.
Le meeting des avocats de la veuve de Soopramanien Kistnen, qui s’est tenu au carrefour de La Louise, soit l’endroit précis où l’ancien activiste (du MSM au n°8) a disparu des images de la mal nommée Safe City, un 16 octobre 2020. Lieu ô combien symbolique.
Il y a eu une bonne foule, compacte, solidaire, bigarrée, qui n’était pas composée de die-hards des partis traditionnels, ou ceux qu’on achète avec du briani et du rhum, mais la foule était peuplée de citoyens, inquiets, qui veulent comprendre le pourquoi et le comment des décès suspects, qui semblent s’accumuler depuis que le corps calciné de Kistnen a été découvert à Moka. Autre fait notable : il y avait encore plus de monde sur les réseaux sociaux pour suivre le meetingrévélations en direct. C’est pour cela que le PMO, qui a en main la télécommande de la télévision nationale, se trompe lourdement en regardant ailleurs, ou en essayant d’y apporter des demi-réponses politiques.
Pravind Jugnauth s’est offusqué que certains feraient accroire que ce gouvernement tue des gens. Quelques jours plus tard, c’est au tour de Steve Obeegadoo, qui se fait fort de remplacer Ivan Collendavelloo comme n°2 du gouvernement (même s’il n’y a, pour l’heure, aucun élément, dans le domaine public, contre le leader du Muvman Liberater) a abondé dans le même sens que son patron Pravind Jugnauth. Obeegadoo, cet ancien militant des droits humains, a sorti une question rhétorique, du genre «Croyez-vous réellement que ce gouvernement commet des meurtres ?» Hier, c’était au tour d’Alan Ganoo de mettre une couche de vernis moral à l’image dégradée du GM afin de répondre aux nombreuses révélations des «Avengers», alors que le pays s’enfonce dans une longue crise de confiance envers ses institutions-clé (police/CCID/ADSU, ICAC, Commission électorale, STC, etc.) et envers ses dirigeants politiques.
Ainsi, Ganoo vient nous dire que ceux qui sont partis au meeting de La Louise «aiment écouter des palabres !» Pourtant, ce même Alan Ganoo a passé la majeure partie de sa carrière en tant qu’opposant politique.
En voulant défendre, comme Obeegadoo, le MSM de Pravind Jugnauth, il feint de ne pas comprendre, voir, ni entendre les peurs des Mauriciens dans la rue, et méprise des milliers et des milliers de Mauriciens. Outre ceux qui étaient au meeting ou qui l’ont suivi via le Net, il méprise aussi ceux qui ont écouté, des décennies durant, ses virulentes critiques contre les régimes en place.
Obeegadoo et Ganoo, qui ne portent pas encore le maillot orange comme Stephan Toussaint, viennent en revanche se poser comme les principaux rivaux du député Vikash Nuckcheddy et du ministre de la Culture, Avinash Teeluck. Si Nuckcheddy avait traité ceux qui protestaient contre le ministre Yogida Sawmynaden aux abords du tribunal de Port-Louis d’«insignifiants et d’ingrats», vu qu’ils profitent de la pension majorée par le gouvernement, Teeluck avait, lui, conseillé aux participants de la marche historique du 29 août dernier «de kontinié mars-marsé, nou nou pa pou kilé…»
À travers le monde, où des printemps arabes se sont produits, les dirigeants, qui ont connu une chute brutale, n’ont pas su lire les écrits sur les murs et sur la Toile. Ils croyaient qu’ils étaient invincibles, protégés par leur police à eux, incarnée chez nous par Jangi, Appadoo, Jhugroo, etc.
Il ne fait aucun doute que le gouvernement de Pravind Jugnauth devient de plus en plus impopulaire, mais le PMO ne réalise pas qu’il lui faut rectifier le tir. Et si à la défiance qui se propage, le gouvernement choisit de réagir avec sarcasme ou de ne pas réagir du tout, la suite des événements risque d’être compliquée. D’autant que le 13 février, les forces de l’opposition ont déjà donné rendez-vous à tous ceux qui veulent libérer le pays du joug des Jugnauth. Ce jour-là, tout va se cristalliser : la colère de la société civile, de la rue et celle des politiciens qui veulent la chute du régime Jugnauth.
Face à l’Opposition United, le MSM, son minus de ML sans Collendavelloo, ses Ganoo et Obeegadoo, souvent risibles, risque de comprendre qu’il est difficile de gouverner un pays avec seulement 27 % des voix, surtout quand ce pourcentage fond comme la cire, qui retenait les ailes d’Icare. Avec les affaires Angus, St-Louis, Kistnen, Kanakiah, Pravind Jugnauth aurait pu faire l’économie d’un accident mortel qu’il croyait pourtant avoir fait classer, mais le destin semble en décider autrement. Et à son âge, on ne peut se cacher derrière papa, encore une fois.
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